Le système rentier algérien, une source de tensions sociale et économique

Le système rentier algérien, une source de tensions sociale et économique

Il est unanimement admis par les analystes sérieux, privilégiant uniquement les intérêts supérieurs de l’Algérie, qu’un changement de lois n’apporterait rien de nouveau si l’on maintient le cap de l’actuelle gouvernance politique et économique.

Efficacité gouvernementale et gouvernance rénovée

Sans changement de système politique, il ne sert à rien de changer de personnel politique. C’est ce qui se passe en Algérie depuis des décennies. N’avons-nous pas des ministres inamovibles ? Certains depuis les années 1980, la composition à 90% étant sensiblement la même depuis 2000. Les Algériens et les étrangers voient toujours les mêmes têtes sans bilans avec des permutations perpétuelles, comme si l’Algérie était stérile avec ce discours lassant et qui ne porte plus, on prépare la relève pour la jeunesse. L’essentiel est d’éviter l’inertie. Or, les enquêtes des instituts de psychologie du travail internationaux montrent clairement que pour les managers économiques (PDG de grandes entreprises) ou des managers politiques (ministres), qu’au delà de cinq années, pour 75% de cas, 25% étant des femmes ou hommes exceptionnels - ils deviennent amorphes et incapables d’innovation, avec le risque de s’entourer d’une cour aussi stérile d’où le danger d’une inertie générale alors que le monde évolue. Cela explique que souvent dans les grands pays démocratiques on limite les mandats présidentiels à deux.

En dynamique, une nation qui n’avance pas recule forcément, la maîtrise du temps étant le principal défi des gouvernants au XXIème. Il semble bien que la majorité de nos dirigeants ne tiennent pas compte de ce facteur temps, surtout que les réserves d’hydrocarbures iront vers l’épuisement dans 20/25 ans au maximum. Donc posant la problématique de la sécurité nationale.

Comme analysé dans plusieurs de mes contributions depuis 1992, le gouvernement invoquant la crise économique, prône le patriotisme économique. Mais que l’on s’entende bien sur ce mot en évitant la confusion du fait de l’ancienne culture bureaucratique entre le tout Etat, la diabolisation du secteur privé national et international, et un rôle plus accrue de l’Etat régulateur stratégique en économie de marché. C’est une différence de taille pour toute politique économique fiable devant tenir compte de cette dure réalité, malgré la crise mondiale, d’une économie de plus en plus globalisée. Il ne s’agit pas d’opposer le secteur d’Etat au secteur privé mais de soumettre le secteur d’Etat aux principes de l’efficacité dans un environnement concurrentiel supposant un management stratégique et non une gestion administrative. Lorsqu’on sait que l’assainissement des entreprises publiques en Algérie a coûté au Trésor public plus de 50 milliards de dollars entre 1971/2011 sans résultats probants, 70% des entreprises publiques étant revenues à la case de départ alors que ces montants auraient pu être consacrés à la création de nouvelles entreprises dynamiques de quoi créer tout un nouveau tissu productif et des millions d’emplois à valeur ajoutée. Bon nombre d’institutions internationales classe l’Algérie à un niveau déplorable entre 2006/2011, classement qui ne reflète pas les potentialités énormes du pays. Les experts nationaux ont tous souligné le poids de la bureaucratie, l’instabilité juridique et le manque de clarté dans les nouvelles dispositions du gouvernement algérien. C’est dans cet esprit sans études d’impacts que rentrent les décisions hasardeuses du passage sans transition du Remdoc au Crédoc (crédit documentaire), qui n’ont pas eu d’impacts ni sur la traçabilité (existant déjà au niveau du Remdoc) ni sur la baisse de la valeur des importations tout en pénalisant la majorité des PMI/PME constituant 90% du tissu productif. Comme la contrainte 51 % aux Algériens dans tout projet d’investissement et 70 % des parts algériennes dans les sociétés d’import étrangères alors qu’il fallait privilégier une balance devises excédentaires, l’apport technologique et managérial pour un partenariat gagnant /gagnant. Ce qui a entrainé une chute de plus de 40% des IDE hors hydrocarbures sans compter les litiges au niveau des tribunaux internationaux, une loi n’étant jamais du point de vue du droit international rétroactive sauf si elle améliore la précédente.

Comme il convient de se demander pourquoi ces échecs répétés depuis 2007 aucune grande compagnie étrangère n’a été intéressée par les avis d’appel d‘offre de l’Alnaft (structure dépendante du ministère de l’Energie) pour les gisements d’hydrocarbures, le dernier échec étant l’avis d’appel d’offre de mars 2011. Cela est plus patent pour l’aval, c'est-à-dire les segments pétrochimiques produits semi-finis et finis répondant aux valeurs internationales dont les parts de marché avec des structures oligopolistiques sont déjà pris au niveau mondial (amortissement déjà réalisé) où avec les 49/51% il faut s’attendre à aucun investisseur étranger potentiel. Cette situation de changement perpétuel de cadres juridiques démobilise tant les cadres du secteur économique public que les opérateurs privés nationaux et internationaux. Cela montre clairement la dominance de la vision administrative et non économique liée à l’absence de visibilité et de cohérence dans la démarche de la réforme globale, renvoyant au blocage systémique intiment lié aux aspects de gouvernance (Etat de droit notamment) du fait que l’on ne peut isoler la gouvernance de l’entreprise de la gouvernance globale.

C’est que l’Algérie est toujours dans cette interminable transition depuis 1986 vers l’économie de marché, qui doit se fonder sur des mécanismes concurrentiels dans tous les domaines, cohabitant une gestion administrée toujours dominante avec des embryons de libéralisation et le risque de passage d’un monopole public à un monopole privé spéculatif du fait de la non mise en place d’une manière cohérente de mécanismes de régulation nouveaux de marché avec un rôle stratégique de l’Etat régulateur. Comme en témoigne le poids de la bureaucratie, la corruption (renvoyant à la refonte de l’Etat), la léthargie du système financier, l’épineux problème du foncier et enfin l’inadaptation du système socio-éducatif et la dominance des emplois/salaires rentes (dévalorisation du savoir) montrant l’absence d’une politique salariale fondée sur le travail et l’intelligence malgré des discours que contredisent les pratiques sociales.

L’impact de la nouvelle donne internationale sur la gouvernance

Ce n’est pas à la population algérienne de changer de comportement mais d’abord à nos dirigeants devant donner l’exemple, qui n’ont pas encore fait leurs mues culturelles. Ils vivent encore à l’ère du parti unique. Or, nous avons deux options : soit satisfaire les appétits partisans par une redistribution passive de la rente en maintenant l’actuel système politique. Aux dernières élections législatives par rapport aux inscrits, les partis FLN/RND/MSP ont représenté 13% tout en précisant que les partis FLN, RND et MSP ne sont que l’éclatement de l’ancien parti unique du FLN des années 1980 pour donner l’illusion d’une façade démocratique avec la création de nombreux micro-partis et organisations satellitaires. Cela explique le peu d’impacts sur la société, ceux-ci incapables de mobiliser et de sensibiliser (non crédibles), laissant lors d’émeutes les citoyens face aux services de sécurité.

Sans intermédiation crédible de réseaux sociaux, combinée avec la panne économique où tout est irrigué par les hydrocarbures, 98% des exportations et important 75% des besoins des entreprises et ménages, donnant des taux de croissance et de taux de chômage fictifs, cela ne peut que conduire à une déflagration sociale à terme. L’Algérie ne saurait invoquer sa spécificité face au printemps démocratique qui secoue le monde arabe et devrait méditer les nouvelles mutations politiques. Pour éviter les réformes du régime, certains dirigeants arabes se réfugiant dernière l’islamisme radical, le combat contre le terrorisme et invoquant la main de l’extérieur comme facteur de déstabilisation.

Or ce sont des combats d’arrière-garde, les Occidentaux les ayant abandonnés malgré leur servitude, dans la politique n’existant pas de sentiments mais des intérêts), à l’instar des anciens dirigeants tunisiens, égyptiens, libyens et des actuels dirigeants yéménites et syriens. Avec l’avènement d’Internet qui modèle l’opinion et l’entrée des sociétés civiles, ces discours ne portent plus ce qui préfigure d’ailleurs une reconfiguration des nouvelles relations internationales prenant en compte les exigences de dignité et de liberté au niveau des populations du Sud. Certes, le danger extrémiste source d’intolérance est réel mais les grandes puissances ont fait comprendre aux dirigeants arabes (et à certains dirigeants d’Afrique) qui deviendront à terme de plus en plus minoritaires, se réfugiant derrière le statut quo par le frein à la démocratisation avec une répartition inégalitaire des richesses et la corruption d’une certaine caste, que leurs comportements favorisent le terrorisme et l’islamisme radical et qu’ils en sont en grande partie responsables.

Ce n’est pas par philanthropie mais certes mus par des intérêts économiques et voulant éviter que des milliers de jeunes qui rêvent de s’enfuir vers les USA, le Canada et l’Europe viennent alourdir leur taux de chômage. Encore que l’exode de cerveaux massif des pays arabes et l’Afrique est souvent voulue par certain dirigeants arabes malgré certains discours de propagande à usage de consommation intérieure envers la diaspora alors qu’ils ne font presque rien pour retenir ce qui reste, vidant la substance de leurs pays. C’est que l’élite ne peut s’assimiler à un tube digestif mais aspire à conquérir des espaces de libertés par la participation à la gestion de la Cité.

Abderrahmane Mebtoul

Lire la suite de l'analyse : http://www.freealgerie.com/debat-du-jour/141-le-systeme-rentier-algerien-une-source-de-tensions-sociales-et-economiques.html

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