Londres veut extrader l'islamiste Abou Qatada en Jordanie
Le gouvernement britannique tentait mardi de trouver le moyen de renvoyer en Jordanie celui qui fut un temps considéré comme le chef spirituel d'Al-Qaïda en Europe, Abou Qatada, sorti de prison sous conditions et qui pourrait être totalement libre de ses mouvements sous 3 mois.
Le secrétaire d'Etat britannique chargé de la Sécurité, James Brokenshire, a été envoyé mardi à Amman dans l'espoir d'y obtenir des assurances de nature à convaincre la Cour européenne des droits de l'Homme que l'islamiste pourrait avoir un procès équitable en Jordanie. La Cour de Strasbourg avait bloqué en janvier l'extradition d'Abou Qatada, condamné en 1998 en son absence à 15 ans de travaux forcés pour la préparation d'attentats, au motif que des preuves obtenues sous la torture pourraient être retenues contre lui.
Au Royaume-Uni, où la libération lundi soir de cet islamiste de 51 ans, faisait scandale, des appels ont émané des rangs conservateurs et de la presse tabloïde pour inciter les autorités à passer outre le jugement de la Cour européenne. "Le jugement de Strasbourg est une piqûre de moucheron que le gouvernement britannique est totalement en droit d'ignorer", a déclaré David Mellor, un ancien secrétaire d'Etat à l'Intérieur. Le Sun a quant à lui lancé une pétition appelant le Premier ministre David Cameron à extrader "l'ennemi public numéro un" et revendiquait mardi 79.000 signatures. Le Daily Mail déclarait en Une que "même sa mère veut le voir expulsé de Grande-Bretagne", affirmant avoir obtenu une interview de cette dernière en Jordanie.
Furieux du refus de la Cour européenne des droits de l'Homme, le Premier ministre britannique David Cameron s'était entretenu au téléphone la semaine dernière avec le roi Abdullah de Jordanie, lui faisant part des "difficultés" et de la "frustration" de son pays dans cette affaire. Pour le gouvernement britannique, qui a promis d'utiliser "tous les recours possibles" afin de renvoyer Abou Qatada dans son pays, le temps presse. Les strictes mesures qui entourent sa libération pourraient être levées dans trois mois, si le ministère de l'Intérieur échoue à faire la preuve de progrès dans les négociations avec la Jordanie pour obtenir des garanties sur son extradition.
Le secrétaire d'Etat jordanien aux affaires législatives, Ayman Odeh, a affirmé lundi soir sur Sky News que son pays avait voté un amendement constitutionnel en septembre pour interdire l'utilisation de preuves obtenues par la torture. "Nous faisons le nécessaire pour donner ces assurances au gouvernement britannique. Quelque chose sera fait très bientôt à ce propos", a-t-il promis. En attendant, Abou Qatada est assigné à résidence 22 heures par jour, doit porter un bracelet électronique, ne peut se rendre dans une mosquée et n'a accès ni à internet ni à aucun moyen de communication électronique.
Le Jordanien, qui a passé une grande partie des six dernières années en prison au Royaume-Uni malgré l'absence de charges, a aussi l'interdiction de rencontrer 27 individus, parmi lesquels figure le nouveau chef d'Al-Qaïda, Ayman al-Zawahiri. La presse britannique a souligné le prix de ces mesures, rapportant que 60 policiers étaient requis pour surveiller l'islamiste, pour un coût de 10.000 livres (12.000 euros) par semaine.
Pour Peter Neumann, professeur d'études sur la sécurité au King's College de Londres, l'influence d'Abou Qatada, dont la voix est pour l'instant muselée mais qui pourrait à nouveau s'exprimer, s'explique par le fait qu'il est "un théologien". "A la différence de beaucoup de gens associés à Al-Qaïda, il a une vraie crédibilité religieuse", a-t-il expliqué sur la BBC, ajoutant qu'il était désormais devenu "un martyr" aux yeux des mouvements islamistes en raison de sa détention.
Avec AFP
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