Gaz de schiste en Algérie, quelle stratégie face aux mutations mondiales ?

L'exploitation du gaz de schiste n'est pas sans conséquence environnementale.
L'exploitation du gaz de schiste n'est pas sans conséquence environnementale.

L’objet de cette contribution, sans polémiques, est d’analyser la problématique du gaz schiste en Algérie.

La déclaration du ministre de l'Energie le 28 février 2012 selon lequel les réserves algériennes de gaz de schiste sont équivalentes à celles des USA sont-elles fiables ? Elle a été faite après que la majorité des experts internationaux aient estimé que l’Algérie serait une importatrice nette de pétrole dans moins de 15 ans et dans 25 ans pour le gaz conventionnel (4500 milliards de mètres cubes gazeux de réserves, bilan de 2008). Et ce, en tenant compte tant des exportations que de la forte consommation intérieure du fait du bas prix (souvent oubliée dans les quantifications de la durée des réserves en termes de rentabilité financière - voir extrapolation du Creg 2015/2020 - 50 milliards de mètres cubes gazeux de consommation intérieure minimum) et également des coûts, des énergies substituables et des importantes mutations énergétiques mondiales.

Je précise pour les lecteurs non initiés que le gaz non conventionnel est contenu dans des roches sédimentaires argileuses très compactes et très imperméables, qui renferment au moins 5 à 10% de matière organique. Généralement la profondeur d'exploitation des shale gas est de l'ordre, en moyenne générale, de 1.000 à 3.000 mètres de profondeur, soit de un à plusieurs kilomètres au-dessous des aquifères d'eau potable, la profondeur étant moindre aux USA. La fracturation de la roche suppose par ailleurs d'injecter un million de mètres cubes d’eau douce pour produire un milliard de mètres cubes gazeux à haute pression et du sable. Une partie de l'eau qui a été injectée pour réaliser la fracturation hydraulique peut être récupérée (20 à 50%) lors de la mise en production du puits après traitement ce qui suppose des installations appropriées. Le sable injecté combiné d’additifs chimiques a pour but de maintenir les fractures ouvertes une fois la fracturation hydraulique effectuée, afin de former un drain pérenne par lequel le gaz va pouvoir être produit.

Risque de pollution et exigence pointue

Cependant de nombreux gisements sont enfouis sous des nappes phréatiques et avec la remontée du gaz, le liquide de fracturation peut parfois atteindre ces nappes, et se mêler à l'eau, qui devient alors impropre à la consommation. Selon un rapport rédigé par la commission de l'énergie et du commerce de la Chambre des représentants américaine, l'exploitation du gaz de schiste a entraîné l'utilisation de "plus de 2.500 produits pour la fracturation hydraulique, contenant 750 substances chimiques dont 29 sont connues pour être cancérigènes ou suspectées telles ou présentant des risques pour la santé et l'environnement". Pour l’Algérie, le problème se pose différemment, car le risque de pollution des nappes phréatiques est plus modéré, la nappe d’eau étant l’Albien, une eau fossile qui connait un rabaissement de niveau qui devient continu. L’avantage de certains pays comme les USA c’est la disponibilité d’un réseau de transport de gaz pratiquement sur l’ensemble du territoire en plus du fait que les gisements ne sont pas profonds. Qu’en sera-t-il des coûts des canalisations additionnels pour l’Algérie. La rentabilité dépend donc de l’évolution future du prix de cession du gaz actuellement bas sur le marché libre. C’est que la gestion de l’exploitation est complexe, les forages perdant 80% de la productivité au bout de 5 ans. La gestion de tout cela nécessite une expertise pointue.

Aussi, plusieurs questions stratégiques se posent. L’Algérie a-t-elle établi une carte géologique fiable confirmant les assertions du ministre de l’Energie ? Il n’existe aucune statistique internationale, entendue d’organismes mondiaux reconnus en la matière, qui confirment les données qu’il a avancées. Selon les dernières estimations établies par l’Agence internationale de l’énergie (AIE) en 2011, nous avons les réserves mondiales de gaz de schistes récupérables suivantes (en milliards de mètres cubes gazeux) : Chine : 36.120, USA : 29.500, Argentine : 21.900 ; Mexique, 19300- Afrique du Sud : 13.700, Libye : 8.200, Algérie : 6.500 (et non pas les réserves des USA soit à peine 25%!). Ce sont les gisements prouvés. Pour l'AIE, cette nouvelle évaluation majorerait les réserves de gaz techniquement extractibles dans le monde de 40% et les porterait à 640.000 milliards de m3, soit plus du triple des réserves mondiales de gaz conventionnel dont d’ailleurs des découvertes importantes se font chaque jour avec une concurrence accrue, expliquant d’ailleurs les déboires du projet de Galsi où les élus locaux de la Sardaigne , ayant une autonomie s’opposent au tracé initial, (8 milliards de mètres cubes gazeux), toujours en gestation.

Le problème de compétences nationales

Il serait en retard si le projet russe de South Stream de 65 milliards de mètres cubes gazeux devant approvisionner l’Italie devient opérationnel en 2014/2015. Comme cette remise en cause récente par certains responsables nigériens du projet Nigal (Nigeria Europe via Algérie) du fait de la problématique de sa rentabilité. Pour l’Algérie, le grand problème autant que pour les énergies renouvelables (le solaire, dont le projet Desetec qui devra s’insérer dans le cadre du Maghreb selon certains experts allemands que j’ai reçu à leurs demandes) est le suivant : est-ce que l’on a préparé la ressource humaine ? Le développement du gaz de schiste, le marché étant fortement segmenté, freine le développent des constructions des GNL. Quelle sera alors la politique algérienne dans ce domaine ? A-t-on prévu les moyens de lutte contre la détérioration de l’environnement ? Et l’Algérie étant un pays semi-aride, a-t-on fait les extrapolations d’arbitrage entre la consommation d’eau des populations, des secteurs économiques et l’utilisation de ce gaz ?

Il ne s’agit pas uniquement d’une gestion de l’argent, contrairement à ce que semble croire le gouvernement actuel, mû par l’unique dépense monétaire (une vision de gouvernance bureaucratique des années 1970). Si l’on veut développer ce gaz non conventionnel ou le solaire, il faut d’ores et déjà préparer la formation adéquate. Autrement, le poste services (compétences étrangères) qui est passé de 2 milliards de dollars, en 2002, à plus de 11 milliards de dollars en 2011 (le segment des hydrocarbures accapare une grande part avec le BTPH) risque d’être multiplié par cinq sinon plus !

Dans ce cas, on serait passé d’une dépendance à une autre, sans réaliser le développement alors que la population algérienne, dans 25 ans, approchera 50 millions d’habitants. En effet, sans savoir combien coûtera ce transfert technologique et alors quel sera la rentabilité financière avec ces surcouts. Sonatrach n’ayant pas le savoir-faire ayant assisté ces dernières années à une déperdition de ses meilleurs cadres limitant l’accumulation du savoir-faire technologique, cette exploitation nécessitant un bon partenariat, les compagnies internationales accepteront-elles - autant, d’ailleurs, que pour les gisements marginaux de gaz conventionnel ou de pétrole que pour la pétrochimie contrôlée par quelques multinationales, - la règle des 49/51% - et les dispositions fiscales actuelles, pour les grands gisements à l’amont cette règle en principe ne posant pas de problèmes ? Rien n’est moins évident, ce qui rappelle, d’ailleurs, l’urgence de la réorientation de l’actuelle politique économique comme le montrent les échecs répétés des appels d’offre du ministère de l’Energie, comme l’a reconnu lemiinistre lui même, n’ayant pas découvert depuis plus de 10 ans de gisements fiables (pouvant découvrir des milliers de gisements non rentables) et la baisse des IDE.

La reformulation de la loi des hydrocarbures permettra-t-elle de relancer l’exploration sur des bases opérationnelles ? A moins et comme cela se passe pour la majorité des entreprises publiques structurellement déficitaires, le Trésor supporte ce déficit sachant qu’il a consacré plus de 50 milliards entre 1991/2011. Pour autant, 70% des entreprises sont revenues à la case de départ. En fait, au moment où le monde est devenu une grande maison de verre (révolution des nouvelles technologies), on ne mobilise pas une population par des déclarations intempestives mais par des discours de vérité, si l’on veut éviter le divorce croissant Etat-citoyens. Un discours de vérité s’impose passant par un déverrouillage des médias lourds algériens qui sont en monopole colportant plus des rumeurs que des discours collant avec la réalité locale et mondiale. Les problèmes cruciaux du domaine géostratégique qui engagent l’avenir de l’avenir de l’Algérie, donc de nos enfants ne sont pas abordés actuellement ou déformés. Ainsi, s’impose un Etat de droit et une nouvelle gouvernance par plus d’espaces de liberté au sens large, si l’on veut éviter la marginalisation inévitable de l’Algérie.

Pr Abderramane Mebtoul

PS : Voir Professeur Abderramane mebtoul étude "Sonatrach face aux mutations énergétiques mondiales" publiée dans la prestigieuse revue internationale de Management de HEC Montréal novembre 2010 45 pages où ont été abordées les problèmes du gaz schistes.

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Commentaires (2) | Réagir ?

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Bey Mustapha BEBBOUCHE

M. Mebtoul dit, je le cite : «L'Algérie serait une importatrice nette de pétrole dans moins de 15 ans et dans 25 ans pour le gaz conventionnel ».

Je considère que cette appréciation est une absurdité dans la mesure où jusqu’à aujourd’hui seulement 5% du territoire national a été exploré. Ce langage de l’ancien système colonial perdure dans les méninges de certains algériens qui ont été endoctrinés par le faux pour nous faire dire qu’il faut consommer moins pour exporter plus. La preuve : Je me rappelle très bien que lors de la nationalisation des hydrocarbures le 24 février 1971, j’étais un stagiaire à la Repal au sud algérien; dénommée base du 24 février pour l’évènement ; nous étions tous en alerte. Là, une pancarte nous présentait les réserves de gaz ; il était écrit : « 24 février 1971, nos réserves de gaz sont de 3000 milliards de mètres cubes gazeux »

M. Mebtoul nous dit : je le cite : « (4500 milliards de mètres cubes gazeux de réserves, bilan de 2008) Et ce, en tenant compte tant des exportations que de la forte consommation intérieure »

40 années plus tard, de 1971 à 2012 nos réserves ont augmentées de 50 % passant de 3000 milliards de réserves en 1971 à 4500 milliards de réserves, bilan de 2008 sans compter tout le gaz consommé localement et exporté durant ces dernières 40 années !!! : M. Mebtoul est dans le faux !

Pour le gaz de schiste comme pour le forage en mer, les ennemis de l’Algérie cherchent à nous polluer notre territoire et nos plages. Ils sont jaloux de notre pays. Notre ministre de l’Energie, au lieu de s’atteler à prospecter davantage le sous- sol algérien et défendre l’environnement écologique de notre pays s’immisce dans des absurdités que les occidentaux rejettent eux-mêmes pour leurs pays pour préserver leur environnement. Heureusement que les toutes prochaines élections législatives du 10 mai 2012 vont balayer tout le gouvernement algérien en place et ce ministre de l’Energie en premier.

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Notproud

Apparemment tout le monde s’en fiche de la conséquence écologique que peut provoquer une telle extraction !!!!

Pourquoi l’Algérie veut-elle exploiter le gaz de schiste ? Avec toute les réserves de gaz qu’elle possède naturellement. Quelles conséquences peuvent-elles avoir sur la vie des concitoyens ? Et bien ! Une pollution de l’air et contamination des nappes phréatiques, y compris au-delà du seul périmètre immédiat des forages.

Plus graves encore, les risques de mini séismes ou de glissements de terrain en zone urbaine. L’État d’Ohio, aux États-Unis, vient de faire fermer un puits d’extraction dans la région de Youngstown, après que l’on a enregistré un tremblement de terre de magnitude 4, 3.

Allez y Messieurs les salopards au pouvoir forez ! Forez ! Enterez nous vivants ! On l’est déjà à moitié !