L’islamisme en fanfare au Maghreb
Doit-on s’étonner que des islamistes soient arrivés majoritaires en Egypte, en Tunisie et au Maroc ? Assurément non si l’on connaît les pratiques des régimes de ces pays.
Les islamistes ont crû et prospéré sur un terrain social et politique cultivé et entretenu par les pouvoirs en place depuis un demi-siècle. L’islamisme a gagné parce que les régimes autoritaires de Moubarak, Ben Ali, Hassan II hier et Mohammed VI, son héritier aujourd’hui, ont combattu par tous les moyens les porteurs de projets démocratiques. Avec la formidable ouverture politique qui s’est dessinée cette année, la rive sud de la Méditerranée ne pouvait produire, pour le moment, autre chose que ces mouvements politico-religieux qui se repaissent de l'islam pour mieux tromper leur peuple.
Les salafistes, les Frères musulmans, le PJD, Ennahda sont l’expression de l’échec des pouvoirs post-indépendance dans ces pays. Mais c’est aussi le résultat d’une énorme frustration des électeurs révoltés, blasés, fatigués du népotisme et de la corruption endémique qui, donc, ont choisi de s’en remettre à ces porteurs de l’islam politique.
Tous les régimes d'Afrique du Nord ont instrumentalisé à outrance l’islam, l’ont utilisé comme outil de pouvoir. L’école, les institutions, les télévisions, l’espace public, tout était dédié à la culture d’un certain islam radical, Rétrograde. Le tout sous l'influence et le lobbying religieux de l'Arabie saoudite. L’objectif de ces potentats : jouer sur le sentiment religieux des populations pour demeurer au pouvoir. Donc ces mouvements islamistes sont aujourd’hui majoritaires dans les parlements marocain, tunisien et égyptien non pas pour leur programme économique (si tant est ils ont en un), mais parce qu’ils ont déplacé l’espoir sur le terrain religieux, surfant sur la construction prochaine d’une société idéale de justice sociale. Les populations de ces pays attendent beaucoup de leurs "élus", mais elles risquent d'être rapidement déçues.
Et l’Algérie ?
Ironie du sort. Aujourd’hui on parle de laboratoire de l’islamisme au Maroc, comme Hassan II évoquait en 1989 le "laboratoire algérien" avec l’émergence à l’époque du FIS notamment. L’Algérie n’échappe pas à ce triste tableau. Si le FIS avait réussi à tromper les Algériens qui lui ont donné leur voix c’est parce que les régimes de Boumediene et Chadli ont instrumentalisé depuis les années 1970 les islamistes algériens contre les berbéristes et les communistes.
Aujourd’hui encore, l’Algérie est revenue à la case de départ. On instaure l’appel à la prière à la télévision, on ferme à tour de bras les bars, on maintient un enseignement des plus rétrogrades à l’école. En clair, tous les ingrédients pour favoriser les islamistes sont réunis par le régime lui-même et ses relais.
Mais il y a une vérité : le président Bouteflika est le premier défenseur des islamistes. A son arrivée au pouvoir en 1999, Bouteflika a débuté son règne en soufflant le chaud et le froid, donnant du "Monsieur Hattab" à un terroriste notoire par ci, promettant les foudres de son "seif al hadjadj" aux terroristes qui refuseraient de remettre les armes, par là, pour finir dans un ultime exercice de séduction par appliquer introniser Abdelaziz Belkhadem, un islamiste conservateur, à la tête du gouvernement.
Gouverner dit-on c’est prévoir. Le président, lui, a tout prévu. Le calendrier est clair. Dans ses petits papiers, il y a la carte de son frère Saïd qui attend son heure. Ensuite organiser les mouvements islamistes pour porter celui-ci au pouvoir. Assurément, Abdelaziz Belkhadem et Ahmed Ouyahia ne rechigneront pas à tenir la chandelle. Pourvu qu’on leur laisse une once de pouvoir. Ils s’accommoderont de petits arrangements politiciens, comme ils l’ont fait jusqu’à aujourd’hui. Le reste, tout le reste, l’Algérie, son avenir, les réformes, importent que s’ils se maintiennent au pouvoir.
Une dernière chose
Claude Guéant a profité lors de sa visite éclair en Algérie pour lancer à la presse des messages subliminaux sur les "réformes" lancées par Bouteflika. Il a fallu à Guéant seulement quelques heures avec Ould Kablia et Ouyahia pour comprendre la portée des réformes et les louer dans la presse. Mais en contrepartie de quoi Claude Guéant assure-t-il ainsi le service après-vente de ces réformes ?
Seul problème, c’est qu’il est le seul, avec bien entendu les notables du pouvoir, à décelé "le supplément" de démocratie en Algérie. Par ailleurs, personne ne s’attend à ce qu’il porte un regard critique sur la situation en Algérie. La France avec tout ce qu’elle compte comme président, ministres et diplomates s’est toujours accommodé des régimes en place. Hier, elle avait soutenu et accueilli Ben Ali, Kadhafi et Moubarak sans aucun état d’âme, aujourd’hui, elle salue la victoire des islamistes sans rougir.
Sofiane Ayache
Commentaires (1) | Réagir ?
J'ajoute qu'en Algérie c'est devenu une arme entre les mains de la mafia au pouvoir, pseudo civils ou cru militaires soient-ils.
Hier on les utilisait (ces terroristes) pour damer le pion à tout ce qui est berbère (sachant que ces mouvements regorgent de Berbères, mais ce n'est pas parce que Ouyahia est premier ministre que la Kabylie est épanouie, au contraire elle se détruite, ce qui ne semble pas être le cas de certaines régions où l'on brandit grand et haut la photo de Boutef sur les murs des immeubles)
Aujourd'hui ces Barbares (vrais et faux terroristes) sont une carte, un joker entre les mains du régime, il nous menace de libérer 7000 tangos si on réclamait la démocratie, ils ont de la marge sur nous, ils anticipent la précipitation de l'Algérie dans les abysses.
Actuellement en Algérie, avec une opposition molle ou +/- corrompue (ce texte est éloquent quand à la situation en Algérie) , je crois que la moindre brèche de démocratie fera un bon cadeau aux islamistes qui attendent tel un chien, enragé qui à soif, son seul objectif est de broyer de la démocratie.
La situation sociale est certes explosive mais aussi en dégradation continue depuis la venue de Belkhadem, qui a donné le timbre de la république islamique à l'Algérie.
Le problème est que ça suit par ailleurs en Egypte je dirais que c'est presque normal, au Maroc +/- mais en Tunisie c'est surprenant. quand à la Libye je crains le pire sans le souhaiter.
Et la solution ou les solutions, ça devient énigmatique comme s'il fallait nécessairement passer par là, et le plus grave c'est la confiscation du choix populaire, on NE voudrait PAS revivre en Algérie des années 90. C'est une autre preuve qu'on régressé aujourd'hui dans tous les domaines, car si l'armée avait rendu le pouvoir en 93 comme cela était prévu ce ne serait peut être pas passé comme ça quel gachi et en plus il faut recommencer.