La haine en héritage ou "la culture de la chaussure"
La dictature c’est : "Ferme ta gueule". Et la démocratie : "Cause toujours". (1)
"Quand quelqu’un s’oppose à moi, je lui ferme sa bouche avec ma chaussure, j’enfonce une chaussure dans sa gorge, je le frappe à coups de chaussure etc. Nous vivons aujourd’hui dans la culture de la chaussure." (2) La chaussure n’a pas attendu Bush pour symboliser le cafard qu’on écrase et l’Irak n’a pas attendu la machine de guerre américaine pour se vampiriser. Déjà en 1970, dans le livre The Kingdom of Iraq : A Retrospect, l’auteur y décrit son pays comme si 42 ans plus tard, le temps s’était arrêté. On y trouve le brasier séculaire entre chiites et sunnites, les assassinats de la population, les guerres des tribus des clans, la corruption et la haine partagée par tous pour tous. On y trouve aussi un rapport britannique de 1936 qui affirme que le gouvernement irakien serait toujours incapable de traiter ses citoyens d’une façon impartiale en respectant les lois, mais qu’il gouvernerait toujours en se basant sur du favoritisme et des copinages. 76 ans plus tard rien n’a changé, dans la rue les chiites et les sunnites s’entretuent et le gouvernement irakien, considéré comme l’un des plus corrompus au monde (on estime à 50 milliards de dollars l’aide américaine volatilisée) s’engraisse sourd et muet dans son bunker doré. Une sale guerre donne forcément une sale paix, on est bien placé nous les Algériens pour le savoir. Comment expliquer qu’à peine le dernier colon parti, la crème de nos élites, si indispensable à la reconstruction d’un pays neuf, fut sommée de le suivre ou de disparaitre ? De 1962 jusqu’aux années 1990, les Algériens ne se battaient pas entre eux quelque soit le degré de leur « arabicité » religiosité, le "nettoyage" était de la responsabilité de l’Etat. Puis vint le terrorisme en réponse à des jeunes qui s’étaient révoltés pour un meilleur avenir que celui de leur père. On dit que c’est la culture d’un peuple qui détermine son aptitude à la croissance économique et à la démocratie.
D’après Daniel Martin, il y a grosso modo trois cultures : celle de l’Europe du Nord, des pays latins et des pays arabes. Les individus appartenant à l’une de ces cultures ont des réactions différentes face à un problème donné. Les premiers : "Où me suis-je trompé pour me mettre ainsi en difficulté (ou pour handicaper ainsi mon avenir) ? Que dois-je faire à présent pour m’en sortir ?" Les seconds : "Quelle est la loi, le parti politique, le syndicat, le groupe social ou l’entreprise qui me lèse ou m’agresse ainsi ? Que dois-je réclamer à l’Etat (loi, subvention, répression, etc.) pour que cesse cette injustice à mon égard ou cette menace ?" Quant à ceux de la culture arabe : "Qui est le coupable de ce qui m’arrive ou peut m’arriver ? Contre qui dois-je lutter pour mettre un terme à cette insulte à mes droits ou à ma religion ?" Les statistiques révèlent que c’est chez les premiers qu’on trouve l’embellie économique, moins de chômage et plus de démocratie. Pour les seconds, il y a stagnation économique depuis des décennies, augmentation du chômage et une démocratie mi figue mi raison. Pour les derniers, leur misère dure depuis des siècles, des richesses pétrolières accaparées par une minorité et une démocratie chimérique. Non innée, la culture doit être acquise par le biais de la famille de l’école et les dictateurs arabes ont veillé à confectionner des programmes scolaires sur mesure : eux ou le chaos. Selon un rapport du Programme de développement des Nations unies, "Arab Human Development Report 2003", affirme que l’habitude la plus répandue en matière d’éducation des enfants de culture arabe associe autoritarisme et surprotection. Par conséquent, ces enfants ont une aptitude réduite à l’indépendance, un manque de confiance dans les autres et des rapports inefficaces avec eux. Une propension à la passivité et une attitude incertaine à la prise de décision. Ce handicap, d’après le rapport, réduit la capacité de ces jeunes à penser par eux-mêmes et accroît la possibilité de se laisser influencer par des islamistes ou des caïds.
Les massacres des terroristes ont laissé la rue arabe indifférente mais elle s’était enflammée contre les dessins injurieux du Prophète, le livre de Salman Rushdie…Etre tué par un frère c’est halal, par un roumi c’est haram. Or il est plus rentable de mourir de la main de ce dernier puisqu’on devient automatiquement martyr. Il y a aussi l’anomalie de ce printemps arabe semé par de jeunes démocrates et récolté par les islamistes. Pour l’anecdote en "octobre 2006 dans l’Assemblée nationale irakienne, le débat tournait autour des textes qui devaient oui ou non être soumis à un comité de cheikhs pour vérifier leur compatibilité avec l’Islam. – Pourquoi pas un comité pour savoir si les lois adhérent aux principes démocratiques ? demanda un naïf député. Le président Mahmoud Mashadani régla la question :- Si une loi viole l’Islam, nous l’écraserons sous nos chaussures ! – Allah est grand ! répliquèrent en chœur les députés sunnites et chiites." Les Américains qui ne sont pas premiers de la classe pour rien et avec leurs amères expériences sur terrain sont convaincus que non seulement ils doivent négocier avec les islamistes mais c’est les seuls interlocuteurs fiables. On imagine le marché conclu : "Quelles sont vos exigences pour garder vos kamikazes chez vous ?" "C’est simple et rapide, on veut le pouvoir chez nous !". Pour l’Occident, les dictateurs arabes ont failli pour n’avoir pas su garder leurs brebis galeuses chez eux. Prévenir l’acte d’un kamikaze qui peut être n’importe qui, c’est compliqué. Rien que dans le domaine de l’aviation civile, le coût du bouclier sécuritaire doit dépasser celui du kérosène et salaire des pilotes. Les Occidentaux, à moins de renvoyer tous les musulmans chez eux, n’ont trouvé que le moyen de s’allier à leurs intégristes. Sans Sarkozy, Kadhafi serait toujours là, sans Bush, Saddam serait toujours là, pour Ben Ali et Moubarek, on sait que les internautes de l’étranger ont joué un rôle déterminant pour les "dégager".
Dans son livre Une Femme en colère Wassyla Tamzali écrivait sa déception de ses « amis-européens-intellectuels-de-gauche-pour-la-plupart » qui n’ont d’yeux que pour les féministes islamistes. Idem pour les démocrates arabes qui voient les barbus leur ravir la vedette sur tous les plateaux de télé. C’est une génération née avec le terrorisme et adaptée au moule scolaire qui vote maintenant. Dans un texte en langue arabe au BEF (brevet d’enseignement fondamental) au plus fort du terrorisme, on a demandé aux élèves de commenter les vers d’un poète qui disait : "La plus belle image pour moi c’est celle d’un martyr qui se débat dans son sang". Pourquoi nos sages pédagogues ont fait le choix d’un tel sujet pour des enfants déjà largement traumatisés par une violence sanglante quotidienne ? Sans doute comme le disait Fernand Reynaud : "C’est étudié pour…" Les anthropologues estime à 100 000 ans la durée d’une espèce vivante, la notre est arrivée à son terme : disparitions ou mutations. Quel parti algérien ose aujourd’hui muter et parler des principes de la démocratie : laïcité droit de la femme de l’enfant de la liberté de consciences de la culture universelle des sciences ou seulement d’un programme économique normal c’est à dire sans l’intervention d’une baraka. Il est loin le rêve d’un Tahar Djaout : "Tant que la musique pourra transporter les esprits, que la peinture fera éclore dans les poitrines un paradis de couleurs, que la poésie martèlera les cœurs de révolte et d’espérance, rien pour eux n’aura été gagné." Mais tout semble gagné au message binaire du messie : le Bien et le Mal. Des sauveurs, on n’a connu que ça. Dans son livre Le Monde arabe, René Kalisky souligne que la caste dominante a imposé la reconduction pure et simple de l’idéologie qui sévissait chez les potentats arabes, des Abbassides en passant par les Ottomans jusqu’à nos jours. Aucune réforme aucune interprétation assouplie, aucun compte de l’évolution politique sociale économique. Il remarque même que le temps qui passe rend le despotisme des dirigeants plus excessif plus démesuré plus exorbitant. Il suffit qu’un psychopathe prenne le pouvoir et c’est la fin. C’est l’armée toute puissante qui proclame et destitue les souverains…
D’après le classement mondial de Transparency International, les pays les plus corrompus ont les diplomates les plus irrespectueux des règles et accumulent amendes non payées. A New York de 1997 à 2002, l’ambassade du Koweït a dû payer pour chaque diplomate 246 amendes idem pour l’Egypte Syrie Yémen Soudan etc. Pendant ce temps zéro amende pour les diplomates suédois danois japonais israéliens norvégiens…(3) Nés avec une immunité à vie, nos "experts" en relations internationales jugent tout règlement insulte à leur « sainteté ». On voit bien qu’aucun pays arabe ne peut survivre à la démocratie puisqu’elle aura comme pires ennemis ceux justement chargés de l’appliquer. Ben Laden, ce fils de milliardaire né dans un harem élevé dans les meilleurs pensionnats roumis, a décidé de s’attaquer aux USA avec un cutteur et des kamikazes pilotes pour finalement être trahi par l’une de ses épouses. Si au lieu d’utiliser ses milliards à faire sauter des tours qui ne contenaient aucun politicien ni ennemi personnel dont il rêvait de s’en débarrasser, il s’était dépensé d’une façon plus intelligente en améliorant le sort de ses frères en religion au lieu d’en faire des épouvantails. Et s’il devait vraiment faire couler du sang pourquoi n’a-t-il pas choisi l’un de ses fils ou un de ses nombreux neveux comme kamikazes. Histoire de prouver que la grandeur du sacrifice épouse celle de la foi à l’image de ses ancêtres guerriers qui livraient leur propre fils en gage lors d’un traité. Ou singer un Tarik Ramadan, sans dépenser un sou ni verser une goutte de sang, cette star des medias occidentaux prône haut et fort la suprématie de sa religion sur celle de son hôte. Pendant ce temps là, des gourous de l’apocalypse veillent à ce que le frère tue bien le frère même en terre "incroyante". Exemple, cet imam de Belgique, victime du conflit ancestrale chiite-sunnite, qui vient de brûler avec sa mosquée. Imaginons que le coupable soit chrétien ou juif et voilà la pauvre Belgique, déjà divisée dans sa composante authentique, à feu et à sang. On imagine le sort qu’on réservera à un roumi qui viendra chez nous commettre un attentat meurtrier pour se venger ou nous convertir. Une seule image d’horreur, un seul acte fou et voilà démantelé tout un système de pensées logiques rationnelles humanistes. Tout a été réglé une fois pour tous par l’Interdiction : "Interdiction des interrogations, des critiques et des remises en question… Différents subterfuges sont utilisés pour l’en (l’individu) détourner : le respect dû aux personnes âgées, la pudeur, l’honneur du groupe, le qu’en-dira-t-on, le courroux devin, les menaces de l’Au-delà et, en derniers recours, les sévices corporels ou la mise en quarantaine…100 ans après la fondation de la psychanalyse , l’ensemble du monde arabo-musulman reste réfractaire à la fois au discours et à la pensée psychanalytiques, comme aux thérapeutiques d’inspiration psychanalytique." (4) La haine innée et la haine acquise transforment tous les printemps arabes en une bulle, l’éclaircie pondue remonte vers les nuages une fois libérée de son cordon ombilical. Et si en plus l’oncle Sam tournait le dos au monde arabe en s’entendant avec les Russes, c’est le trou noir avaleur de trous noirs. Aujourd’hui, la violence en Syrie n’émeut que le citoyen lambda et encore, Allah ghalib, sous la chaussure, tous pareils.
Mimi Missiva
(1) Woody Allen
(2) Un habitant de Baghdad
(3) The New York Times 13/08/ 2006 article The Culture of Nations
(4) Slimane Medhar (La Violence Sociale en Algérie)
Commentaires (4) | Réagir ?
Effectivement une belle photo auquelle il manque le plus menteur.
Très belle photo, mais dommage il manque le plus beau des...... dictateurs.