La junte birmane libère des prisonniers politiques de premier plan
Parmi les bénéficiaires de l'amnistie figure notamment l'ex-Premier ministre Khin Nyunt arrêté et condamné en 2005.
La Birmanie libérait, vendredi, plusieurs prisonniers politiques de premier plan, une amnistie réclamée sans relâche par l'Occident comme preuve de la sincérité des réformes du nouveau régime et qui a été immédiatement saluée par l'opposition. Plusieurs leaders du soulèvement étudiant de 1988, dont la répression avait fait quelque 3 000 morts, sont cette fois concernés, alors que les précédentes amnisties ces derniers mois avaient déçu en n'incluant aucun d'entre eux.
Aung San Suu Kyi, qui a passé la majeure partie de son temps en prison depuis 1988 et qui purgeait une nouvelle peine de 65 ans de prison pour son implication dans la révolte Safran de 2007, devait ainsi sortir de prison dans la matinée, a indiqué sa soeur Kyi Kyi Nyunt. Htay Kywe, autre leader de la Génération 88, également condamné à 65 ans de prison en 2007, "a été libéré", a annoncé une proche. Plus important encore peut-être, sur le plan politique, l'ex-Premier ministre Khin Nyunt, victime d'une purge, va également bénéficier de cette amnistie, selon un haut responsable birman. Khin Nyunt avait été limogé en 2004, puis arrêté et condamné l'année suivante à une peine de 44 ans de résidence surveillée pour corruption. Sa chute s'était accompagnée du démantèlement complet des services de renseignement militaire.
La Ligue nationale pour la démocratie (LND) de l'opposante Aung San Suu Kyi a immédiatement salué cette troisième amnistie depuis octobre, annoncée jeudi soir via les médias officiels. "C'est un signe positif pour tout le monde. Nous saluons ces libérations", a indiqué son porte-parole Nyan Win, selon lequel plusieurs dissidents étaient "déjà en train de rentrer chez eux". Selon le quotidien officiel anglophone New Light of Myanmar, cette amnistie concerne au total quelque 650 personnes et a pour objectif "la réconciliation nationale (et) leur participation au processus politique".
La junte au pouvoir pendant près d'un demi-siècle s'est autodissoute en mars et a transmis ses pouvoirs à un gouvernement dit "civil", mais totalement contrôlé par d'anciens militaires. Ce gouvernement a depuis multiplié les réformes politiques spectaculaires, tranchant avec l'immobilisme autocratique de la junte du généralissime Than Shwe et le climat de terreur qui régnait dans ses rangs. Il a notamment permis le retour au coeur du jeu politique de Aung San Suu Kyi, qui se présentera aux prochaines élections partielles d'avril alors qu'elle était encore en résidence surveillée en novembre 2010. Le pouvoir a également promulgué des lois autorisant les manifestations et les grèves et a suspendu la construction d'un barrage controversé financé par son puissant allié et voisin chinois. Il a enfin entamé un dialogue avec les groupes rebelles des minorités ethniques qui n'ont jamais pacifié leurs relations avec le pouvoir depuis l'indépendance en 1948, signant même une trêve avec certains d'entre eux, dont la dernière en date jeudi, avec la principale rébellion des Karens.
Mais l'ONU, l'Union européenne et les États-Unis, dont la secrétaire d'État Hillary Clinton a effectué début décembre une visite historique en Birmanie, réclament la libération de tous les prisonniers politiques pour confirmer cette tendance réformatrice. Le 12 octobre, 6 300 personnes avaient été libérées, dont environ 200 prisonniers politiques. Sur la liste figurait notamment l'humoriste et dissident Zarganar. Mais cette amnistie avait déçu, ne concernant ni les leaders de 1988 ni le moine bouddhiste Gambira, emprisonné depuis 2007. Tout comme celle annoncée début janvier, qui n'avait concerné pour sa part aucun prisonnier politique. Le nombre actuel de prisonniers de conscience - artistes, journalistes, moines, intellectuels et autres opposants - est sujet à diverses estimations, allant de 500 à 1 600.
Avec AFP
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