Hamid Kechad
Notre confrère s'est éteint jeudi à la suite d'un accident cardio-vasculaire. Son ami Mohamed Bouhamidi lui rend l'hommage.
Il n’a rien voulu faire comme les autres sauf pour le petit couffin qu’il portait comme on souligne un clin d’œil à l’adresse de son seul vrai maître, Hadj M’hamed El- Anka ou de cet autre emblème d’Alger : Momo Brahimi, vies sur les marges, vies dans les marges même dans ce parti-pris de l’élégance qui allait chercher loin les souliers, les pantalons, les chemises ou les blousons qui dissonaient dans tous les milieux et qui, pourtant, signaient, immédiatement la révolte par le goût, un goût très sûr. La révolte, il aurait voulu la porter par les moyens et par toutes les voies.
De ces voies, il a préféré celle de la musique. Le chaâbi, d’abord, le chaâbi ensuite et par le chaâbi quand il se portait au désert, se rendait dans les souks, se fondait dans les cercles musicaux les plus fermés, recueillait la parole d’une maîtresse targuie du chant ancestral, interrogeait sur les mots et sur les notes de Ah Ellil ou revenait sur le texte et la fraîcheur d’un rappeur. Le chaâbi peut ouvrir toutes ces portes de la curiosité, de l’intérêt, du savoir car il a fini par devenir savant dans cette histoire de musique avec pratiquement dans son agenda tous les noms, tous les téléphones des artistes célèbres et des artistes les plus cachés dans des sortes de cercles confrériques n’ouvrant leurs portes et leurs cœurs qu’aux initiés qui ont approché le sens profond de l’art, en tout cas de leur art. Il a aimé et cherché à faire aimer ces musiques populaires dans tous les genres et de toutes les régions du pays, remontant des parentés oubliées, des héritages pas très clairs, des influences insoupçonnables. C’est par cela qu’il connaissait tant la musique de notre pays et le chaâbi en particulier dans la plus totale des ruptures avec la tradition de l’anecdote où s’est noyé le discours sur la musique et ses maîtres, perdant toute idée du sens de ce qui se créait, de ce qui se jouait ou chantait. Hamid avait cette soif du sens, cette soif de démêler les rapports cachés de l’art avec la société. Comme tout le monde, Hamid s’est retrouvé au cœur de l’indicible que nous avons vécu. Làbas, à Haouch El Grau, avec les patriotes et au milieu des douleurs il a posé son enregistreur, donné la parole aux hommes qui ont porté les armes, et nous ont relevé la tête, aux femmes qui ont survécu dans la deuxième mort d’un mutisme dont il les a arrachées avec l’aide des autres camarades, regardé les enfants qui dessinaient une orange perdue au milieu des armes et son Agra lui battait le flanc dans ses courses nocturnes avec les patriotes. Les patriotes…
M. B.
PAR MOHAMED BOUHAMIDI
[email protected]
Commentaires (8) | Réagir ?
merci
Just beautiful thank you