Nezzar et la faute à Galilée
On se rappellera de 2011 comme d’une année espiègle et anormalement longue, celle-là, racontera-t-on aux enfants, qui commença, en janvier, par un solennel "dégage !" à la face des dirigeants de "l’État algérien corrompu" et qui se termina, en décembre, par une déchirante prière à ces mêmes dirigeants, aidez-nous à sauver un général des griffes de la justice suisse, un général dont on avait cru comprendre, en janvier, qu’il était une éminente figure de cet "État corrompu" et qu’on découvrit en décembre "victime persécutée".
Tout cela par la faute de cette satanée planète qui prit tout son temps pour tourner autour d’elle-même, bien plus de temps, en tout cas, que ne l’avait prévu Galilée, un Toscan ! Qu’attendre d’un Toscan ? Oui, Galilée qu’on savait retors et capable de toutes les duplicités, jusqu'à abuser la mémoire de quelques-uns de nos plus éminents intellectuels et journalistes dont on ne saurait expliquer autrement que par cette anomalie scientifique, qu’ils passent d’une audacieuse "coordination pour le changement", symbolisée par l‘héroïsme sans précédent de Saïd Sadi perché sur le toit d’une voiture, à une "coordination pour le prolongement".
Ce n’est point de leur faute s’ils ont fait leurs horoscopes en fonction des astres médicéens au lieu de tenir compte de tout ce qui bougeait dans les cieux, comme le recommandait, en son temps, le vénérable professeur Magini, ennemi de Galilée et dont on sait aujourd’hui qu’il aurait soutenu l’interruption du processus électoral de 1992, contrairement à ses voisins de Sant’Egidio qui se révèlent d’indécrottables Galiléistes.
Maintenant que nous ne sommes plus sûrs de rien, il reste à faire de cette pétition l’édit d’une puissante revendication citoyenne afin que le prochain procès de Nezzar soit plutôt celui de Galilée. Car enfin, qui supporterait d’entendre, dans les prétoires suisses, cette déposition d’un général algérien :
"Moi Nezzar, fils de l’Armée populaire nationale, âgé de soixante-seize ans, ici traduit pour y être jugé par les magistrats suisses, ayant devant les yeux et touchant de ma main la Charte contre la torture de 1984, jure que j'ai toujours tenu pour vrai, et tiens encore pour vrai, et avec l'aide de Dieu tiendrai pour vrai dans le futur, tout ce que les instances du droit international …"
Oui, le procès de Nezzar soit plutôt celui de Galilée.
C’est ce que nous dicte la raison. La raison d’État s’entend que le texte-pétition évoque subtilement en appelant l'Etat algérien à "prendre toutes mesures dictées par les circonstances" et l’État suisse à "préserver les relations liant les deux peuples depuis les Accords d'Evian". Maudit Galilée qui nous fait oublier qu’aux "relations liant les deux peuples", sont venues s’ajouter, depuis les accords d’Evian, des relations liant les banques suisses aux dirigeants algériens, rapports bilatéraux d’une bien précieuse importance et qui devraient contraindre ce prétentieux gouvernement suisse de renoncer à la vanité de vouloir à la fois rendre la justice et garder le secret.
Oui, plutôt que Nezzar, jugeons Galilée, et nous écouterions plutôt ceci :
"Moi, Galiléo, fils de feu Vincenzio Galilei de Florence, âgé de soixante-dix ans, ici traduit pour y être jugé, agenouillé devant les très éminents et révérés cardinaux inquisiteurs généraux contre toute hérésie dans la chrétienté, ayant devant les yeux et touchant de ma main les Saints Évangiles, accepte d’être condamné par injonction du Saint Office pour avoir dupé de respectables esprits algériens par la croyance fausse que le Soleil est au centre du monde et ne se déplace pas, et que la Terre n'est pas au centre du monde et se déplace… jure que j'ai toujours tenu pour vrai, et tiens encore pour vrai, et avec l'aide de Dieu tiendrai pour vrai dans le futur, tout ce que la Sainte Église Catholique et Apostolique affirme, présente et enseigne."
Et l’année 2012 sera ainsi épargnée des amnésies et des distractions, on ne croisera plus de démocrate étourdi, en mai nous voterons pour une vie meilleure et en 2013 Khaled Nezzar publiera un livre sur Abdelaziz Bouteflika qu’il oubliera d’avoir écrit en 2014 à l’élection de Saïd Bouteflika…
…Tout cela, bien sûr, par la faute de l’incorrigible Galilée.
Didou
Commentaires (12) | Réagir ?
Je suis tombé par terre c'est la faute à Voltaire.
Je suis tombé dans le ruisseau c'est la faute à Rousseau.
Je précise bien : "En ce qui concerne la lutte anti-terroristes islamistes des années 90, je trouve que le Général Khaled Nezzar était un héros national. "pointsitou.