Les lois suffisent-elles pour éradiquer la corruption et asseoir la démocratie en Algérie ?
Le terrorisme bureaucratique et corruption sont les deux obstacles majeurs à l'instauration de l’Etat de droit, estime Abderrahmane Mebtoul. Extraits de l’entretien donné au quotidien économique français Les Echos.
L’Algérie est gangrénée par la corruption qui se socialise, dévalorisant le couple intelligence/travail sur lequel doit reposer tout développement fiable et donc d’asseoir un Etat de droit. Il ne s’agit pas de créer des commissions sans lendemain puisque l’Algérie avait déjà un observatoire de lutte contre la corruption sous la présidence de Liamine Zeroual qui n’a jamais fonctionné. Là se pose la question suivante : quel est le rôle de la Cour des comptes institution dépendant de la Présidence de la République qui ne fonctionne plus depuis des années, de l’Inspection Générale des finances, fait paradoxal, elle dépend d’un ministre pouvant être juge et partie. Aussi, s’agit-il de s’attaquer à l’essence de ce mal qui ronge le corps social qui est la bureaucratie paralysante qui produit la sphère informelle en extension exponnentielle, contrôlant en 2010 plus de 13 milliards de dollars de la masse monétaire en circulation.
La bureaucratie envahit tout le corps social. C’est que la lutte contre la mauvaise gestion et cette corruption qui se généralise avec cette dépense publique faramineuse (480 milliards de dollars entre 2004/2013, plus de 180 milliards de dollars de réserves de change fin 2011 suscitant des convoitises tant internes qu’externes) implique avant tout une moralisation de la pratique de gestion des structures de l’Etat. La prise de conscience des inégalités sociales explique que tous les segments de la société algérienne veulent immédiatement leur part de rente, et cela entraîne une complicité entre le sommet affaibli par les scandales financiers à répétions (corruption) et la base (versement de salaires sans contreparties productives qui constitue également de la corruption) ce qui ne peut que conduire au suicide collectif du pays à terme. Cela pose toute la problématique de la refonte de l’Etat algérien du fait que le blocage est d’ordre systémique.
Hormis les entreprises publiques, qui ont nécessité plus de 50 milliards de dollars entre 1971/2011 sans résultats probants, la manière dont sont gérés les services collectifs et l’administration alors que l’on s’appesantit souvent sur la gestion uniquement des entreprises publiques ayant à leur disposition une fraction importante du budget de l’Etat, la gestion de ces segments contredit les règles élémentaires de ce que les économistes font rentrer dans le cadre de l'économie publique. Le bureau comme l’a montré le grand sociologue Max Weber est nécessaire dans toute économie mais il doit être au service de la société. Il est nécessaire au fonctionnement de toute économie mais non fonctionner comme en Algérie comme pouvoir bureaucratique en vase clos. Les mesures biaisées du pouvoir montrent clairement que certains segments des pouvoirs publics (central et local), du fait de l’ancienneté de la culture bureaucratique et administrative, n’ont pas une appréhension claire de ce que devrait être l’Algérie de demain face aux bouleversements mondiaux, se réfugiant dans une autosatisfaction grâce à la rente des hydrocarbures par des dépenses monétaires sans se soucier des impacts. Ces dépenses nécessiteraient pourtant un bilan serein jamais réalisé à ce jour.
Combien dépense la présidence ?
Le rapport de la Banque mondiale concernant justement le programme de la dépense publique algérienne note par des exemples concrets concernant les infrastructures la mauvaise performance des dépenses d’investissement en Algérie étroitement liée aux carences en matière de gestion des dépenses publiques. S’est-on interrogé une seule fois par des calculs précis sur le prix de revient des services de la présidence de la république ? du Premier ministre ? Des différents ministères et des wilayas et APC, de nos ambassades (que font nos ambassades pour favoriser la mise en œuvre d’affaires profitables aux pays ?). Que dire du coût faramineux des différents séminaires et réceptions et commissions par rapport aux services rendus à la population algérienne ? Ces dépenses constituent un transfert de valeur que paye la population qui est en droit, en démocratie, de demander l’opportunité et la qualité du service rendu, mais que voile le transfert de rente en Algérie. Pourtant, on garde sous silence toutes ces dépenses. Or ces segments sont importants en tant qu'éléments devant favoriser la création de surplus. Aussi, il est impérieux pour les responsables de ces activités d’améliorer leurs choix et donc leur gestion.
Un autre exemple souvent mal analysé, concerne les transferts sociaux représentant plus de 10% du produit intérieur brut (PIB) souvent mal gérés et mal ciblés. En effet, il convient de se poser la question de l’efficacité des transferts sociaux qui ont atteint 463 milliards de dinars en 2005, plus de 586 en 2006, 677 milliards en 2007 et plus de 1000 milliards de dinars pour les lois de finances 2010/2011 qui ne s’adressent pas toujours aux segments économiques porteurs et aux plus démunis. Et ce, comme l’atteste le rapport du PNUD pour 2011 où l’Algérie vient d’être rétrogradée à propos de l’indice du développement humain beaucoup plus fiable que le PNB par tête d’habitant.
On ne cerne pas clairement les liens entre les perspectives futures de l’économie algérienne et les mécanismes de redistribution devant assurer la cohésion sociale, ce qui donne l’impression d‘une redistribution passive de la rente des hydrocarbures sans vision stratégique. Là encore, le gouvernement navigue à vue. Dans ce cadre, le système algérien tant salarial que celui de la protection sociale est diffus ; et la situation actuelle, plus personne ne sait qui paye et qui reçoit. On ignore le circuit des redistributions entre classes d'âge, entre générations et les redistributions entre niveaux de revenus ou de patrimoine. Or, le principe tant de l’efficacité économique et donc motiver au travail, que de justice sociale (les économistes parleront d’équité) pour éviter le divorce Etat/citoyens exige que l’on résolve correctement ces problèmes fondamentaux ce qui devra reposer sur des mécanismes transparents tenant compte des importants bouleversements mondiaux qui s’annoncent entre 2015/2020.
En résumé, la gestion des services collectifs et de l’administration, la lutte contre la mauvaise gestion et la corruption renvoient à la question de l’Etat de droit, la bonne gouvernance et à la démocratie en tenant compte de notre anthropologie culturelle. Cela est sous-tendu par la nécessaire rationalisation de l’Etat dans ses choix en tant qu’identité de la représentation collective. Cela n’est pas une question de lois vision bureaucratique et d’une culture dépassée, puisque l’expérience en Algérie montre clairement que les pratiques sociales contredisent quotidiennement le juridisme.
Docteur Abderrahmane Mebtoul, professeur d’Université et expert International
Commentaires (3) | Réagir ?
Je m'étonne de la naïveté de la question;pour parler de loi faudrait qu'il y ait une vraie justice indépendante et même un vrai Etat ce n'est pas du tout le cas en Algérie qui ne le sait pas. Un seul mot à dire concernant cette situation: Ne pouvons fortifier la justice on a justifier la force. Blaise Pascal
Peut-on faire confiance au régime illégitime algérien, qui se dope à la corruption et à la pénurie des produits de première nécessité ?
Réponse : non, jamais.