La preuve démocratique par le brut

La preuve démocratique par le brut

"Ceux qui te donnent la main de la guerre, ce sont ceux-là même qui s’abreuveront ensuite dans ton ruisseau". Chems-Eddine Sûhrawarti

Saddam pendu en direct à la télévision après avoir été sorti hirsute tel un troglodyte d’un trou de lieu-dit dans son pays natal de Halabcha, dents avariées et cheveux pouilleux ébouriffés, Hosni Moubarak ramené devant les juges grabataire osant à peine lever les yeux sur des charognards qui, la veille encore, picoraient allègrement dans la puissance de son aura qu’ils ne cessaient de fortifier pour tirer les avantages et les villégiatures de princes. Pendant que dehors autour du tribunal "populaire" les Egyptiens encore affamés et pieds nus vociféraient leur haine contre lui en sommant ceux qui ont participé à leur malheur de le condamner à la mort, lui et toute sa famille.

Aujourd’hui c’est le tour de Mouammar Kadhafi d’être déniché d’une grotte et sorti à la lumière tel un forcené avec une tête de clodo. Mais ici c’est carrément le spectacle du lynchage à ciel ouvert digne de la grande place européenne du bas Moyen-âge.

Le devin le plus en concert avec les vois de l’Eternel ne prédirait pas ce retournement de destin, il y a quelque temps, lorsque Nicolas Sarkozy baissait la tête pour rentrer dans la tente du leader libyen dressée dans une prestigieuse place parisienne. Le locataire de l’Elysée lui avait concocté un souper à rendre jaloux des chefs d’Etat européens des plus importants. Quelques jours avant le voyage de Kadhafi en France, une source arabe diplomatique à Londres confie que la Libye achèterait pour quelque dix milliards d’euros d’équipement militaire dans un premier temps de la part de constructeurs français. La source n’indique pas vers où s’effectuerait le deuxième temps s’il en fut. En tout cas la nouvelle n’a pas été infirmée après le dîner et jusqu’au retour du guide.

Qu’est-ce qui s’est donc passé entre temps ?

Tandis que les soldats français crèvent dans les montagnes arides d’un Afghanistan sans sous-sol intéressant laissé plus pourri que le lendemain du départ des Soviétiques, les parts de reconstruction en Mésopotamie ne valent pas le dixième des alliées allemands et le cinquantième des Britanniques quand Total et ses filiales faisaient presque de la figuration devant les géants américains et anglais.

La Russie durcit le ton dans les négociations pour les livraisons par la mer Noire en même temps que les Chinois se rapprochent dangereusement des ressources intimes de l’Europe classique dans le Moyen-Orient, les besoins de Pékin sont titanesques et le surgissement des descendants des Ming en Afrique est fulgurant dans lequel la Libye détient dans son territoire presque trois fois plus grand que la France les plus grandes réserves de pétrole et de gaz. Les Américains ne semblent pas s’en inquiéter outre mesure, ce qui fait que les observateurs habitués aux analyses pointues pour démêler dans les desiderata yankees admettent comme coulant de source l’invitation quasi directe octroyée aux ténors du Vieux continent de prendre en charge la Libye. Mais comment entreprendre ?

Depuis Périclès, en démocratie, un chef d’Etat est un contremaître. Une espèce de commis général aux ordres des fractions les plus puissantes dans la contrée ayant une bannière et un glaive.

Mené au pouvoir par les banques et leurs accréditeurs industriels, le leader de l’Ump pris dans le piège de la seule promesse tenue dans le "tout Europe" aux côtés de la chancelière plus rusée et mieux conseillée que lui, fonce donc tête baissée dans le cadeau onuso-américain presque ouvertement. Le chef de la Maison Blanche salue le leadership de la France dans le coup de force spectaculaire contre le régime de Mouammar Kadhafi, soudain périlleux plus que jamais pour la pérennité universelle de la démocratie. Ses conseillers de l’Elysée briefent les gros porteurs médiatiques pour esquinter la conscience collective dans cette enclave territoriale africaine, arabe et maghrébine dans le genre du feuilleton hollywoodien de course-poursuite contre un dangereux dictateur.

Il faut forcément expliquer quelque chose, entre autres, qui éclaircirait un tout petit peu sur la situation dans les environs de la Libye à démocratiser coûte que coûte.

Dans l’embargo international depuis les attentats sanglants contre la Panam américaine et l’Uta française, les pays frontaliers avec la Libye vivent une miraculeuse aubaine, suppléant à leurs économies respectives asphyxiées, principalement à l’est en Egypte et à l’ouest en Tunisie. Une sorte de formidable émulsion naquit subitement dans les économies manufacturières et commerciales dans ces deux pays. D’autant que le leader provocateur se tenait à carreau, l’emploi dans les villes et les campagnes des pays de Hosni Moubarak et de Zine el Abidine Ben Ali, trouve de bons débouchés garant d’un appréciable moment de sérénité sociale où viennent joncter ici et là de belles réalisations sportives sur la scène internationale. Des observateurs ont soupçonné que durant plus d’une décennie la Tunisie et l’Egypte se sont fait charger par les dirigeants libyens de la commercialisation d’immenses quantités de brut pendant qu’ils ne payaient pas un rond leurs besoins énergétiques.

L’embellie dura jusqu’à l’année 2004 exactement quand les Usa ont décidé de mettre fin définitivement à l’embargo international. Tout de suite après tous les chefs européens déferlent à tour de rôle sur Tripoli, Blair, Berlusconi, Zapatero, Chirac, pour ne citer que ceux-là parmi les plus puissants car à la clé il y eut, juste quelques mois après la levée de l’empêchement commercial sanctionnant le pays de Kadhafi, un avis d’offre international pour l’exploitation du sous-sol libyen où ni les "frères" tunisiens et égyptiens ne peuvent avoir une chance de pourvoi, ne serait-ce dans les travaux de route menant aux gisements.

Seulement ne jaillit-il pas l’affaire des infirmières bulgares à condamner à mort afin que le provocateur, revenu à ses instincts, fasse oublier les plis sur les droits d’action sur les fouilles géologiques.

En tout cas, ce qui se passe depuis une année en Egypte en Tunisie et en Libye, sans prétendre pouvoir écouter aux portes des services du renseignement les plus puissants du monde, la démocratie n’a rien avoir là-dedans. L’héroïsme de nos voisins non plus : l’épopée de Jiap, Ben Boulaïd, Omar El Mokhtar, Abou Amar, est bien révolue, ya el khaoua.

Nadir Bacha

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Commentaires (2) | Réagir ?

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Davidoff

Right on ! Merci pour ces lignes qui, d'une lucidité éclatante à faire pâlir d'envie un tailleur de diamant anversois, remettent dans le bon sens la réalité qui échappe à de nombreux rêveurs à travers le globe. Ces révolutions arabes ne sont qu'un souffle qui vient de l'Ouest, et comme vous l'expliquez, elles sont "packagés" par les puissances actuelles qui ne sont intéressées que par leur course folle à l’énergie. Basta. Le reste c'est du pipo. Les Libyens du CNT n'auraient pas fait un pli sans les avions français et les munitions américaines. La démocratie est un concept qui régit l'organisation d'une société dans le but de maintenir ceux qui la contrôle au pouvoir. Dès qu'une menace sur les intérêts des gouvernants démocrates se fait sentir, l'agitation devient alors le moyen de déstabiliser le foyer originaire de la menace, afin de garder un pseudo calme qui permet alors de repartir aux affaires. Ne soyons pas si naïfs, le printemps arabe est une mise en scène grandiose, un super scénario mis en place par les plus forts de ce monde et qui fait très peur pour ce qui pourrait arriver demain...

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Malik Abdelmalek

Raison de plus il faudra que les dirigents arabes se rendent compte de la situation et qu'ils arrêtent la répression contre leur peuple.