La mort de Kadhafi : un échec politique du CNT ?
Une Révolution qui élimine son dictateur dans les mêmes pratiques que celles exercées par ce dernier aux temps forts de son règne, à l’abri, toutefois, des médias…
Alors que l’Occident s’interroge sur les conditions de la mort de Kadhafi, son cadavre est exposé comme un butin de la Révolution armée qui aura duré neuf mois, la plus longue des printemps arabes. De tous les présidents-monarques déchus, Kadhafi est le seul à échapper de son vivant à la justice. La Tunisie a introduit une demande d’extradition de Ben Ali pour qu’il soit jugé en Tunisie. le procès de Hosni Mobarek qui suscite des remous politiques dans le contexte des premières élections libres en Egypte, est décrypté par de nombreux observateurs comme un signe fort de la maturité du peuple égyptien et de sa justice.
Ce n’est pas le cas pour l’issue fatale de l’ex-dictateur libyen qui a trouvé la mort dans des circonstances qui reste à élucider et pour lesquelles l’ONU demande une enquête.
Si Ben Ali et Hosni Mobarek ont été déchus par une révolution civile et pacifique, Kadhafi l’a été par les armes. Deux mois environ après la prise de Tripoli par les insurgés, Kadhafi narguait la Révolution et était insaisissable jusqu’à la prise de sa ville natale, ni le CNT ni les forces de l’OTAN n’ont pu le localiser ni donner des consignes claires afin que Kadhafi n’échappe pas à la justice internationale et qu’il ne serve, pas, mort, à propager l’image du « martyr » ou que les conditions déplorables de son élimination ne ternissent pas l’exemplarité et la justice de la Révolution des insurgés.
Or, le CNT, qui compte des membres de l’entourage de Kadhafi, ayant rejoint la révolution à Benghazi, avait, sans consultation avec la communauté internationale, la mise à prix de la tête du dictateur mort ou vif. Un « Wanted » qui, dans la forme et l’esprit, portait préjudice au mandat d’arrêt lancé par le TPI à l’encontre du dictateur.
Mort dans des circonstances qui, à la demande de l’ONU, restent à élucider, Kadhafi aura donc échappé à la Justice et la Révolution populaire libyenne n’aura pas dans son histoire son « Nuremberg ». Au lieu d’un procès qui aurait été un signe fort aux autres dictateurs qui s’acharnent à instrumentaliser la justice de leur pays, le peuple libyen n’aura eu qu’un cadavre à « admirer » et à prendre en photo pour la postérité. Les images de files indiennes de citoyens libyens venus voir le cadavre de l’auteur du Livre Vert ont fait la Une des médias au point où elles inscrivent la prise de Syrte et la libération de la Libye dans la dimension de ce cadavre et non dans les institutions politiques héritières de cette Libération. Tant il est vrai qu’il ne suffit pas de crier victoire sur un cadavre, fût-il celui d’un dictateur, pour asseoir les prémisses de la Révolution qui n’aura pas, répétons-le, jugé Kadhafi pour ses crimes.
Dès sa mort, le philosophe français Bernard Henri Levy, a dit regretter que l’ex-dictateur échappât à la justice, référant le voir devant le TPI. N’exprime-t-il pas, par ces propos, l’échec politique d’une Révolution qui élimine son dictateur dans les mêmes pratiques que celles exercées par ce dernier aux temps forts de son règne, à l’abri, toutefois, des médias…
R.M
Commentaires (0) | Réagir ?