De crainte d'un "coup d'état médical", Bouteflika instrumentalise la Constitution
Entré dans un coma politique et juridique depuis des mois, le Conseil constitutionnel était suspendu au sort de son président Boualem Bessayeh.
Mais depuis l’ouverture de l’année judiciaire, il semble bien que le président Bouteflika a décidé de reconduire son ancien directeur de cabinet à la tête du Conseil. Pourtant la constitution est claire sur le sujet. Son article 164, alinéa 3 stipule que "le président de la République désigne le président du Conseil Constitutionnel pour une durée de 6 ans non renouvelable". Mais Bouteflika a du mal avec les Constitutions. La précédente, il l’estimait « mauvaise », car elle limitait les mandats présidentiels à deux. Alors il l’a changée à son goût pour se permettre autant de mandature qu’il souhaite. Mais là encore concernant la désignation du président du Conseil constitutionnel, Bouteflika fait peu cas de la Loi fondamentale.
Mais Bessayeh n’est pas le seul cacique du FLN à bénéficier des privilèges souverains que se permet Bouteflika depuis qu’il est au pouvoir. Bouteflika Abdelaziz avait désigné Mohamed Bejaoui à la tête de la même institution en 2002 sans l’annoncer officiellement. Le président se conduit comme s’il n’est redevable à personne. Trois ans plus tard, il réduit la durée du mandat du président du Conseil constitutionnel sans que cela ne soit également officiellement annoncé, sachant que la loi n’autorise pas la réduction du mandat de ce dernier. Rien ni La loi fondamentale ni le malaise social et politique ne semblent arrêter Bouteflika dans sa volonté de se maintenir au pouvoir.
Mais alors en vertu de quoi, le président se permet ainsi de maintenir son ami Bessayeh à son poste alors que son mandat a expiré il y a déjà deux mois ? Pourquoi et comment une institution aussi importante est laissée en rade, en suspens par le président de la République ?
Selon Le Soir d’algérie, "le président a eu recours à la jurisprudence pour contourner la contrainte de l’article 164 de la Constitution et, partant, maintenir Boualem Bessaïeh à la tête du Conseil constitutionnel jusqu’en mai 2014." Boualem Bessayeh occupe ce poste depuis le 17 septembre 2005, date à laquelle il avait remplacé Mohamed Bejaoui désigné, lui, au poste de ministre des Affaires étrangères. Lequel Bejaoui quittait le poste à mi-mandat. Il n’avait, en effet, remplacé à son tour Saïd Bouchaïr qu’en mai 2002. Et c’est sur ce décalage entre mandats que Bouteflika insère sa jurisprudence. "Bessayeh n’avait, selon cette lecture, que continué le mandat inachevé de Bejaoui, ce dernier n’expirant officiellement qu’en mai 2008. Dès lors, le mandat de Bessayeh n’est comptabilisé qu’à partir de cette date." A en croire toujours la même source, tout sera "légalisé" à travers un décret présidentiel dont on ignore, cependant, la forme. A savoir publiable ou non publiable. Pourquoi toute cette gymnastique juridique pour faire dire aux lois ce qu’elles ne prévoient pas forcément ?
Verrouillage systématique des institutions
Tout réside dans la méfiance légendaire de Abdelaziz Bouteflika. Le prolongement du mandat de Boualem Bessayeh est une nécessité de survie pour Bouteflika. Ce poste névralgique lui permet, en fait, de se prémunir de toute mauvaise surprise. L’homme, décrit comme ayant la hantise des coups d’Etat, n’ignore, par exemple, pas le rôle prépondérant joué par le Conseil constitutionnel en janvier 1992 lorsqu’il avait fallu "légaliser" le départ de Chadli Bendjedid et l’arrêt du processus électoral. Bouteflika, chez qui la loyauté est le premier critère à prendre en compte, aura, là, verrouillé tout à la veille d’échéances cruciales. Boualem Bessayeh, qui était déjà son directeur de cabinet du temps où il était ministre des Affaires étrangères, est l’un des rares hauts responsables à avoir la confiance et l’accès au locataire du palais d’El Mouradia. Tout comme le président du Sénat, Abdelkader Bensalah. Soit deux hommes du premier cercle en termes de proximité mis là où il faut. En cas d’événements majeurs, tout passe et même rien ne se fait sans ces deux institutions- clés. Si l’on y ajoute le ministère de la Défense, détenu par Bouteflika en personne et qu’il gère par une délégation bicéphale, pour s’assurer le privilège de l’arbitrage permanent, on peut dire que le puzzle est vraiment complété : ni coup de force à redouter, ni putsch "à la Bourguiba", à savoir la proclamation officielle de l’incapacité de poursuivre la fonction de chef d’Etat pour cause de maladie, par exemple.
Kamel A./Yacine K.
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"Patience et longueur de temps font plus que force ni que rage" La Fontaine. M. Bouteflika n'est pas éternel, il partira bien un jour proche et le peuple algérien saura tirer la leçon de la gouvernance de 1999 a 2012.
Et pourtant à chaque investiture, il jure la main droite sur le Coran qu'il respectera la Constitution et d'un autre côté il donne des gages aux islamistes et veut construire la plus grande mosqué d'Afrique, il y a donc incohérence et parjure émanant du premier magistrat du pays ; l'Histoire jugera.