Roman algérien : retour à l’autobiographie ou panne de l'imaginaire ?
Il est remarquable de constater que les tout récents romans d’écrivains algériens, "Rue Darwin" de Boualem Sansal, "Tu ne mourras plus demain" d'Anouar Benmalek et "La désirante" de Malika Mokeddem versent dans le style autobiographique, même si ce qualificatif d’autobiographique ou autofictionnel n’est pas assumé par les auteurs cités.
Pourquoi ce retour à un genre qui a eu ses lettres de noblesse chez les fondateurs de la littérature maghrébine moderne comme Mouloud Feraoun, Mouloud Mammeri, Assia Djebbar et pourrait-on ajouter Kateb Yacine ?
En règle générale, ce genre s’exprime dans les premiers romans d’écrivains comme Le fils du pauvre, La colline oubliée qui signent un acte de naissance personnelle à la littérature romanesque par le désir de se faire connaître, de s’identifier et de s’intégrer dans le cours de l’Histoire. Ils sont également le plus souvent produits par des écrivains jeunes et cela peut paraître paradoxal quant au genre autobiographique qui demande une expérience du passé, sous-entend qu’il faut atteindre un "certain âge" ; ce qui mènerait à cette confusion entre l’autobiographie et l’écriture contraignante des Mémoires. Or, les tout récents romans cités succèdent à une œuvre composée de romans qualifiés par leurs auteurs et la critique de "politiques" ou "corrosifs et pamphlétaires" dans lesquels le lecteur chercherait à la loupe des traces autobiographiques qu’il n’en trouvera pas le moindre indice, si ce n’est dans l’oeuvre de Rachid Boudjedra qui exploite singulièrement une "écriture de la greffe" et Malika Mokeddem qui accole d’une manière artificielle des éléments autobiographiques à des récits de l’actualité politique algérienne.
Pour l’écrivain Anouar Benmalek qui passe du roman polémiste et pamphlétaire à un récit intimiste dans lequel l’univers maternel passe de l’évocation à l’invocation, ce phénomène est dû au fait que "les écrivains ont pris de l’âge" et surtout en raison d’une désillusion politique "On s’est rendu qu’on a beau dire des choses, dénoncer le système politique, que cela ne change rien, que rien ne bouge. Il faut alors revenir à l’essentiel"
Mais comment s’énonce ce genre autobiographique chez Anouar Benmalek et Malika Mokeddem ? Dans La désirante de Malika Mokeddem se croisent une écriture intimiste et un récit policier. Il porte un titre qui privilégie l’identité littéraire de l’auteur qui s’affermit depuis N’zid, Mes hommes, Je dois tout à ton oubli, récits dans lesquels les réminiscences autobiographiques sont fondues dans l’expression "scandée" d’un désir d’amour, de paix, de liberté, de la liberté du corps qui revendique sa part de plaisir charnel, sensuel, culturel, artistique, gastronomique et littéraire. La vie, la vraie. Ce plaisir littéraire, Malika Mokdem le construit dans l’accomplissement du couple moderne, sans enfants, qui se cherche, perpétuellement, dans des zones insoupçonnées des sens, dans la peur des lieux communs, poussé, inexorablement, à des voyages extatiques, symboliques ou réels, entre mer et désert, toujours des étendues sans frontières dont est pétri le corps de Shemsa et le corps esthétique du roman.
Lire cette analyse de Rachid Mokhtari intégralement dans : http://www.freealgerie.com/debat-du-jour/204-litterature-algerienne-retour-a-lautobiographie-ou-panne-de-limaginaire.html
Commentaires (1) | Réagir ?
Panne de l'imaginaire dites vous? Ne faites pas de ce retour à l'autobiographie chez certains écrivains une généralité; lisez la dernière oeuvre de Nabile Farès "Il était une fois l'Algérie, conte roman fantastique" et vous verrez la puissance de l'imaginaire chez cet auteur brillant. L'essentiel n'est pas dans la forme mais dans la qualité du récit qui nous est donné à lire; ce livre de Nabile Farès est une catharsis, une vraie thérapie par le mot pour dire tous les maux qui meurtrissent encore et toujours l'Algérie.