Nigeria: 13 morts dans nouvelles violences religieuses dans le nord et le sud
Le pays le plus peuplé d'Afrique est en prise avec de fortes tensions religieuses et sociales depuis quelques semaines.
Les violences ethniques et religieuses au Nigeria ont connu une nouvelle recrudescence mardi, avec huit tués dans le mitraillage d'un bar par des islamistes présumés dans le nord musulman, et deux attaques de mosquées en 24 heures ayant fait cinq morts et provoqué la fuite de milliers de personnes dans le sud chrétien. En revanche, on n'a pas signalé mardi de victimes dans le cadre d'une grève générale contre la fin des subventions sur les carburants, alors qu'on avait dénombré six morts dans des affrontements entre policiers et manifestants la veille.
Cependant mardi, les autorités ont imposé un couvre-feu dans la ville de Kaduna (nord) après des tentatives de grévistes émeutiers de "semer le trouble". D'après des habitants, la police a violemment dispersé des milliers de personnes tentant de forcer les portes du gouvernement local. La grève - qui n'affecte pas à ce stade la production pétrolière du plus gros producteur d'Afrique - paralyse le pays, compliquant encore la tâche du président Goodluck Jonathan, un chrétien du sud.
D'autant que les violences revendiquées ou attribuées au groupe islamiste Boko Haram dans le nord du pays ont connu une nouvelle flambée mardi soir: des assaillants à moto - un modus operandi de Boko Haram - ont ouvert le feu sur les clients d'un bar de Potiskum, tuant huit personnes, dont cinq policiers, selon des témoins. Un médecin à la morgue de la ville a indiqué avoir reçu huit corps: "ceux de cinq policiers, d'un barman, d'un client et d'une fillette de dix ans".
"Les policiers étaient venus boire un coup", a expliqué un témoin. La police a confirmé l'attaque, sans donner de bilan. Fief du groupe Boko Haram, Potiskum est l'un des épicentres des violences antichrétiennes, qui ont fait près de 140 morts depuis Noël La ville est située dans l'Etat de Yobe, où l'état d'urgence est en vigueur depuis le 31 décembre. Par ailleurs, des assaillants ont attaqué mardi et incendié en partie la mosquée centrale de la ville de Benin City (sud) après avoir visé lundi une première mosquée. Cinq personnes ont été tuées et 10.000 déplacées depuis lundi par ces violences dans un quartier haoussa (ou fulani), une communauté nordiste musulmane, selon la Croix-Rouge locale. Mardi dans cette ville d'un million d'habitants, capitale de l'Etat d'Edo, une école islamique du complexe religieux ainsi qu'un bus ont aussi été incendiés.
Il s'agit de possibles représailles antimusulmanes dans le sud du Nigeria depuis la multiplication ces deux dernières semaines des attaques contre des chrétiens dans le nord. "Nous avons enregistré jusqu'à présent cinq tués (...) parmi les assaillants comme les assiégés", a indiqué à l'AFP Dan Enowoghomwenwa, chef de la Croix-Rouge de l'Edo, un Etat fédéré à majorité chrétienne. "Nous avons plus de 10.000 déplacés en différents endroits", a ajouté ce responsable, en parlant d'attaques de "gens locaux" contre des nordistes. Mardi, Goodluck Jonathan a rencontré dans la capitale fédérale Abuja les principaux responsables de la sécurité du pays.
Le président s'est attiré la colère des syndicats en annonçant le 1er janvier la fin des subventions à la vente des carburants, afin de réaliser 8 milliards de dollars (6,3 milliards d'euros) d'économies pour financer des infrastructures. La brusque hausse des prix de l'essence affecte la plupart des Nigérians, tant pour les transports que pour les générateurs d'électricité. Cette grève illimitée, conjuguée aux violences interconfessionnelles, fait craindre le pire dans ce pays dont la population est répartie à parts égales entre musulmans, majoritaires dans le nord, et chrétiens, vivant surtout dans le sud. Dimanche, le président Jonathan s'était alarmé d'une situation "pire que la guerre civile" des années 60, en référence à la guerre sécessionniste du Biafra (1967-1970), et au caractère imprévisible des attaques religieuses.
Wole Soyinka alarmé
Alarmé, le prix Nobel de littérature nigérian Wole Soyinka lui a donné raison mardi, en estimant que son pays "se dirigeait vers une guerre civile" et en accusant certains dirigeants politiques d'attiser l'intolérance religieuse. Lors d'un entretien avec la BBC, l'écrivain a même dit craindre un éclatement du Nigeria: "Quand vous êtes face à une situation où des gens peuvent aller dans un lieu de culte et tirer par la fenêtre, vous avez atteint un triste tournant dans la vie d'une nation", a-t-il poursuivi. "Il y a des gens au pouvoir dans certains parties du pays, qui développent une véritable haine, et ne tolèrent aucune autre religion que la leur" en endoctrinant des jeunes "depuis leur enfance pour être utilisés".
Avec AFP
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