La guerre d'Algérie : silence à Alger, animation à Paris

Les colonels de la Révolution.
Les colonels de la Révolution.

Un demi-siècle de l'indépendance, ça se fête normalement. On prépare des films, des livres, des débats.

Hélas, pendant qu'en France, historiens, écrivains, journaux, associations d'anciens soldats, anciens harkis, pieds-noirs et officiels, on s'agite pour rappeler, donner leur version sur la guerre d'Algérie, selon leur vision, en revanche dans notre pays, c'est le silence radio. Le black-out. Comme si le régime veut faire passer sous silence le 50 e anniversaire de l'indépendance. Il y aurait bien une commission présidée, selon certaines sources par Ahmed Ouyahia pour organiser les festivités, mais les Algériens sont tenus à l'écart de cet événement majeur de la construction de l'Algérie moderne. Que cache le peu d'enthousiame affiché jusqu'à maintenant par les autorités ?

Par ailleurs pourquoi c'est Ouyahia en personne qui est chargé de diriger cette fameuse (fumeuse ?) commission de célébration de l'indépendance ? N'y a-t-il donc plus un homme capable pour mener cet événement comme il se doit ? Ou alors, le pouvoir ne veut pas par là qu'il soit débordé par l'événement... D'ailleurs l'intervention d'Ahmed Ouyahia dans la polémique franco-turque suggère une entente entre autorités algériennes et françaises pour éviter les vagues et autres débats polémiques sur la terrible guerre d'indépendance. A ce titre, il devient manifeste que le régime en tant que tel n'est pas très enthousiate à organiser quelque grand événement pour célébrer un combat auquel son personnel est demeuré étranger.

En France, on se rappelle

Eh oui, pendant que nos officiels ergotent, que notre ministre des moudjahidines se répand en déclarations sans lendemains, en France, on se souvient de ce qui s'est passé en Algérie. On commence à imprimer à l'événement la lecture toute française de la dernière guerre coloniale menée par ce pays. Cinquante ans après la guerre d'Algérie, le Forum des images commémore le conflit à l'aide de fictions et de documentaires, du 24 janvier au 2 février à Paris. La programmation prend en compte les points de vue des deux côtés de la Méditerranée. Dès ce début d'année de commémoration, 50 ans après, le Forum des images à Paris ouvre un cycle de rétrospectives et de conférences autour des images de la Guerre d'Algérie, de part et d'autre de la Méditerranée et des fronts.

Du 24 janvier au 2 février, l'institution (aux Halles) prévoit un programme de fictions, documentaires, archives militaires et civiles, témoignages souvent rares et tus, captés depuis cinq décennies sur les rives françaises et algériennes de ce conflit de huit ans.

Les Accords d'Evian, le 18 mars 1962 en Haute-Savoie, firent cesser le feu et leur approbation en avril par les Français de métropole signèrent officiellement la fin du conflit et le grand départ pour les Français d'Algérie. Pour l'Algérie, Evian ouvre la voie à l'indépendance, proclamée le 5 juillet. C'est à cette mémoire que le Forum rend hommage avec ses projections et les très nombreux conférences et débats, les cinéastes et les historiens qui les accompagneront.

"Le temps est venu de considérer ces images comme des sources autant que comme des éléments de transmission et de témoignage", justifie Jean-Yves de Lépinay, directeur des programmes du Forum des images, soucieux de ne pas rentrer dans "une concurrence des mémoires". "Le constat, 50 ans après, c'est que, comme souvent, ce conflit fut un immense gâchis dont beaucoup sont sortis fracassés". Il a donc évité les montages historiques typiques des commémorations pour privilégier les points de vue et les paroles, militantes ou intimes.

"Il existe énormément d'images contemporaines du conflit, et l'idée que le cinéma a peu traité de ce conflit est fausse: beaucoup de grands talents l'ont évoqué en creux", soutient M. de Lépinay, citant Muriel d'Alain Resnais ou Les Parapluies de Cherbourg de Jacques Demy.

Et depuis, on n'a jamais cessé de filmer: de Avoir 20 ans dans les Aurès de René Vautier tourné pendant la guerre, à La Guerre sans nom de Bertrand Tavernier (1991) et Hors-la-loi de Rachid Bouchareb (2010).

De nombreuses personnalités seront invitées à en témoigner devant le public et les points de vue se confrontent d'une rive à l'autre, au gré de la programmation: en soirée d'ouverture, Jacques Charbit raconte l'Algérie d'après-guerre dans Une si jeune paix ; puis Malek Bensmaïl revisite, un demi-siècle après, le village des Aurès cible du premier attentat anti-français en 1954, dans La Chine est encore loin (2007). Au passage, rappelons qu'un coffret de plusieurs documentaires, sous le label Ina éditions, de Malek Bensmaïl va être mis sur le marché début février en France.

Tandis qu'Olivier Py, l'homme de théâtre, voyage avec Méditerranées dans la mémoire familiale qui garde l'Algérie - et la douleur du départ - au coeur, loin du folklore auquel le cinéma a souvent cantonné les pieds-noirs.

L'INA a ouvert ses archives, l'armée vient à deux reprises commenter les siennes. Le retour sur images va enfin commencer autour des thématiques les plus diverses, insiste Jean-Yves de Lépinay: les fronts, les civils, les appelés, la guerre en métropole, les combats (comment étaient-ils filmés), la figure de "l'Algérien", les combattants, les harkis...

Face à cette ambition, la pluralité et la diversité, le Forum des images regrette le manque de réponse des archives algériennes. Mais un sociologue algérien, Belkacem Mostefaoui, fera le voyage pour raconter comment l'Algérie commémore cette guerre. A noter enfin, le 25 janvier, deux séances de "films de familles", français et algériens.

Y. K./AFP

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Notproud

Message pour Reda : un lien sur le site de wikipédia aurait suffit

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