L’énigmatique Maghreb des chefs
Mourad Medelci nous dit, comme si nous venons de débarquer d’une lointaine galaxie, qu’une visite officielle d’un grand responsable marocain en Algérie, dans le cadre d’échanges bilatéraux ou dans l’intérêt du Maghreb uni, ne concerne pas les soixante-dix millions d’âmes qui constituent ces deux pays.
On ne cause pas de la fermeture des frontières ni du problème du Sahara espagnol décolonisé. Essayons d’observer sérieusement. La sortie ibérique des territoires sahariens avait dans l’année même, sous Boumediene et Hassan II, provoqué des transhumances tragiques de part et d’autre des deux pays dont les dirigeants commencèrent aussitôt à s’entretenir une implacable animosité. Les Forces armées royales du souverain s’engagent à faire occuper les étendues et l’ANP du président du Conseil de la révolution ouvre une wilaya limitrophe pour accueillir des réfugiés, avec par deux fois, des heurts meurtriers entre les troupes à Amgala en 1976. C’était dans la tradition de l’époque, "la liberté des peuples à disposer d’eux-mêmes."
Les problèmes sont du seul souci des dirigeants
Les Nations unies se saisissent officiellement de la question mais le contentieux reste en l’état jusqu’à maintenant. Les dirigeants chérifiens et leurs sujets disent de ces territoires le "Sahara marocain", les responsables algériens "République arabe du Sahara démocratique", tandis que la majorité des citoyens dans notre pays parlent encore de "Sahara occidental". Mais le commun populaire des uns et des autres ne se sente, en réalité, impliqué que dans les possibles de circulation intercommunautaire. Les témoins de la période de la rencontre solennelle d’Ifri, suivie de celle des sommets de Zeralda et de Marrakech, soldées par la réouverture des frontières, ne peuvent pas manquer de raconter la joie s’accaparant de l’ensemble des populations. On voyageait sur Fès ou Mekhnès avec la décontraction d’un déplacement vers Oran ou Constantine, pour ce qui relève des séjours vacanciers algériens. Ça discutait plutôt du 5 octobre à Tanger ou Casablanca, du kif aussi, que du conflit saharien.
La plupart considéraient désormais les relations revenues au meilleur niveau d’acceptabilité mutuelle jusqu’à l’attentat de Marrakech en 1994 pendant l’hécatombe algérienne et le recours au visa. Les baratins justificatifs réciproques des officiels n’ont pas intéressé grand monde parmi les dizaines de millions de frustrés. Car le Maghrébin, depuis longtemps surveillé et manipulé par les polices politiques, a finalement bien compris le bon soin de ne plus mélanger les discours. Des salamalecs par lesquels il se faufile l’avantage intrinsèque et immédiat des dirigeants et fonctionnaires aux intérêts bafoués des ressortissants.
Mourad Medelci, au moins pour cette fois, il reconnaît le fond du problème : il y aurait selon lui deux Maghreb, celui des populations et celui des dirigeants. Celui des chefs qui s’autorisent à voyager librement dans les villes et qui permet de décider de discuter sur ce qui est à l’ordre du jour ou non pour le bien-être de tout le monde. Et celui des contribuables qui n’ont pas le droit de se rencontrer pour voir comment tenter de se réapproprier les destins communs et respectifs.
Le secret de Polichinelle
En vérité, cette rencontre est d’ores et déjà bouclée dans l’esprit de chacun ; tout le monde s’en fout de ce que ça peut en radoter, en débiter comme flirts diplomatiques dont, au demeurant, personne n’ignore que l’entremise a été décidé à l’Elysée. Les Algériens et les Marocains ne sont pas dupes au point d’ignorer que c’est Paris qui possède la clé des frontières : plus de cent milliards d’euros invitent, bon an mal an, les investisseurs français, en matières premières, en manufactures et en service, à ne pas prendre à la légère le concret des mouvement au Maroc et en Algérie. Et c’est précisément cette façon niaise d’avertir que le rendez-vous ne prend pas en charge, au moins par le discours, les deux seuls problèmes qui empoisonnent la relation intercommunautaire, est-il suffisant pour avouer que le soucis des dirigeants est bien ailleurs. Qui est traité en aparté, à l’abri du regard et de l’ouie de la conscience collective électorale.
Cette manière pernicieuse, inédite, de gérer le Maghreb par procuration et par l’absurde a en tout cas un avantage de ne pas menacer le transit des 2000 tonnes de cannabis par nos frontières. Lesquelles n’ont pas besoin de visa spécial pour se répartir dans nos contrées. Mais la stabilité des vastes territoires surpeuplés du Rif n’est pas du ressort de notre ministre des Affaires étrangères.
Par contre, de bons aménagements tarifaires sur le gaz algérien dont a besoin le royaume on ne peut pas dire que ce n’est pas là le rôle fondamental alloué au nouveau chef de la diplomatie marocaine. Sa grande épreuve initiatique.
Nadir Bacha
Commentaires (1) | Réagir ?
Ils parlent toujour de Maghreb arabe !
Ahlil ahlil, après avoir reconnu que nous sommes Berbères, que les Marocains ont officialisé leur langue, et là ils reviennent pour résuciter une utopie. C'est une insulte aux nord africains, comme vouloir faire une union avec l'exclusion.
Comment ne pas demander l'autonomie ? Ces gens sont des ignorants qui oeuvrent a perpétuer un génocide culturel. C'est inacceptable.