22 députés veulent mettre le FLN au musée de l’histoire
Vingt-deux députés veulent en finir avec la légitimité révolutionnaire et rompre avec l’exploitation politicienne d’un sigle, patrimoine de la nation, le Front de libération nationale en l’occurrence.
Une proposition de loi est déposée en ce sens sur le bureau de l’Assemblée populaire nationale, exprimant ainsi un courant d’opinion dans la société que le pouvoir n’a de cesse de vouloir étouffer.
Ainsi, vingt-deux députés veulent en finir avec la légitimité révolutionnaire et rompre avec l’exploitation politicienne et maffieuse d’un sigle, patrimoine de la nation, le Front de libération nationale en l’occurrence. La revendication agite, il est vrai la scène politique depuis plus de vingt ans. Cependant, rien de plus concret ne fut fait jusque-là. Pour leur baroud d’honneur, leur dernier tour de piste avant la fin de la législature, 22 parlementaires – députés indépendants, du Front national algérien (FNA) et du Mouvement Infitah – menés par le trublion Ali Brahimi (député de Bouira en rupture de ban avec son parti, le RCD) ont introduit hier, au niveau du bureau de l’Assemblée populaire nationale (APN), une proposition de loi osée amendant la loi 99-07 relative au moudjahid et au chahid.
Si les amendements proposés à cette loi – une des dernières que l’ex-président Liamine Zeroual a signée, le 5 avril 1999, quelques semaines avant son départ – venaient par miracle à être adoptés, cela sonnerait le glas de la légitimité révolutionnaire et remiserait dans les hangars de l’histoire le parti du Front de libération nationale.
Au grand dam de nombreux Algériens, le parti unique, censé avoir été "chassé" du pouvoir par le soulèvement populaire d’Octobre 1988, demeure, 23 ans après, la "première" force politique en Algérie, écrasant sous son poids la scène politique et hypothéquant toute amorce de changement démocratique. Par une série de manoeuvres policiennes, manipulations, achat de voix, cooptations et trucages des urnes à outrance, l'ex-parti unique s'est refait un lifting après le bain de sang d'Octobre.
La proposition de loi
Le premier amendement apporté à la loi 90-07 relative au moudjahid, au chahid et leurs ayants droit, qui énonce les règles de promotion et de valorisation du patrimoine historique de la lutte de Libération nationale, concerne l’article 52 qui énumère les symboles de la Révolution de libération nationale. Les députés proposent de compléter ce recensement en ajoutant le FLN et l’ALN aux neuf autres symboles de la Révolution déjà consacrés, à savoir l’hymne national officiel ; le chahid ; le moudjahid, la veuve de chahid, les cimetières de chouhada ; les musées du moudjahid ; les hauts faits historiques ; les places et lieux abritant les stèles commémoratives. L’article 52 bis, introduit dans la nouvelle mouture, enfonce davantage le clou en déclarant «prohibé» l’usage des "mêmes noms, sigles et autres signes distinctifs appartenant aux organisations symboles de la Révolution de libération nationale". "Les organisations, dont les appellations et sigles utilisent ces symboles, sont tenues, d’après ce nouvel amendement, d’y renoncer dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi."
"L’objectif de cette initiative n’est pas d’effacer toute trace de la Révolution nationale, mais de préserver la mémoire et de l’extraire aux jeux politiciens", affirme Ali Brahimi. Depuis 1989, souligne le député, hommes politiques de l’opposition et opinion publique sont dans l’attente d’"une rupture avec la légitimité historique".
De la légitimité révolutionnaire à la légitimité des urnes
"Nous sommes, déclare-t-il, à la veille de la révision de la loi sur les partis politiques et il est nécessaire de mettre à l’abri de toute utilisation partisane un patrimoine national qui est le sigle FLN." "Une véritable transition démocratique, l’édification d’un Etat civil doivent intégrer le passage de la légitimité révolutionnaire à la légitimité des urnes, du suffrage universel", ajoute-t-il. La proposition des 22 députés – un coup d’épée dans l’eau – intervient après la montée au créneau du ministre de l’Intérieur, Daho Ould Kablia, accusant le FLN de freiner le train des "réformes" et au lendemain des déclarations de Saïd Abadou, secrétaire général de l’Organisation nationale des moudjahidine, plaidant à demi-mot pour la dissolution du FLN dont "l’existence s’est arrêtée, à ses dires, en 1962".
M. Brahimi dément tout lien ou concordance avec sa proposition de loi. "Le timing m’est propre, répond le parlementaire. Cette proposition de loi était prête depuis janvier dernier ; j’allais la déposer le 5 juillet, mais je n’ai pas pu avoir le nombre exigé de signatures." Certains députés avaient refusé, selon lui, d’inclure le Congrès de la Soummam parmi les symboles de la Révolution sous prétexte qu’il ne faisait pas "consensus".
Protéger l'épopée de la révolution
Tout en reconnaissant que ladite sortie est étrangère aux conflits internes au FLN le député Brahimi avoue qu’"il est en effet absurde que la déclaration du premier novembre 1954 soit consacrée symbole de la libération nationale alors que le couple FLN-ALN qui en est à l’origine en soit ignoré. D’illustres vrais moudjahiddine - aujourd’hui dans l’opposition ou loin de toute activité politique - assistent, révoltés, à l’instrumentalisation politicienne d’un grandiose combat anticolonial par des acteurs qui n’étaient pas toujours à son avant-garde hier lorsqu’il fallait affronter l’Armée française et les colons. Cette épopée nationale a abouti et sa mémoire mérite d’être protégée par l’Etat auquel elle a donné naissance".
Le député affirme par ailleurs ne se faire aucune illusion quant au sort qui sera réservé à sa proposition de loi : "Je sais très bien que le pouvoir s’est enfermé dans une attitude d’exclusion de l’opposition, cela ne m’empêche pas, à partir du moment où j’ai accepté de siéger dans cette assemblée, d’entretenir la flamme." A l’heure où le brasier révolutionnaire a consumé les anciens partis au pouvoir en Tunisie et en Egypte, visés par des décisions de dissolution, leurs patrimoines ont été confisqués et leurs principaux responsables jugés et condamnés, en Algérie, il se trouve toujours, un demi-siècle après l'indépendance et trois décennies de pensée unique, des hommes politiques qui instrumentalisent la révolution et ont privatisé ses symboles.
R.N./Mohand Aziri
Commentaires (9) | Réagir ?
Enfin des députés qui osent et qui oublient pour une fois les avantages, le gros salaire et les priviléges pour déposer un projet de loi qui aurait dû être fait le 5 juillet 1962, vaut mieux tard que jamais, au fait les enfants de chouhada qui se gavent dans l'ONEC, ils ont quel âge maintenant ? On devrait leur faire don de boites de lait pour bébés et de couches.
Vos jours sont comptés, vous êtes en train d'exhiber votre dernière danse.