Algérie (dossier) : bilan de 50 ans d’économie et de réformes (II)
Ici on passe en revue le bilan financier : réserves de change, cotation du dinar, Fonds de régulation des recettes, dépense publique et système financier fin 2011.
1. L’évolution des réserves de change 2005/2011
Les réserves de change, moyen et non facteur de développement, ont été estimées à 56 milliards de dollars en 2005, 77,78 milliards en 2006, 110 milliards en 2007 à 138,35 milliards de dollars en 2008, à 147,2 milliards en 2009, à 157 milliards de dollars fin 2010 et à 188 milliards de dollars fin 2011 par la Banque d’Algérie. Fruits essentiellement de la rente des hydrocarbures. Selon les statistiques du FMI de 2009, l’Algérie disposait, courant 2009, de 173,6 tonnes d’or avec une valeur en termes de lingots de 6,07 milliards de dollars, soit 4,3% des réserves de change de l’époque et au cours d’août 2011 un montant de 9,11 milliards de dollars, soit un gain net de plus de 3 milliards de dollars entre mars 2009 et aout 2011.
Depuis, le montant a vraisemblablement augmenté mais le ratio global stable ou en très légère augmentation en ramenant le ratio au total des réserves de change. Comme le niveau de la dette extérieure à moyen et long terme estimée à environ 4 milliards de dollars au 31/12/2011 (principal et service de la dette) et la dette intérieure à moins de 1 milliard de dollar ont été épongés toujours grâce à cette rente. Encore qu’il faille non pas se limiter à la balance commerciale mais étudier la balance de paiements qui montre que le montant poste assistance technique étrangère est passé de 4 milliards de dollars en 2004 à 11 milliards de dollars entre 2009/2010 et approchera 12 milliards de dollars fin 2011/2012.
Le FMI, dans son rapport d’octobre 2011, classe l’Algérie au titre du pays le moins endetté des 20 pays de la région MENA, occupant le deuxième rang des plus gros détenteurs de réserves officielles de change après l’Arabie saoudite. Bien qu’étant très loin de la Chine plus de 3500 milliards de dollars, estimation de 2010, selon les évaluations du FMI sur les réserves de change officielles 2011 (hors fonds de souveraineté) des pays pétroliers de la région, les trois plus gros détenteurs de ces réserves sont l’Arabie saoudite (539 milliards de dollars), l’Iran (104,6 milliards de dollars) et l’Algérie avec 188,8 milliards de dollars avec des projections de 210,8 milliards de dollars en 2012.
Le FMI a souligné que "la prudente" gestionmacro-économique des dix dernières années a permis au pays d’amasser "d’importantes" réserves. L’Algérie a, en parallèle, maintenu un très faible degré de dette totale à 3,8 mds de dollars en 2009 qui devrait baisser à 2,8 mds en 2010 et à 2,2 mds en 2011. La dette extérieure de l’Algérie représente que 2% du PIB en 2011 et devra reculer encore à 1,7% en 2012. La moyenne de la dette extérieure dans les pays exportateurs de pétrole de la région MENA est de 25,5% du PIB, les plus fortement endettés étant le Bahreïn et le Koweït avec respectivement 148% et 70% du PIB.
2- Cotation du dinar et impact sur le fonds de régulation et la fiscalité pétrolière
Comment expliquer au mi-janvier 2012 la distorsion cours vente au cours officiel, ce qui montre l’existence d’un écart de plus de 40% avec le cours sur le marché parallèle (plus de 13 milliards de dollars en 2010), entre le dinar algérien (104,31 un euro) le cours du dirham marocain - (11,67 un euro) et la meilleure cotation du dinar tunisien (2,18 un euro) ? Or, la monnaie est un rapport social traduisant la confiance ou pas entre l’Etat et les citoyens, elle est un signe, moyen et non facteur, de développement autant que les réserves de change. Toute dévaluation, pour une économie productive, dynamise les exportations et toute réévaluation les freine. Le niveau des réserves de change analysé précédemment permet de sécuriser l’investissement et surtout éviter un dérapage plus important de la valeur du dinar par rapport aux devises.
Il existe actuellement une corrélation d’environ 70% entre la valeur actuelle du dinar et ce stock de devises via la rente des hydrocarbures, sinon le dinar flotterait à plus de 300 dinars un euro. La Chine a des réserves de change qui sont passées de 819 milliards de USD en 2005 à 2.847 milliards de dollars en 2010 et à 3181 milliards de dollars au 1er janvier 2012, celles-ci sont le fruit du travail des Chinois, pas de la rente. En effet, se pose le problème de la cotation du dinar qui n‘obéit pas toujours aux règles économiques comme en témoigne depuis décembre 2011 la cotation du dinar par rapport à l’euro et au dollar alors que le dollar a subi une appréciation de 10/15% par rapport à l’euro. Ces mesures ponctuelles récentes sans vision stratégique ont été édictées principalement pour freiner les importations suite à l’importante augmentation des salaires et ont des répercussions négatives tant pour les opérateurs qui s‘approvisionnent en Europe que sur le pouvoir d’achat des citoyens.
Comme par le passé, au moment du dollar faible, la dépréciation du dinar a répondu au souci de gonfler artificiellement le Fonds de régulation des recettes et la fiscalité pétrolière variant entre 60/70% et donc de voiler l’importance du déficit budgétaire et l’inefficience de la dépense publique. Exemple, le Fonds de régulation de un dollar donne 100 dinars, pondéré par une dévaluation de 20% donne une valeur de 120 dinars calculé par le trésor et la Banque d’Algérie dans leurs bilans annuels, et il en est de même pour la fiscalité pétrolière. Avec une dévaluation de 20% cela abaisserait le montant de la fiscalité pétrolière, ces artifices d’écritures biaisent donc tant le montant du Fonds de régulation que les recettes de la fiscalité pétrolière. Face à ces dépenses, l’encours du Fonds de régulation des recettes, FRR crédité, du différentiel entre les produits de la fiscalité pétrolière budgétée et les produits de la fiscalité pétrolière recouvrés géré par le trésor, le prix de référence fixé par la loi de finances à 37 dollars, à ne pas confondre avec les fonds souverains qui sont des fonds d’investissement (le gouvernement algérien ayant écarté le recours à cette procédure), est passé de 4 280 milliards de dinars, à fin décembre 2008, à 4 316 milliards de DA, à fin décembre 2009 de 4.840 milliards de dinars à la fin 2010,aurait atteint 5.500 milliards de DA (environ 75 milliards de dollars) à la fin 2011, selon le ministère des Finances. Pour plus de transparence, je préconise que les lois de finances se fonde sur le cours réel du marché des hydrocarbures, quitte à ce que l‘excédent soit versé dans un fonds de stabilisation. Actuellement, la gestion du Fonds de régulation est totalement opaque.
3. Un système financier à dominance publique
Contrairement à ce qui passe en Europe où les banques se recapitalisent, le système bancaire algérien est en surliquidités n’arrivant pas à transformer le capital argent en capital productif. Les banques doivent recourir aux instruments de reprise de liquidités de la Banque d’Algérie qui sont rémunérés à des taux inférieurs à 2% alors que si elles prêtaient aux secteurs économiques le taux dépasserait 7%, excepté les secteurs dont les lois de finances bonifient les taux d’intérêts. La liquidité des banques, qui était estimée à 2800 milliards de dinars (28 milliards d’euros) à fin 2008, s’est contractée d’environ 10% en 2009, avant d’augmenter de nouveau en 2010. Cette surliquidité est alimentée, d’une part, par l’importance des dépôts du secteur des hydrocarbures, l’augmentation de la collecte de l’épargne des particuliers, qui se développe à un taux moyen proche des 20% au cours des dernières années, stimulée à la fois par les injections de revenus des plans de relance publics et par une bancarisation de l’économie en progrès rapide.
Cependant, le système financier algérien non autonome est fortement connecté au pouvoir politique, dont l’Etat est actionnaire à 100%, le privé local ou international étant marginal. Ainsi, le système financier algérien bureaucratisé est déconnecté des réseaux internationaux expliquant d’ailleurs le peu d’impact de la crise financière mondiale sur l’Algérie, démontrant une économie sous-perfusion de la rente des hydrocarbures. Après plus de 10 années d'ouverture, le marché bancaire algérien selon le rapport de la Banque d’Algérie, de 2009 se compose de six banques publiques et de quatorze banques privées, mais ne devant pas confondre l'importance du nombre de banques privées actives en Algérie, puisque 90% du financement de l'économie algérienne dont 100% secteur public et plus de 77% du secteur privé, se font par les banques publiques avec une concentration au niveau des actifs de plus de 39% au niveau d'une seule banque, la BEA, communément appelé la banque de la Sonatrach. Seulement 10% du financement de l'économie sont pris en charge par les banques privées, avec une concentration de plus de 52% pour les actifs pour trois banques.
Abderahmane Mebtoul (à suivre)
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