L'orpheline (ENTV) : une télévision de bazaris
L'Algérie, à l'instar de la Corée du nord, sa cousine exotique, n'a aucune envie de mettre le pied dans la modernité. Son métro, aussi flambant neuf soit-il, n'y mène pas.
Ce mercredi 29 février, aux alentours de 17h30, des dizaines d'Algériens éparpillés à travers la planète ont mangé leurs chapeaux à l'instant où, à Banjul, débutait le match du 2e tour des éliminatoires à la Coupe d'Afrique 2013, qui opposait l'équipe locale, la Gambie, à l'Algérie.
En Algérie même, c'est aux ultimes heures précédant la rencontre que le peuple du foot a pu souffler en apprenant que l'Entv, surnommée l'orpheline, la honte nationale, en fait, avait fini par s'entendre avec Sportfive, société de droit français détentrice des droits pour diffuser in extrémis les images du match. L'équipe de l'unique envoyée sur place a été pour sa part empêchée de commenter la rencontre. Les Algériens résidents à l'étranger, eux, ne savaient pas à quel saint se vouer.
Dieu merci, internet et Erryadia, la chaîne sportive de Sidi Mohamed VI, roi du Maroc ont fini par fournir une solution salutaire et non moins humiliante ! Encore une fois, la télé algérienne et donc l'Algérie habituées à la gabegie et la déprédation, voire la dépravation, ont fait mine de jouer aux mères la rigueur en se lançant dans un vain et improbable marchandage pour faire baisser les tarifs de Sportfive. Comme au souk. Rien d'étonnant dans un pays livré depuis bien longtemps aux bazaris ! Pendant ce temps donc, la chaîne sportive, qui a déjà le mérite d'exister, faisait son travail, en pro, et satisfaisait ainsi des millions d'Algériens égarés sur la planète ...
A l'heure où les négociateurs de l'Entv s'échinaient à jouer aux commerciaux zélés, je me suis souvenu des débauches de discours patriotiques et de dépenses frénétiques qui ont précédé le match barrage de Khartoum, contre l'Egypte. A l'époque, Bouteflika qui venait de prendre un bail pour un troisième mandat, remerciait à sa manière ce bon peuple qui venait de lui délivrer un quitus pour éterniser sa splendeur et son pouvoir, en organisant pas moins qu'un pont aérien entre Alger et la capitale soudanaise. On a dépensé, alors sans compter, et jamais personne ne s'en était offusqué.
D'aucuns diront qu'il s'agissait, alors, de qualification au mondial et surtout du frère ennemi, l'Égypte.
L'un n'empêchant pas l'autre, il faut vraiment croire que les fans de foot étaient désemparés ce 29 février. Les politiques algériens devraient y réfléchir à deux fois avant de renouveler cet impair parce que s'il connaissent bien leur peuple, ils doivent savoir que celui-ci préfère, et de loin, un bon match de football à une consultation électorale frelatée ! C'est vrai, quoi ! Avec 182,22 milliards de dollars de réserves de change, on aurait tout de même pu nous éviter cet épisode de mégotage indigne de cette grande nation jalousée par tout le monde, selon les propres dires de son khalife bien aimé ...
Au moment même où se jouait ce film de série Z, Nacer Mehal, ministre de la Communication, journaliste de métier et démocrate autoproclamé douchait tout son monde en laissant entendre que tous ceux qui rêvaient de l'ouverture du paysage audiovisuel devaient tempérer leurs ardeurs. Les télévisions privées, ce n'est pas pour demain a-t-il insinué, langue d'ébène à l'appui. C'est à peine, a-t-il suggéré, si on envisage en haut lieu la possibilité de créer des sociétés audiovisuelles, et donc des télés, mixtes public-privé. On imagine aisément et d'ores et déjà, ce qu'il en sera des lignes éditoriales de ces bâtardes en gestation.
Des tas d'investisseurs ambitieux, naïfs pour certains, alléchés par une prévisible manne pour d'autres se préparaient à casser le monopole de l'unique, ce qui aurait constitué une œuvre de salubrité publique, ils devront déchanter et se rendre une fois pour toutes à l'évidence: L'Algérie, à l'instar de la Corée du Nord, sa cousine exotique, n'a aucune envie de mettre un pied dans la modernité. Son métro aussi flambant neuf soit-il n'y mène pas. Les despotes qui dirigent le pays d'une main de fer n'ont jamais manifesté une quelconque envie de changer un système qui les a portés au firmament et qui les y a toujours maintenus malgré une foultitude de révoltes et une guerre civile meurtrière.
A deux ans de la fin de son troisième mandat, l'homme de Oujda, reparle de réformes et d'action. Que veut-il réformer, lui, qui est assis depuis plus d'une décennie sur la proposition de réforme de l'éducation préparée par son égérie Khalida Toumi ? Que veut-il changer, lui, qui n'a pas hésité à se proclamer rédacteur en chef de l'APS ? Qu'attendre de nouveau de quelqu'un qui a passé les premières années de son règne à essayer de réduire au silence la presse et la rue ? Qu'attendre d'un président qui comme ses prédécesseurs fonde son pouvoir sur une idéologie - l'arabo-islamisme - éculée à laquelle personne ne croit et qui nous a menés droit aux cimetières ? Un président qui a fait de la télévision nationale son joujou, sa playstation dont il ne prête jamais ne serait-ce qu'une manette à ceux qui ne célèbrent pas ses inepties ?
C'est cuit, le 10 mai qu'on annonce déterminant - on ignore encore pourquoi il le serait plus que les rendez-vous électoraux passés - ne changera rien au sort du peuple, il ne fera pas plus frémir un poil de l'école ou de la télévision algérienne. En juin, une fois les nouveaux rentiers du palais Zighout-Youcef connus, nous serons toujours esseulés, boudés par le monde, évités par la prospérité, gangrenés par la rapine et la corruption. Nous continuerons à regarder les réserves de change enfler sans jamais en bénéficier. Nous importerons encore des patates et nous toucherons du bois pour que l'Entv nous fasse, enfin, cadeau sans rechigner cette fois-ci des prochains matchs des Fennecs.
Méziane Ourad
Commentaires (8) | Réagir ?
@ Rabah Benali
C'est mes tripes qui ont parlé Je n'ai que mes yeux pour pleurer ma plume pour crier ma rage contre ces charognards et dénoncer ces imposteurs
Bonsoir
@ arezki arezki
J’ai suivi aussi cette émission. Comme vous, j’ai hélas pu aussi constater avec stupeur et tristesse l’ampleur du drame. L’œuvre destructrice des apprentis sorciers au pouvoir depuis 62 est tout simplement ahurissante. Elle est unique dans l’histoire de l’humanité. Des universitaires en fin de cursus incapables de maitriser correctement une langue quelconque, exposer clairement une idée ou soutenir un débat cohérant est tout simplement la pire tragédie dans l’Histoire d’un peuple. C’est un terrible cauchemar. Aussi, le rédicule est poussé jusqu’au l’octroi de patronime fantaisiste et fantoche à une des universités de cette innocente jeunesse.
Université «Kasdi Merbah». Patronime n’existant sur aucun état civil officiel d’Algérie ou de navarre.
Patronyme fictif désignant un Marocain d’origine algérienne membre de la bande des délinquants du MALG qui ont mené l’Algérie à l’abatoire. De son vrai nom, Abdellah Khalef. Cela rejoint la logique de l’imposture qui fait que nous acceptons aussi de désigner l’aéroport de la capitale de notre pays par un nom aussi fantoche et lugubre. Houari Boumedien fossoyeur maccabre d’un peuple laminé par 130 ans de colonisation des plus abjecte et assassin notoire de révolutionnaires sincères et courageux.
Comme je l’ai écrit sur un autre forum, cette logique de l’absurde voudrait aussi que la mosquée d’Alger actuellement en construction soit baptisée mosquée «Abdeka el Mali» Il faudrait que cela se fasse rapidement car la jeunesse Algéroise moqueuse et courageuse ne se gènera point de la baptiser «Djamaa Echenaoua»!! (Mosquée des Chinois). Puisque ce sera ces braves chinois «kouffars» qui construiront ce lieu de tout les «hallals».
Dans cette tragédie unique en son genre, les réactions des jeunes qui étaient présents sur le plateau télé de cette emission, laissent apparaître au final une lueur d’espoir vive très prometteuse. Ils ont réussi, malgrés leurs difficultés d’expressions, à faire passer le très fort message suivant :
Aux malades vieillards titubants du pouvoir ils ont dit : «Ils est grand temps pour vous de passer la main et de vous retirer. La noblesse de notre culture nous interdita de vous demander des comptes!! Nous vous demandons juste de partir et de nous laisser nous occuper de notre pays. Nous montrerons au monde entier de quoi nous sommes capables ».
Dans le cas contraire, nous vous chasseront comme des malfrats et ce dans des conditions qui peuvent devenir humiliantes et tragiques pour vous et vos sbirs. Nous vous tiendrons alors comptables de vos actes criminels qui durent voilà maintenant un peu plus que 50 ans.
Personnellement, je félécite chaleureusement tout ces jeunes qui, malgrés l’oppression aveugle et la violence inouie dans lesquelles ils évoluent, sont arrivés à passer clairement ce message fort porteur d’espoirs que je soutiens de toutes mes forces.
Encore une fois je crie du fond de mes tripes : Bravi ya lewlad ! Yes you can
Rabah Benali