Au Maroc, les islamistes entrent au palais
Mohammed VI a désigné son nouveau gouvernement dirigé par Abdellilah Benkirane. Un peu plus d'un tiers des ministres sont issus du PJD.
Quarante jours après le raz-de-marée islamiste des élections législatives, l'architecture du nouveau pouvoir est en place au Maroc. Mohammed VI a nommé mardi le gouvernement dirigé par Abdelilah Benkirane, le chef du Parti de la justice et du développement (PJD). Le roi a confié un peu plus d'un tiers des portefeuilles à des membres du parti qui domine désormais le Parlement. Des personnalités issues principalement des rangs de l'Istiqlal, l'un des partis historiques du pays, arrivé en deuxième position au scrutin du 25 novembre, du Mouvement populaire (NP) et du Parti du progrès et du socialisme (PPS, ex-communiste) complètent l'équipe.
Si le monarque reste le maître du jeu politique, il va devoir composer en vertu de la nouvelle Constitution avec un gouvernement aux pouvoirs élargis.
Signe de changement, Mohammed VI a entériné l'arrivée au ministère de la Justice de Moustapha Ramid en dépit d'une polémique sur cet avocat au profil plutôt turbulent. Chantre de la lutte contre la corruption, un sujet de préoccupation majeur pour l'opinion publique, il est connu pour ses positions en faveur d'une réduction des prérogatives royales. Moustapha Ramid s'était également distingué en s'opposant à la venue au Maroc du chanteur britannique Elton John qui avait affirmé que Jésus-Christ était homosexuel.
Saad Eddine el-Othmani hérite, pour sa part, du prestigieux ministère des Affaires étrangères. Un autre poids lourd du PJD, Lhacen Daoudi, obtient l'Enseignement supérieur et la Recherche.
Une contestation essoufflée
Les ministères régaliens comme la Défense et l'Intérieur échappent en revanche aux islamistes avec les nominations respectives de Abdellatif Loudiyi, un "indépendant" et de Mohand Laenser, le secrétaire général du MP. Tout comme les affaires… islamiques, ce qui n'a rien de surprenant dans un royaume où le souverain incarne la religion. Enfin, l'Économie et les Finances sont confiées à Nizar Baraka, le gendre de l'ex-premier ministre Abbas el-Fassi.
Le gouvernement Benkirane, en dépit de probables tiraillements entre les conseillers du palais et certains ministres, devrait bénéficier au cours des prochaines semaines d'une lune de miel. Les islamistes du PJD dont le monarchisme n'a jamais été pris en défaut parviennent en effet aux affaires dans un climat de relative confiance. Ils représentent, pour l'instant, une force alternative et neuve. Abdellilah Benkirane, qui va présenter sa déclaration de politique générale, a déjà indiqué qu'il plaçait les questions sociales au centre de son action.
Sous l'influence des révolutions dans les pays d'Afrique du Nord, les élections législatives avaient été avancées d'un an. Il s'agissait de désamorcer le mouvement du 20-Février qui mobilisait une partie de la jeunesse. La contestation a fini par s'essouffler. Voici quelques jours, l'organisation Justice et Bienfaisance, la secte religieuse du cheikh Yassine a annoncé son retrait de l'alliance du 20-Février. Après sa victoire électorale, le PJD avait invité les islamistes radicaux à faire progresser leurs idées dans le cadre des institutions. Justice et Bienfaisance n'en est pas encore là, mais la menace de troubles semble s'éloigner.
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