Quand pouvoir et majorité présidentielle jouent à la "guéguerre"
La veille de l'Aïd El-Adha, l'Assemblée populaire nationale a voté trois des projets de lois que le gouvernement lui a soumis dans le cadre de la réforme politique initiée par le Président de la République.
Des projets de lois concernant la réforme du régime électoral, le statut des partis politiques et la place de la femme dans les instances élues.
L'adoption n'est intervenue qu'après que la majorité parlementaire constituée par les élus de l'Alliance présidentielle eut édulcoré le contenu des projets de lois dans un sens favorable à leurs intérêts partisans, et cela malgré la consigne gouvernementale leur ayant enjoint de les voter dans leurs contenus initiaux. Ce «passer outre» à la demande de l'exécutif par les députés de la majorité présidentielle a, un peu trop vite à notre sens, fait assimiler son comportement à une fronde et à une manifestation d'indépendance de cette majorité à l'endroit de l'exécutif, donc du chef de l'Etat.
Ce qui s'est passé dans l'hémicycle de la chambre basse du Parlement nous est apparu quant à nous comme l'aboutissement d'un scénario dont la finalité est que les réformes politiques auxquelles le pouvoir a été contraint de se résoudre n'apportent pas de changements radicaux dans le système politique en vigueur et dans les mœurs des appareils partisans dominants en son sein. Il nous semble avoir été les spectateurs d'une mise en scène dans laquelle pouvoir politique et majorité parlementaire ont joué à la confrontation pour donner l'illusion qu'il n'y aurait pas consensus et unanimité dans le sérail des dirigeants sur la nature des réformes politiques à entreprendre dans le pays. Il y a eu manifestement distribution des rôles entre le pouvoir politique et les partis qui en sont les relais. Le premier en concoctant des réformes qui, tout en se limitant à n'être qu'un "Smig" en matière d'ouverture démocratique, contenaient tout de même quelques dispositions destinées à entretenir l'illusion sur la sincérité de ses intentions réformatrices. Les seconds en utilisant la majorité parlementaire dont ils disposent pour édulcorer en toute légalité institutionnelle ces dispositions par trop «révolutionnaires» au goût du sérail dirigeant.
Le tour de «passe-passe» permet donc d'accréditer auprès des partenaires étrangers de l'Algérie qui ont fait pression sur Bouteflika et le pouvoir pour qu'ils engagent des réformes politiques, l'idée que ceux-ci respectent leurs promesses et engagements, mais qu'ils sont tenus à avancer «sans précipitation» sur la voie de la démocratisation du système pour ne pas brusquer les équilibres politiques dans le pays, avec le risque d'entraîner l'Algérie dans la spirale des confrontations politiques violentes. L'opération a tout lieu d'obtenir les satisfecit de ces partenaires étrangers, échaudés par les tournures que prend le «printemps arabe» notamment en Libye, en Tunisie et en Egypte.
L'Algérie aura au final des réformes politiques qui, sans être "liberticides" comme les dénoncent certains segments de l'opposition, seront sans conséquences question de changement du système.
A travers ses réformes, Bouteflika procède à un "relooking" de ce système en lui conservant, sous les apparences de l'ouverture démocratique, les conditions qui lui permettent de se pérenniser. Ce faisant, le Président a été guidé par la conviction que les Algériens se satisferont des réformes superficielles qui leur sont concédées et renonceront à la revendication du changement radical et total. Pari manifestement très hasardeux en ce contexte régional de remise en cause violente des systèmes en place.
Kharroubi Habib
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