Nos fêtes... misérables
Quelle est-elle donc cette espèce de malédiction permanente, supplémentaire, qui accompagne toujours nos fêtes sociales ?
Qu’est-ce qui fait qu’à chaque approche de ramadan – chez-nous ce n’est depuis très longtemps, depuis que le pétrole et le gaz sont devenus la constante nationale, un mois d’abstinence et de persévérance – de aïds, Mouloud, Moharam, Achoura, la nation tout entière, dans les villes et dans les campagnes, d’après les sms même à l’étranger, entre dans une espèce de schizophrénie volontaire accueillie à la reprise sans contrôle par les pouvoirs en place.
Je ne me rappelle pas en une trentaine d’années de saloperies de reportages je n’ai pas au moins deux ou trois fois par an abordé ce sujet.
Je me rappelle le dessin de mon ami Abdallah Daho où un bélier égorge un citoyen censuré par la rédaction d’Algérie Actualité la veille de l’aïd El-Kbir parce que les islamistes en Algérie avaient le droit de se prosterner partout dans la cité même contre les pare-chocs des véhicules de police. L’incendiaire de Charlie Hebdo il y a quelques jours serait un euphémisme devant ce qui pouvait se passer alors au siège de notre journal à Jacques Cartier, Didouche Mourad.
Sur sa mobylette Moh Moualek, vice-champion du monde de lutte, attendait la maquette pour se faufiler vers l’imprimerie d’El Moudjahid avec derrière la selle nouées huit baguettes de pain achetées aux aurores chez notre voisin boulanger devant qui se répandait encore un essaim impassible attendant l’ultime fournée, mais âmi Hocine avait bien averti "quatre baguettes chacun !"
C’était il y a un quart de siècle. Mon frère aîné touchait alors un bon salaire de 9000 dinars par mois comme cadre dans une entreprise ferroviaire et il avait dû piocher sur les deux tiers de ses économies en sus du mois pour satisfaire à son "incompressible" besoin ovidien. Avant-hier, il en acheté un à trente-cinq mille exactement le montant de sa retraite d’ancien directeur dans une entreprise publique. Autrement dit, le double du nouveau smig. Si on calcule l’augmentation de cette marge salariale sur l’année, on pourrait considérer cela comme un bonus de simple prime de mouton. Bref.
Depuis une semaine, le quartier paisible respire au rythme des bêlements et des causeries entre voisins sur le camion frigo du lait qui a déserté notre épicier depuis cinq jours. Pourquoi ?
Un jeune riverain me propose un élément de réponse. Il va prendre un café au lait au croquet dans un café à Air-de-France et il remarque que des clients viennent acheter par "paquet" de sachets de lait que le tenancier sort au su de tout le monde de son armoire frigo.
Je prends l’info au sérieux sur ce point de vue de la contrebande sur ce produit pendant la période cruciale des déplacements manutentionnaires classiques vers les villes de province mais ce qui s’accompagne d’outrageant à l’entendement c’est ce laisser-aller sur un produit alimentaire fondamental censé protégé les plus démunis dans le pays, c’est-à-dire, depuis l’avènement de Bouteflika, la majorité de la population.
Et cela dure régulièrement, parfois avec des tensions acerbes au point où des queues à proximités des "alimentations générales" se transforment en rixe entre clients au bord de la dépression. Au niveau des responsables auprès de l’Office du lait, les explications sont aussi évasives qu’imbéciles dont il est ridicule, ici, de faire le compte-rendu.
Il est bon de savoir que nous importons quatre-vingt-dix pour cent du lait que nous consommons dont le gros est subventionné au domestique à raison de soixante-dix pour cent de son coût réel sur le marché international. Cela veut dire quoi si on fait un rapprochement sur la crise perpétuelle quasiment voulue par les autorités ?
Déjà, au moins une vérité qui ne dit pas son nom : le citoyen peut s’estimer heureux – par exemple en France, le litre de lait "rendu" se vend à peu près en moyenne à un euro – qu’il ne paye pas sa pitance au prix de la valeur mondiale, autour de 120 dinars le sachet.
Et partant donc de cette réalité, la pagaille dans la distribution et dans la disponibilité régulière de l’aliment essentiel est ainsi sournoisement, voire cyniquement, signifiée. Pareil pour les batailles rangées pour le pain carton pâte, lui aussi largement subventionné. Les fêtes sont donc toujours là pour ramener le citoyen à sa condition animale, tributaire de criminels qui jouent avec les milliards de dollars de la rente pétrolière, incapables de dignité de la simple police de devoir envers le recours à l’aliment le plus anodin après l’eau.
Que pourrait dire au moins sur cette question Bouteflika demain avant d’aller dans son burnous de vénérable sage rejoindre les prieurs de l’Aïd où dans son "rang", sur les tapis de Tlemcen et d’Aflou de la mosquée, je jure par tous les dieux y compris par ceux de l’Olympe qu’il n’y aurait pas quelqu’un ayant pris son petit déjeuner dont le lait serait sorti d’un sachet. Sauf l’imam ou le muezzin peut-être.
Nadir Bacha
Commentaires (7) | Réagir ?
Essayons de faire les comptes : en une seule journée et si l'on considère qu'il y a environ 1, 5 milliard de musulmans de par le monde qui pratiquent le sacrifice et à raison d'environ d'une bête pour une famille moyenne de 5 personnes, il y a donc environ 300 millions de bêtes sacrifiées. Imaginons un instant que ce soit des humains : que dirions nous ? Bien sûr il y'en a qui diront que des millions de bêtes sont tuées partout dans le monde pour nourrir des humains, certes mais les humains ont-ils vraiment besoin d'autant de quantité de viande pour vivre (ce dont je doute) et surtout à quoi sert de tuer des bêtes alors que ce n'est même pas dans le but de manger à sa faim? Ne faudrait-il pas remplacer ces sacrifices par des actes plus symboliques ?
Voila un point de vue pertinent. Merci
On nous a toujours appris que le ridicule ne tuait pas mais on a omis de préciser que une overdose ça risquait de handicaper la nation de ce qui est le plus fondamental chez l'homme (son esprit) la la majeur partie de notre jeunesse se trouve atrophiée du cerveau.
-La préoccupation numéro 1: le score du match du Réal de Madrid ou du Barça
- 2: le résultat de l'équipe locale ou de l'EN.
3: la drague vulgaire et vulgarisee
Alors svp meissieur les intellos pensons plutot à mieux éduquer nos jeunes et laissons les problèmes du sacralisme loin des débats.