Syrie : l'ONU évoque des crimes contre l'humanité à Homs
Le régime syrien a de nouveau bombardé lundi la ville rebelle de Homs, ignorant l'appel de la Ligue arabe à une force de paix commune avec l'ONU, une idée qui divise les Européens et à laquelle la Russie, alliée de Damas, pose des conditions.
Les Nations unies ont affirmé de leur côté que les forces syriennes avaient "vraisemblablement" commis des crimes contre l'humanité en réprimant depuis onze mois la contestation populaire hostile au régime, au prix de plus de 6.000 morts, selon des militants. Désormais les morts se comptent par dizaine chaque jour. Même les enfants ne sont pas épargnés par les snipers et tortionnaires.
Déjà profondément divisée sur la crise syrienne, la communauté internationale semble l'être encore plus sur la proposition d'une force de paix avancée par la Ligue arabe: Paris a mis en garde contre toute action "à caractère militaire", Moscou exigé un cessez-le-feu et Washington souligné qu'en l'absence de paix, une telle initiative était compliquée.
Sourd aux appels à cesser la répression, le régime syrien a poursuivi lundi le pilonnage de Homs (centre), désormais touchée par une crise humanitaire, les militants dénonçant une pénurie de pain.
La secrétaire d'Etat américaine Hillary Clinton, qui a jugé "déplorable que le régime ait intensifié la violence (...) en utilisant l'artillerie et des tirs de blindés", a assuré que les Etats-Unis travaillaient pour "répondre aux problèmes humanitaires" et aider "ceux qui sont blessés et qui meurent".
Le Croissant Rouge syrien a affirmé distribuer de l'aide médicale et alimentaire à des milliers de personnes dans la "capitale de la révolution", où, selon un décompte de l'ONU, plus de 300 personnes ont péri depuis le 4 février dans une "attaque sans discernement contre des zones civiles".
La Haut commissaire de l'ONU aux droits de l'homme Navi Pillay a déclaré que "la nature et l'étendue des exactions perpétrées par les forces syriennes indiquent que des crimes contre l'humanité ont vraisemblablement été commis" depuis mars 2011.
Lors d'un entretien téléphonique lundi, le président américain Barack Obama et le Premier ministre britannique David Cameron ont renouvelé leur condamnation de la violente répression menée par le régime syrien à l'encontre de son propre peuple. "Ils sont tombés d'accord sur la nécessité de se coordonner étroitement pour accroître la pression sur le régime de Bachar Al-Assad et pour soutenir une transition vers la démocratie", selon le communiqué de la Maison Blanche.
Sur le terrain, les violences se poursuivaient avec des affrontements entre soldats et déserteurs qui ont fait 11 morts dans les rangs de l'armée régulière. Mais les tirs des forces de l'ordre, qui ont encore tué lundi 18 civils à travers le pays, dont deux adolescents, ne décourageaient pas les manifestants. "La révolution continue tant qu'il y a un nourrisson vivant parmi nous", pouvait-on lire sur une pancarte lors d'une manifestation dans la province de Deraa (sud), berceau de la contestation, d'après une vidéo diffusée par les militants.
Face à cette crise, la Ligue arabe, qui avait déjà tenté de faire passer à l'ONU une résolution condamnant la répression - bloquée par Pékin et Moscou - a décidé de demander au Conseil de sécurité la formation d'une force conjointe et de fournir un soutien politique et matériel à l'opposition.
Burhan Ghalioun, chef du Conseil national syrien (CNS), principale coalition de l'opposition, a déclaré sur Al-Jazira voir dans ces décisions "les premiers pas" vers la chute du régime. Damas a toutefois répondu qu'elles n'empêcheraient pas le gouvernement "d'assumer ses responsabilités" dans "le rétablissement de la sécurité et de la stabilité", selon l'agence officielle Sana.
L'idée d'une mission de paix ne fait toutefois pas l'unanimité: soutenue par l'Union européenne, Londres veut en "discuter de manière urgente", mais la France a lancé une mise en garde. "Toute intervention à caractère militaire extérieure ne ferait qu'aggraver la situation, d'autant qu'il n'y aura pas de décision du Conseil de sécurité", a affirmé le chef de la diplomatie française Alain Juppé.
Moscou a dit étudier la proposition, tout en jugeant qu'un cessez-le-feu était nécessaire au préalable. Une telle mission, a observé la Maison Blanche, débuterait s'il y avait "une paix à maintenir. Malheureusement, nous savons qu'il n'y en a pas". Pékin s'est gardé de se prononcer. Le secrétaire général de Ligue arabe Nabil al-Arabi doit rencontrer mardi en Allemagne la chancelière Angela Merkel. D'après les analystes, la proposition arabe est promise à l'échec. "Je crains qu'il ne soit très difficile de trouver des Etats membres prêts à envoyer des troupes", a affirmé à l'AFP Salman Shaikh, directeur du centre Brookings de Doha.
Le père Paolo Dall'Oglio, fondateur d'une communauté monastique syriaque-catholique en Syrie, a estimé que le Vatican pouvait jouer "un rôle décisif". "Le conflit est déjà confessionnalisé", a regretté le jésuite italien, expliquant que les chrétiens se trouvaient "au milieu".
Arabes et Occidentaux doivent lancer cette semaine une nouvelle tentative pour faire condamner Damas, cette fois à l'Assemblée générale de l'ONU - organe consultatif où le veto n'existe pas. Moscou et Pékin devraient une fois encore s'opposer à ce projet, préparé par l'Arabie saoudite et le Qatar, très similaire au texte bloqué par leur double veto le 4 février.
Autre étape au calendrier: la "Conférence des amis de la Syrie", que Tunis s'est proposé d'organiser le 24 février et qui a reçu lundi un soutien appuyé de Mme Clinton et de son homologue turc Ahmet Davutoglu en visite à Washington.
Avec AFP
Commentaires (0) | Réagir ?