L’accord à l’amiable avec Anadarko et Maersk relève de la sagesse
Le récent accord à l’amiable entre Sonatrach et ses associés (Anadarko, Maersk) d’une part et l’Etat et Maersk d’autre part réduit à une dimension purement juridique a quelque peu biaisé l’éclairage de l’opinion publique vivement recherché par ce débat.
Il faut souligner d’emblée que les contrats pétroliers et notamment ceux d’exploration / production diffèrent dans leur contenu et leur exploitation de ceux du type commercial ordinaire pour au moins deux raisons. La première est qu’ils émanent d’un code pétrolier qui quant à lui définit la stratégie voire la politique générale d’un pays en matière de gestion et d’exploitation de son domaine minier. La deuxième est qu’ils ne peuvent s’exécuter qu’après leur approbation par le Conseil des ministres et la promulgation d’un décret présidentiel qui devra apparaître dans un journal officiel, le JORADP pour le cas de l’Algérie.
En général, et de la même manière dans les autres pays pétrolier y compris ceux occidentaux comme la Norvège et la Grande Bretagne pour ne citer que ceux-là, l’entreprise nationale, Sonatrach pour l’Algérie agit pour le compte de l’Etat et assume pleinement les contradictions entre ses engagements avec les associés et ceux liés aux impératives de son commanditaire (l’Etat). L’Etat justement, à travers cette politique, cherche primordialement, principalement et indiscutablement à valoriser ses ressources naturelles par un encouragement de la prospection de son domaine minier afin en définitif d’assurer un développement durable pour les générations futures. En face de lui, se trouve une compagnie privée dont l’objectif avant tout est de faire du profit pour rentabiliser une mise risquée. C’est ce principe qui guide tout accord pétrolier depuis maintenant prés d’un siècle.
Déclarer au nom du principe de la souveraineté que "les entreprises étrangères, qui estiment que la législation algérienne ne leur procure pas un retour sur investissement suffisant, ont toujours la possibilité de s’installer sous des cieux plus cléments" (cf au quotidien El Watan du mercredi 14 février 2012), n’est pas du tout en concordance avec les buts recherchés par la législation algérienne et surtout pas de nature à attirer les investisseurs. Pourquoi ? Parce que l’un des fondamentaux de la recherche pétrolière est la nature capitalistique de ses investissements et le risque qu’ils présentent. Parmi ces risques, celui dit "pays", il est justement pris en compte par les investisseurs qui ont, il faut le rappeler une multitude de choix et de pays qui les attirent. Pour un investissement donné, ils choisissent le pays qui leur garantirait une stabilité politique et surtout fiscale. Il se trouve précisément que l’Algérie dans toute sa réglementation en la matière n’a jamais manqué expressément dans les textes d’insister sur la clause de stabilisation et d’intangibilité par lesquelles, il s’interdit de porter atteinte aux droits acquis au moment de la naissance d’un quelconque contrat. Même si l’arbitrage porté à l’international reste discutable dans ce cas précis, moralement Sonatrach et à travers elle l’Etat avait un devoir et non une obligation comme le laisse entendre certains experts de mettre en œuvre tous les moyens pour respecter ses engagements et d’abord de s’incliner devant les prescriptions de sa propre loi, qui est celle qui gouverne le contrat litigieux avant de les porter au niveau international.
Maintenant, le fond de la question en elle-même cache une mauvaise gestion du dossier dont l’ancien ministre Chakib Khellil s’en est occupé lui-même en tant que représentant de l’Etat et PDG de Sonatrach. Il jouissait d’une confiance totale du Bouteflika pour ne pas tenir compte de l’avis de ses collègues ministres. Pourtant, on dit que Zerhouni s’est accroché avec lui sur le sujet en plein conseil. Il a réussi habilement, à faire passer une loi fortement controversée, que le président a amendée et non annulée comme le laisse entendre ces mêmes experts en légiférant par ordonnance du 9 juillet 2006. L’article 101 bis de cette ordonnance instaure une taxe non déductible dite sur profit exceptionnel réalisés par les associés étrangers et applicable à la part de la production leur revenant lorsque la moyenne arithmétique mensuelle des prix du pétrole brent est supérieure à 30$ le baril. Plus curieux, cette taxe est applicable seulement trois jours après la promulgation de cette ordonnance mais la mise en œuvre ne sera déterminée que dans trois mois.
En plus, l’article 101 de la loi 05-07 de 2005, reste en vigueur et garantit aux associés la validité de leurs contrats conclus antérieurement à cette date. Ces deux sociétés dont l’objectif légitime est la défense de leur intérêt matériel, ont réussi par un effort impeccable de porter la question au débat public et ceci a pu porter préjudice à Sonatrach et partant à l’Etat algérien qui ne respecte pas ses engagements et transgresse les prescriptions de sa propre législation. Ceci est préjudiciable pour un pays qui cherche à attirer les investisseurs dans son domaine minier exploré à peine au 1/3. Piégé par les imprudences calculées de son propre responsable qui avait la charge du dossier, contraint de conserver sa crédibilité vis –à -vis des investisseurs et des grands groupes pétroliers, contraintes par des impératives de sa politique économique et enfin pressé de sortir de l’imbroglio d’une polémique inutile, l’Etat a pour une fois choisi la voie sage de recourir à l’amiable au lieu d’un dumping qui le ridiculisera auprès de ses paires à l’international. L’estimation du montant du préjudice à 5,32 milliards de dollars avec une prorogation de 25 années de la durée d’exploitation n’est pas définitive car il faut attendre 4 mois pour une mise au point de l’accord et son approbation définitive par le ministère. Quand bien même cette perte demeure ce qu’elle est initialement, elle reste à ce stade infime eu égard à ce que l’Etat gagne en crédibilité et surtout au maintien de ces compagnies en Algérie. Il est déroutant tout de même d’entendre et de lire les experts s’exprimer de cette façon. Ils trouvent aujourd’hui que la gestion de Sonatrach est opaque et n’éclaire pas assez l’opinion publique, alors où étaient-ils lorsque que Chakib Khellil charcutait le secteur ? Parmi eux, il y a même ceux qui ont collaboré avec lui ou n’osaient pas lui répondre et obéissaient en profitant du système.
Bouteflika écoutait un seul son de cloche et jamais de contestation de la part des cadres du secteur pourtant tous reconnaissaient tout bas le mal qu’il a fait dans la ressources humaine, la cooptation, l’éclatement de l’IAP comme seul instrument à même de garantir au secteur la formation, la gabegie de son neveu et cet "Américain" qui a confectionné toute cette confuse réglementation avec lui. Où étaient-ils lorsqu’en 2003, il a usé de toute son influence en tant qu’homme du président pour se permettre sans passer par le conseil d’administration de céder les 5% des part que détenait Sonatrach sur le capital d’Anadarko. Aucun de ces experts n’a osé lui dire "vous manquez de vision Monsieur le ministre" Aujourd’hui, c’est très facile de se réjouir de la venue des nouveaux responsables et de tirer sur l’ambulance. C’est une situation plus que confortable lorsque on veut prendre le bâton par son milieu. Il est vraiment étonnant de se focaliser sur une perte prévisible avec la complicité et le silence des éminents experts et d’oublier près du quadruple dans l’encanaillement et la gabegie qu’a connue Sonatrach de l’ère Khellil.
Rabah Reghis, consultant et économiste pétrolier
Commentaires (2) | Réagir ?
Pour une fois une bonne décision bien qu'elle coûte aux algériens mais puisqu'on revient dand le droit chemin cela passe! La question est que jusqu'à quand des actes de gestion destructeurs comme celui qu'à commis ce ministre restent-ils impunis?
Monsieur Reghis, on peut dire ça pour tout le reste. Où étaient ces bonnes consciences quand les ennemis du peuple détruisaient les hôpitaux l'école l'agriculture l'industrie? Maintenant tout le problème est dans l'augmentation des salaires. Tout s’achète et notre conscience en premier. Ce que fait Sonatrach, qui peut vraiment le savoir à part le ministre concerné le Président et Dieu. Rassurez vous monsieur, ils trouveront toujours des investisseurs qui viendront bouffer au gâteau, faits à leur image : des escrocs. Et si un jour un scandale éclate, on a l'habitude du lapin qui sort du chapeau.