Moines de Tibhirine : les juges français en quête de témoins algériens
Les juges français enquêtant sur la mort des sept moines de Tibhirine demandent à se rendre en Algérie pour autopsier les têtes des religieux mais aussi localiser et faire entendre une vingtaine de témoins pouvant éclaircir les circonstances de leur enlèvement et de leur détention.
Dans une commission rogatoire internationale (CRI) adressée aux autorités algériennes, les juges Marc Trévidic et Nathalie Poux précisent vouloir faire exhumer et autopsier les têtes des moines à Tibhirine avec deux médecins légistes, un expert en empreintes génétiques et un photographe de l'identité judiciaire, et les réinhumer immédiatement après. Ils demandent également des informations sur 22 témoins cités par des repentis du Groupe islamique armé (GIA) dans des auditions filmées en 2006 par les autorités algériennes et adressées à Jean-Louis Bruguière, premier magistrat chargé de l'enquête, selon ce document consulté mercredi par l'AFP.
El Para impliqué ?
Avec l'affaire du rapt des touristes européens pour laquelle il est toujours poursuivi, voilà Abderrak El Para cité dans l'affaire de l'assassinat des moines de Tibhirine. Un repenti, Redouane Kechniti cite ainsi les noms d'un "groupe de geôliers" au lieu-dit Tala Es-Ser où les moines auraient, selon lui, été détenus. Un autre repenti déclare dans son audition qu'Abderrazak El Para, un temps présenté comme responsable du GIA, faisait partie du groupe ayant acheminé les moines jusqu'à proximité de Tala Es-Ser et qu'avec un certain Abou Loubaba, "ils étaient en possession des passeports de certains des otages". Présenté comme proche de l'émir du GIA Djamel Zitouni, El Para est soupçonné d'avoir été proche du contre-espionnage algérien. Il est actuellement détenu à la prison de Serkadji après avoir été livré le 27 octobre 2004 par les Libyens (qui l'avaient récupéré auprès d'un mouvement d'opposition tchadien) aux services de sécurité algériens. El Para est un prisonnier quelque peu gênant manifestement. Après sept ans de détention, la justice n'arrive toujours pas à le passer en procès. Malgré toutes les citations, l'énigmatique chef terroriste demeure dans sa cellule.
Le mystérieux émissaire
Les juges demandent également à l'Algérie des informations sur l'identité de l'émissaire du GIA venu le 30 avril 1996 avec un message de Djamel Zitouni et une cassette audio contenant un message lu par les moines. Deux témoins français affirment qu'il s'agit d'un ancien chauffeur de l'agence française de développement à Alger, Mustapha Abdallah, dont l'un des frères faisait parti du commando abattu à Marseille lors du détournement d'un Airbus d'Air France le 24 décembre 1994. Les juges demandent par ailleurs à l'Algérie des détails sur la découverte d'une cassette audio contenant le compte-rendu fait par l'émissaire du GIA de sa visite au consulat de France.
Ils sollicitent en outre des informations sur les tentatives d'assassinat perpétrées à Médea, le jour de l'enlèvement des moines, sur deux personnes dont le cheikh Hocine Slimani, qui avait dit avoir été sollicité par la communauté catholique Sant'Egidio pour tenter d'intervenir dans l'affaire. "Je me félicite de cette commission rogatoire internationale très complète qui ne se limite pas à une autopsie mais également à la possibilité d'entendre des personnes liées à l'enlèvement ou la détention des moines", a déclaré Me Patrick Baudouin à l'AFP, avocat des proches des moines. "J'espère que les autorités algériennes vont donner rapidement une réponse favorable. Une réponse négative ne pourrait que jeter la suspicion sur une éventuelle implication de militaires ou des services algériens", a-t-il ajouté.
Les sept moines ont été enlevés dans la nuit du 26 au 27 mars 1996 dans leur monastère isolé situé près de Médea. Le GIA de Djamel Zitouni avait revendiqué leur enlèvement et leur assassinat. Leurs têtes avaient été retrouvées le 30 mai au bord d'une route de montagne mais leurs corps ne l'ont jamais été. Après avoir suivi la thèse islamiste, l'enquête judiciaire s'est réorientée depuis 2009 et le témoignage d'un ancien attaché de défense à Alger vers une bavure de l'armée algérienne. Ainsi le 25 juin 2009, le général François Buchwalter, ancien attaché de défense à l'ambassade de France à Alger, a confié au juge en charge de l'affaire des sept moines de Tibhirine - officiellement attribués aux islamistes du GIA - que ceux-ci auraient en fait été victimes d'une "bavure" de l'armée algérienne. Une déclaration qui avait soulevé émoi et polémique.
Cependant les demandes avancées par le juge Trévidic pour les autorités algériennes risquent de créer une gêne, l'embarras, voire une certaine animosité à Alger tant la question des tueries de la décennie rouge est sensible. Bouteflika qui a fait voter l'amnistie de tous les actes commis en cette période avait lui-même affirmé à LCI : "Toute vérité n'est pas bonne à dire à chaud. Nous venons de sortir d'une guerre civile et lorsque je connaîtrai la vérité, je vous la communiquerai."
Une façon de dire que la vérité n’est pas près d’affleurer sur cette affaire comme sur bien d’autres assassinats de masse ou ciblés en Algérie.
Yacine K/AFP
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vive l’Algerie
faculté de droit m’sila
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