Syrie : l'attaque contre la presse à Homs est une manipulation
Des détails troublants autour de la mort du reporter français Gilles Jacquier vont dans le sens d'une attaque commanditée par Damas. Paris soupçonne en tout cas « une manipulation » des autorités syriennes.
Le parquet de Paris a ouvert une enquête préliminaire pour homicide volontaire après la mort à Homs, en Syrie, de Gilles Jacquier, de France 2, dont l'autopsie a été effectuée, hier à Paris. La direction de France Télévisions, qui a saisi la justice, a évoqué de son côté des éléments "troublants" dans les circonstances entourant la mort de son journaliste. Jacques Duplessy, un journaliste indépendant, collaborateur d'Ouest-France, qui faisait partie du groupe de journalistes visé par les tirs, estime que "plusieurs faits, en relisant le déroulé de l'attaque, pourraient laisser supposer que les douze journalistes et leurs interprètes ont été pris dans un guet-apens". Il explique :
Attirés sur les lieux. "Alors que nous interviewions des habitants et des supporters du gouvernement syriens, plusieurs personnes, dont des policiers et des militaires présents en grand nombre nous ont demandé d'aller voir une école où un obus de mortier serait tombé la veille. Alors que nous y allions, un obus est tombé au loin. Les militaires nous ont dit de continuer, mais on voit sur des photos qu'ils partent dans la direction opposée, comme s'ils savaient ce qui allait se passer. Leur comportement va à l'encontre de ce qu'il faut faire pour protéger un voyage officiel".
Quatre obus. "Quatre obus sont ensuite tombés sur notre position, avec une précision et un timing étonnants. Normalement, l'utilisation d'un mortier nécessite plusieurs tirs pour être précis. Il n'est pas impossible - même si nous n'en avons aucune preuve - que le tir de la veille contre l'école ait servi à préparer cette attaque. Cette visite avait été organisée à l'hôtel une heure avant. Seul l'État syrien, qui nous invitait officiellement, savait où nous étions".
Après le discours de Bachar Al Assad. "Le président syrien, mardi, a accusé les médias occidentaux d'être responsables de la situation dans le pays. Tuer des journalistes européens pourrait s'inscrire dans la logique de ce discours. Cette attaque permet aussi de dissuader les reporters de venir voir ce qui se passe dans le pays, alors que l'accord avec la Ligue Arabe prévoit que les journalistes doivent pouvoir travailler normalement".
Discréditer les opposants. "En accusant la résistance, qualifiée de «terroriste» par Damas, le régime tente de les discréditer sur la scène internationale, mais aussi au sein de la population syrienne. Dans son discours de mardi, le président Bachar El Assad avait déclaré que personne ne pouvait rester neutre face à la situation et que chacun devait choisir son camp. Cette attaque pourrait conduire une partie de la population à soutenir le régime contre les 'terroristes'".
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