Afrique du Sud : l'ANC, un centenaire miné de lutte et de rivalités
Le Congrès national africain (ANC), au pouvoir en Afrique du Sud, n'a pu faire taire ses divisions, alors qu'il fêtait dimanche son centième anniversaire lors d'un grand meeting dans le stade de Bloemfontein (centre).
La presse locale titrait plus que jamais sur les dissensions au sein du parti longtemps dirigé par Nelson Mandela, même si l'ANC cherchait à donner l'image d'une formation unie autour de son président Jacob Zuma, le chef de l'Etat. Lui seul a pris la parole, notamment pour rappeler que l'Afrique du Sud devait rester "une société multiraciale".
"Nous sommes unis parce que nous devons nous unir pour ce centenaire. Mais je crois que nous serons très divisés après cet événement", a prédit Tefo Labaka, membre de la Ligue de jeunesse de l'ANC, une branche contestant ouvertement la direction de M. Zuma. Avant même l'intervention du président, les différentes factions se faisaient déjà entendre.
Les apparitions sur les grands écrans de Julius Malema, le président de la Ligue de jeunesse, étaient accueillies soit de hourras, soit de sifflets. Et lorsque le secrétaire général du parti Gwede Mantashe a fait son entrée, il a été ovationné par une partie du stade, tandis qu'un autre camp criait "Change", comme on demande à un entraîneur de remplacer un joueur sur un terrain de foot.
"Camarades, s'il vous plaît, soyez disciplinés, l'ANC est là pour vous!", a demandé le ministre des Sports Filike Mbalula, le monsieur loyal de la cérémonie. Le cirque s'est répété à l'arrivée du président Zuma, quand il a fait un tour d'honneur du Free State Stadium, héritage de la Coupe du monde de football de 2010. M. Mbalula a dû lancer des slogans plus fédérateurs: "ANC! ANC!", "Joyeux anniversaire, ANC!" "Amandla! Awethu!" (le pouvoir pour nous, principal slogan de la lutte contre l'apartheid)... Puis des chants à la gloire du président ont pris le dessus.
Dans un long discours essentiellement consacré à glorifier la lutte du mouvement contre l'apartheid, Jacob Zuma a rappelé les grands principes: s'il faut accélérer sa transformation socio-économique, l'Afrique du Sud doit rester une société multiraciale.
En clair, il faut ménager les Blancs, qui sont régulièrement cibles d'attaques de la Ligue de jeunesse. Le président a notamment cité la Charte de la liberté, texte fondateur signé en 1955 par l'ANC et d'autres mouvements anti-apartheid: "L'Afrique du Sud appartient à tous ceux qui y vivent, Noirs et Blancs".
"Mesures urgentes" contre l'opposition interne
"L'ANC a mobilisé les Sud-Africains quels que soient leur race, leur sexe ou leur classe. L'ANC, une force disciplinée de gauche, avec une attention particulière pour les besoins des plus pauvres, est aussi une grande église ouverte à tous", a-t-il souligné, notant que le parti accueillait aussi bien des marxistes que des capitalistes, des hommes et des femmes, des riches et des pauvres, etc.
Jacob Zuma compte bien se succéder à lui-même au prochain congrès du parti, en décembre. Ce qui devrait en principe lui permettre de rester président du pays en 2014. Mais il est ouvertement contesté par une partie de sa base, et notamment par la Ligue de jeunesse, qui critique la lenteur de la transformation du pays après dix-sept ans passés au pouvoir, alors que plus du quart de la population est sans travail et que des millions de personnes vivent encore dans des bidonvilles.
"Nous allons prendre des mesures urgentes pour restaurer les valeurs de base, écraser le factionnalisme et instaurer la discipline", a-t-il prévenu. Julius Malema a déjà été suspendu pour indiscipline, mais il a fait appel, et continue de défier Zuma.
Icône de l'ANC, l'ancien président Nelson Mandela, âgé de 93 ans et dont la santé est fragile, n'a pas fait le voyage de Bloemfontein. Et il n'a pas délivré de message, décevant les espoirs des dizaines de milliers de participants. L'ANC avait été fondé le 8 janvier 1912 dans une église de Bloemfontein, restaurée pour les célébrations du centenaire.
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