La Tunisie va extrader l'ancien Premier ministre libyen

Al-Baghdadi Al-Mahmoudi, ancien premier ministre libyen
Al-Baghdadi Al-Mahmoudi, ancien premier ministre libyen

La justice tunisienne s'est prononcée mardi pour l'extradition de l'ancien Premier ministre libyen Al-Baghdadi Al-Mahmoudi vers la Libye.

Al Baghdadi sera sans doute le premier de la galaxie Kadhafi à affronter la nouvelle justice libyenne. La chambre d'accusation de la Cour d'appel de Tunis "a accepté la demande d'extradition" émise par Tripoli de l'ancien dirigeant libyen, âgé de 70 ans, a déclaré le greffier à l'issue de l'audience qui a duré plusieurs heures et s'est déroulée à huis-clos. "Il n'y a aucun recours possible puisqu'il s'agit d'une décision finale", a déclaré à l'AFP l'un des avocats de l'ancien dirigeant libyen, Me Mabrouk Kourchid.

Le jugement de la Cour d'appel doit être avalisé par le président de la République par intérim, Foued Mebazaa, avant de devenir exécutoire. Me Kourchid a lancé "un appel aux ONG pour qu'elles interviennent auprès de M. Mebazaa "afin d'empêcher la signature du décret" d'extradition. Mais, on ignore quand le document sera effectivement signé.

Amnesty International avait estimé vendredi que si M. Al-Mahmoudi "rentrait en Libye, il pourrait être exposé à de réels risques, de graves violations des droits de l'Homme, notamment la torture (...), une exécution extra-judiciaire et un procès injuste".

La défense a par ailleurs fait part de son intention "de porter plainte contre le président Mebazaa en cas d'extradition" vers la Libye de M. Al-Mahmoudi, pour "violation des résolutions de l'ONU et des textes juridiques au niveau national et international", a affirmé un autre avocat, Me Béchir Essid. Al-Mahmoudi est "un réfugié et un homme politique et la loi tunisienne interdit, dans ce cas, l'extradition", a-t-il insisté.

La défense de l'ancien premier ministre de Mouammar Kadhafi joue sur le fait que la Tunisie est en transition pour gagner du temps. Me Essid a ainsi dénié à l'actuel chef de l'Etat le droit de remettre l'ancien dirigeant à Tripoli, estimant que "l'élection du 23 octobre de l'assemblée constituante avait mis un terme à ses fonctions", ainsi qu'à celle du Premier ministre. Pour lui, l'application de la mesure d'extradition devient "illégitime".

Me Kourchid a dénoncé l'attitude du pouvoir actuel à Tunis, qui "voulait en finir au plus vite avec cette affaire résolument politique". Il fallait une décision, a-t-il poursuivi, "avant la formation du prochain gouvernement" que doit en principe diriger l'islamiste Hamadi Jebali et qui sera mis en place après la convocation de la Constituante. Par ailleurs, l'avocat a appelé les nouveaux membres de l'assemblée (dominée par les islamistes d'Ennahda) à "intervenir de leur côté pour empêcher l'extradition".

La défense avait dès le début de l'audience essuyé un refus à une demande de report des débats, plusieurs documents envoyés par Tripoli ayant été ajoutés lors des derniers jours au dossier. Les avocats n'avaient pu en prendre connaissance en raison des fêtes musulmanes de l'Aïd. Le refus du juge "a privé M. Al-Mahmoudi de sa défense", a fustigé Me Kourchid avant de souligner que cette décision avait incité les avocats de l'ex-Premier ministre libyen à quitter la salle du tribunal et à ne pas plaider.

Selon Me Kourchid, l'ancien dirigeant libyen "n'est pas contre un jugement équitable pour toute la période au cours de laquelle il a été Premier ministre". "Mais, poursuit l'avocat, il considère que ce n'est pas le moment car la période de chaos actuelle qui prévaut en Libye est dominée par la vengeance".

Des dizaines de manifestants libyens se sont rassemblés dans la matinée devant le tribunal en réclamant l'extradition de celui qu'ils nomment "le troisième tyran de la Libye" (après Kadhafi et son fils Seïif Al-Islam). "Le peuple libyen a le droit d'appliquer la loi à ceux qui ont volé le peuple", pouvait-on lire sur une des banderoles. Premier ministre jusqu'aux derniers jours du régime du colonel Kadhafi, M. Al-Mahmoudi avait été arrêté en Tunisie le 21 septembre près de la frontière algérienne. Il est, depuis, maintenu à la prison de la Mornaguia, près de Tunis

Les proches de Kadhafi

Que sont-ils devenus depuis la fin de la révolution populaire libyenne ? Voici un point sur la situation des autres proches de Mouammar Kadhafi.

Abdellah Senoussi, ex-chef des services secrets : Recherché par la Cour pénale internationale (CPI) pour crimes contre l'humanité, Al-Senoussi, 62 ans, beau-frère de Mouammar Kadhafi, serait passé du Niger au Mali avec quelques hommes. En mars 1999, la Cour d'assises de Paris l'avait condamné à perpétuité pour son implication dans l'attentat contre un DC-10 d'UTA en 1989 (170 morts).

Moussa Koussa, ex-ministre des Affaires étrangères : L'ex-chef de la diplomatie libyenne a fait défection avant de se rendre à Londres le 30 mars 2011. Le 11 mai, la Suisse a annoncé la levée des sanctions dont il faisait l'objet, comme de nombreux proches de Mouammar Kadhafi, pour "éviter tout risque de détournement de biens libyens qui seraient encore en Suisse".

Mustafa Zarti, l’homme d’affaires : En juin dernier, l'Union européenne a levé le gel des avoirs de Mustafa Zarti, 41 ans, détenteur d'un passeport autrichien depuis 2006. Ami de Seif al-Islam, il a présidé le Fonds souverain d'Etat libyen. L'Autriche avait gelé ses avoirs, en mars 2011, pour éviter qu'il les mette "à disposition d'autres représentants du régime libyen".

Point sur la famille Kadhafi

Seïf Al-Islam, l’ancien dauphin du colonel Kadhafi : La Cour pénale internationale (CPI) négocie une reddition de l'ex-successeur présumé de Kadhafi, Seif Al-Islam, 39 ans, fils aîné de la seconde épouse de son père, Safiya Farkash. En fuite, il est accusé de crimes contre l'humanité commis lors de la répression des manifestations.

Fin octobre, il se trouvait près de la frontière nigérienne, aux confins de la Libye et de l'Algérie, selon un élu touareg du nord du Niger. Le procureur de la CPI avait indiqué ensuite être en discussion avec des proches de Seïf Al Islam pour obtenir une reddition, mais dès le 2 novembre il avait souligné que ces contacts étaient rompus. Pas de nouvelles de l'ex-dauphin depuis lors.

Mohamed Kadhafi, l’aîné influent et discret : Mohamed Kadhafi, 41 ans, fils unique du premier mariage de Mouammar Kadhafi avec Fatiha Al-Nouri, s'est réfugié en Algérie le 29 août avec une partie de la famille. Il présidait l'organisme des Télécommunications et le Comité national olympique.

Saadi Kadhafi, le footballeur flambeur : Médiocre joueur de foot et capitaine de l'équipe nationale, 38 ans, cet autre fils s'est réfugié au Niger le 11 septembre. Il avait été engagé en 2003 par Pérouse (Italie) mais avait renoncé au football pour diriger une unité militaire d'élite.

Hannibal Kadhafi, le voyou de la famille : Militaire de formation, 33 ans, s'est réfugié en Algérie. Hannibal est un habitué des commissariats de police en Europe. Flambeur, provocateur et grosse gueule, il a souvent été à la lisière d’incident diplomatique entre la Libye et plein de pays. Il avait été arrêté à Genève avec son épouse Aline, en 2008, pour violences sur des domestiques puis libérés sous caution. L'affaire a été classée. En 2005, la justice française l'a condamné à quatre mois de prison avec sursis pour des violences sur sa compagne enceinte.

Aïcha Kadhafi, l’avocate zélée : Née en 1977, elle s'est réfugiée le 29 août en Algérie où elle a accouché d'une petite fille. Avocate, elle a défendu l'ex-président irakien Saddam Hussein. Elle avait appelé les Libyens aussi à partir d’Algérie à se révolter contre le CNT.

Mouatassem Kadhafi, le militaire : Tué le 20 octobre à Syrte à l'âge de 26 ans, Moutassim, médecin et militaire de carrière, avait dirigé le Conseil de sécurité nationale.

Khamis Kadhafi, bras armé de l’ancien régime : Simple officier formé en Allemagne, il a été tué à 31 ans, le 30 avril 2011 dans un raid de l'Otan, selon plusieurs sources. Khamis était le benjamin des fils Kadhafi. Formé en Russie, il commandait l'unité d'élite des Forces spéciales et a joué un rôle important dans la répression de la révolte à Benghazi. Les nouvelles autorités ont annoncé sa mort le 28 août, à 28 ans. Une chaîne de télévision pro-Kadhafi l'a confirmée le 17 octobre.

Y.K./ AFP

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