France (procès Carlos) : les retranscriptions des espions de l'Est
Après avoir évoqué les communistes vénézuéliens, les combattants palestiniens, les révolutionnaires allemands, la cour d'assises spéciale de Paris se frotte depuis mardi aux ex-espions des pays de l'Est dont les rapports constituent la pierre angulaire du procès de Carlos.
Le travail des ex-espions de l'Est va rester au cœur des débats jusqu'à la fin des procès, le 16 décembre. Plusieurs d'entre eux sont convoqués comme témoins et dès aujourd'hui mercredi, l'ancien juge Jean-Louis Bruguière viendra défendre à la barre ce volet de son instruction.
Au début des années 1980, Ilich Ramirez Sanchez pilote tranquillement ses activités "révolutionnaires" depuis la Hongrie, l'Allemagne de l'Est et la Roumanie où il a installé ses quartiers. Mais la bienveillance des régimes communistes envers ces camarades "anti-impérialistes" se double d'une étroite surveillance de tous leurs faits et gestes. Après l'effondrement du bloc communiste, la police française, qui traque Carlos, se tourne vers les nouvelles autorités de ces pays pour consulter leurs archives.
Le résultat dépasse ses espérances
Compte-rendus de filatures, procès-verbaux d'écoutes téléphoniques, écrits et notes personnelles des membres du groupe de Carlos saisis lors de fouilles : toutes les années passées par l'organisation derrière le Rideau de fer y sont scrupuleusement décrites.
Le commissaire Eric Bellemin-Comte, qui a passé de nombreux mois à éplucher ces pièces, a présenté à la cour celles qui "étayent le soupçon" à l'encontre de Carlos et ses acolytes. Comme une note du lieutenant de Carlos, Johannes Weinrich, qui écrit que leur organisation est entrée dans une "logique d'action" pour obtenir la libération de deux de leurs acolytes arrêtés en France et mentionne plusieurs attentats.
Ces documents sont arrivés à point nommé pour donner un second souffle à l'enquête française qui piétinait. Plusieurs instructions visant la responsabilité de Carlos dans des attentats commis en France en 1982 et 1983 avaient été clôturées, faute de preuves.
En 1994, elles ont été rouvertes sur la base des "éléments nouveaux" retrouvés dans les archives de l'Est, aboutissant au renvoi de Carlos devant la cour d'assises spéciale pour quatre attentats qui ont fait en France 11 morts et 150 blessés. C'est dire l'importance que revêtent dans le procès de Carlos les rapports des services secrets communistes.
"Bidonnage"
La défense bataille donc depuis le début des débats pour faire valoir la nullité de ces pièces, "ces photocopies de photocopies" qualifiées de "bidonnage". "J'ai la conviction que ce ne sont pas des faux. Pour moi, ça ne fait pas l'ombre d'un doute", a répliqué M. Guérin, directeur central adjoint du Renseignement intérieur venu présenter à la barre les investigations de ses services après la chute des régimes de l'Est.
A ses yeux, tout atteste de leur véracité : "Dans les retranscriptions d'écoutes, il y a les blancs, les passages inaudibles, le langage codé" typique de ces situations. "Je sais qu'on a évoqué la thèse d'une fabrication a posteriori des rapports (...) mais c'est une plaisanterie et ça relève d'une méconnaissance de la façon dont travaillaient ces services", ajoute-t-il.
Quel intérêt auraient-ils eu à "exercer une telle manipulation" ? s'interroge-t-il. Peut-être celui de préparer le terrain à un futur procès de Carlos, suggère le président Olivier Leurent.
"Je ne vois pas l'intérêt que ces pays auraient eu à faire un procès, forcément public, révélant qu'ils avaient accueilli pendant des années une organisation accusée d'attentats mortels", observe Michel Guérin.
C'est pourtant l'hypothèse qu'a envisagée la justice allemande en 2004 lorsqu'elle a jugé que les rapports communistes n'avaient "pas de valeur probante suffisante". Elle a du coup acquitté l'Allemand Johannes Weinrich de trois des quatre attentats pour lesquels Ramirez Sanchez est jugé à Paris.
AFP
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