Secret bancaire : 850 milliards de dollars transférés par les Africains
Cette somme aurait pu servir à rembourser l’ensemble de la dette extérieure du continent estimée à 250 milliards de dollars.
Tax Justice Network est un réseau mondial pour la justice fiscale. Il a été crée en 2002 en réponse aux courants nocifs de la taxation mondialisée qui menaçait la capacité des Etats à imposer les riches, bénéficiaires de la mondialisation. Selon les experts volontaires de cette ONG, les leaders africains ont transféré prés de 850 milliards de dollars vers des banques du Nord. Cette somme aurait pu servir à rembourser l’ensemble de la dette extérieure du continent estimée à 250 milliards de dollars et le reste soit 600 milliards de dollars pour le développement des différents pays qui dépendent actuellement de l’aide occidentale.
Les Etats-Unis ont été classés au top des dix receveurs de ces fonds dont les dépositaires restent protégés au nom du secret bancaire. Pourtant, les Américains, lorsque leur économie a été menacée par la dernière crise d’endettement, n’ont pas hésité à demander aux banques suisses de lever ce secret pour 19 000 comptes de leurs compatriotes, dans le cadre de ce qu’ils appellent la lutte contre la fraude fiscale. Par contre, aucun effort n’est entrepris par les pays qui reçoivent ces fonds pour aider les pays africains à stopper cette hémorragie qui entrave leur développement et ronge leur économie. Ils ne ratent pas l’occasion pour dénoncer le climat des affaires, les opportunités d’investissement, la corruption et les difficultés fiscales dans les pays africains.
Cette offensive et tout le monde l’aura compris, c’est uniquement pour augmenter leur risque et les faire griller auprès des organismes assureurs comme la Coface. Résultat : ceci va les contraindre à faire beaucoup plus de concessions pour abaisser leurs taux fiscaux et faire bénéficier les compagnies occidentales de plus d’avantage sans compter bien entendu le taux élevé qu’on leur accorde pour les emprunts bancaires.
Aucun de ces pays du top des dix n’a accepté de lever le secret bancaire sur les comptes des dictateurs africains pour permettre à ces pays de savoir où se trouve l’argent de leurs contribuables. Même si les révolutions du printemps arabe les ont contraint de geler certains comptes de dictateurs, c’est souvent pour leur propre profit. Ces pays de paradis fiscaux donnent l’impression d’un mélange de l’hypocrisie politicienne et administrative à travers de fausses générosités pour se soucier du développement des pays du continent africain.
En effet, cette aide ne fait que s’accumuler sous forme d’endettement qui fait de ces pays la vache à lait de l’Occident. Historiquement, les leaders occidentaux n’ont pas du tout caché ces intentions. L’ancien président français, Valérie Giscard d’Estaing déclarait : "La France agit en Afrique pour son compte. L’Afrique, c’est un continent tout près. L’Afrique, c’est un continent d’où viennent un certain nombre de nos matières premières." (1) Les chiffres sont là pour confirmer les propos avancés par cet ancien président tout haut mais expriment clairement ce que pensent les autres tout bas.
En espace de 50 ans, les pays africains ont reçu une Aide publique au développement (APD) évaluées à 1400 milliards de dollars. Cette somme qui paraît, à priori pour certains, gigantesque ne représente en fait que la contrepartie de 15 mois de dépense militaire mondiale. En 2010, l’APD fournie les pays industrialisés au 122 pays du tiers-monde s’est élevée à 70 milliards de dollars. Durant la même année, ces derniers ont transférés aux banques du Nord la bagatelle de 501 milliards de dollars au titre du service de leurs dettes extérieurs. (2).
L’Unicef a fait un calcul simple relatif au système éducatif à titre de comparaison. C’est ainsi que donner l’accès à l’école à tous les enfants de six à quinze ans dans le monde coûterait à l’ensemble des Etats concernés environs 7 milliards de dollars pendant dix ans. Cette somme est inférieure à ce que dépensent annuellement les habitants des Etats-Unis pour leurs achats de produits cosmétiques. Ou encore, elle est moindre que les dépenses effectuées pour ceux des 15 pays membres de la Communauté européenne pour l’achat des crèmes glacées.
En Algérie par exemple, les investissements hors hydrocarbures des Américains n’ont pas franchi le seuil des 5 milliards de dollars ces dernières années en dépit des différentes missions effectuées par les entrepreneurs de ce pays en Algérie. Par contre, fortement impressionnés par l’expérience de Silicon valley qui a vu de nombreux jeunes Algériens réussir dans le domaine des nouvelles technologies notamment en informatique, ils viennent de proposer à l’Etat algérien,la création d’un fonds d’investissement d’aide aux start up que des jeunes Algériens à fort potentiel de créativité mettent en œuvre. Pourquoi ? Une fois couvées et débarrassées de leurs contraintes de démarrage, ces petites entreprises seront inondées par des actions américaines qui les annexent et transfèrent leur savoir aux multinationales. Ils profitent donc de la négligence et la complicité de responsables dans ce pays pour récolter ce qui est bon et laisser les déchets aux Algériens.
Il faut souligner, dans ce cadre, que le processus pour blanchir des capitaux sales a été mis en place dans les pays du Nord et minutieusement préparé et réfléchi de manière à pomper avec habilité le moindre sou à l’insu des populations qu’ils disent aider. Ce processus se fait discrètement en trois phases complémentaires. La première consiste dans le prélavage de l’argent sale dans des comptes dit "offshore". Ces capitaux sont ensuite lavés par leur virement vers d’autres comptes détenus par des sociétés écrans abritées dans des paradis fiscaux. Cela peut concerner par exemple une multinationale qui dispose d’un réseau de prestations fictives abrité bien entendu dans de multiples paradis fiscaux. Ils sont recyclés en dernier ressort par leur réintroduction dans des activités économiques légitimes.
Toutes ces opérations ne se font ni au Togo ni au Tchad mais dans les pays du Nord avec la complicité des chefs d’Etat africains qui en tirent profit en exploitant leur population. L'ancien Mobutu Sesé Sekou du Zaïre et le fils Duvalier de Haïti ont transféré dans les banques européennes l’équivalent de la dette de leur pays. Tous les responsables politiques de l’Europe sont au courant et feignent d’aider ces pays qui se battent pour couvrir le service de leur dette alors que la solution est entre leurs mains. N’est-ce pas curieux ? Mouammar Kadhafi aurait transféré plus de 85 milliards de dollars investis dans des sociétés écrans sur conseil d’experts financiers européens, pas africains, de telle sorte qu’il serait extrêmement difficile pour les nouveaux responsables d’en identifier leur emplacement.
Donc, que les Occidentaux balaient devant leur porte avant de donner des leçons aux pays africains qui se trouvent coincés entre le marteau de leurs dictateurs et l’enclume du processus pervers de la finance internationale.
Rabah Reghis, consultant/chercheur
Renvoi :
(1) VGE La France contre l’Afrique Edition Maspero 1981
(2) Jean Ziegler : L’empire de la honte
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