Les islamistes et l’Etat de droit
L'islamisme politique est un et indivisible. Croire qu'on peut y trier le bon grain de l'ivraie est une chimère.
Vendredi dernier, à Tunis, des islamistes ont tenté d’incendier le siège de la télévision privée Nessma, une chaîne dont l’audimat fait pâlir d’envie nos Uniques de la télévision nationale, par la diversité de ses programmes, la richesse des langues utilisées et, surtout, le dynamisme de ses émissions de variétés branchées sur les tendances et les goûts de la jeunesse maghrébine. Réagissant à cette attaque et aux menaces dont a fait l’objet son directeur, Nabil Keroui, le parti Ennahda de Rached Ghennouchi, donné favori aux élections législatives du 23 octobre prochain, a qualifié cette agression, la première du genre visant un média privé, « d’actes isolés » et assure qu’ « il n’ y a pas lieu de s’inquiéter ». Il ya dix sept ans, en Algérie, Aziz Smati, producteur et réalisateur de l’émission branchée Bled Music de la télévision algérienne suivie par des milliers d’adolescents a été victime d’un attentat qui l’a laissé paraplégique et l’a contraint à l’exil. L’émission, sous la menace des islamistes a été purement et simplement éliminée de la grille des programmes. La réaction des islamistes algériens en ces temps d’étêtement des intellectuels et artistes algériens, fut exactement la même que celle de ce parti Ennahdha tunisien. Le MSP, Ennahdha et ses autres ailerons condamnaient alors « la violence d’où qu’elle vienne » allant même jusqu’à honorer la mémoire de leurs victimes. L’islamisme politique est un et indivisible. Croire encore qu’à l’intérieur, on peut y trier le bon grain de l’ivraie est une erreur de stratégie politique qui conforte leur politique caméléon : Séparer les islamistes dits « modérés » des « radicaux » est une chimère. Preuve en est que ce sont les islamistes dits « modérés » - champions de la modération feinte, des anciens du GIA reconvertis pour la bonne cause, tapis, attendant l’heure propice, au sein du pouvoir - qui réclament à cor et à cri le retour de l’ex-FIS. Le parti Ennahda de Rached Ghennouchi s’est-il vraiment rallié, comme il le prétend, officiellement, à l’Etat de droit et au Code du statut personnel établissant une égalité entre hommes et femmes qui viennent d’être bafoués par ses commandos ? Pas si sûr. C’est une lapalissade aujourd’hui que de se rendre à cette évidence historique : Les islamistes algériens ont usé de la même stratégie dès après octobre 88. Ses élus locaux, qui se disaient respectueux des lois de la République transformaient les mairies en dépôt d’armes qui servirent à l’AIS et au GIA et se firent même messies à Saint Egidio pour sauver la démocratie menacée par…l’interruption du processus électoral de Juin 1991. Le même scénario semble se répéter à la faveur de la chute du régime de Ben Ali qui, lui aussi, s’exprimait au nom de cet Etat de droit dont les réalités mises à nu en sont aux antipodes. L’Etat de droit de Rached Ghennouchi et de son parti Ennahdha est sans doute la voie royale pour multiplier ce genre d’agressions perpétrées contre la chaine de télévision privée Nessma, prendre d’assaut l’université de Sousse pour imposer, par la violence, l’inscription d’une étudiante portant le niqab ou empêcher la projection à l’hôtel Africa du film de la réalisatrice Nadia el-Féni intitulé Ni Dieu ni maître, l’obligeant à changer le titre de son film. Ces faits, l’Algérie les a vécus aux temps de gloire des islamistes ! Ne sont-ce là que des provocations d'un courant salafiste ultra minoritaires ? Ambigus Ennahdha de Ghennouchi ? Ambigu le parti de Soltani ? Il n’y a plus que les naïfs qui peuvent encore prendre pour argent comptant leurs promesses.
R.M
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