France - Maroc, le 2e TGV africain et son lot de polémiques

Les bailleurs du TGV avec Mohammed VI
Les bailleurs du TGV avec Mohammed VI

Le projet du TGV Tanger- Rabat-Casablanca divise le Maroc. Le Makhzen et ses officiels applaudissent, la rue critique et dénonce.

C'est le président français, Nicolas Sarkozy, en personne qui s'est déplacé jeudi au Maroc pour poser la première traverse des 350 km de la ligne à grande vitesse devant relier Tanger à Casablanca, en passant par Rabat. Un signe pour dire que la France est comme sur ses terre dans le royaume hassanien.

Au travers de sa visite expresse (visite TGV) au Maroc, pour inaugurer le début des travaux du Train à grande vitesse qui reliera Tanger à Casablanca via Rabat en 2h10 au lieu des 5h 40 actuels, Nicolas Sarkozy a fait double coup. D'abord réaffirmer l'étroitesse des liens entre les deux pays. Mais surtout pour faire oublier les oripeaux des affaires de malettes et autres affaires de corruption qui lui pourrissent la vie en France. Bonne dérobade donc pour Sarkozy, après la virée avec David Cameron en Libye il y a quelques jours.

Prévu pour 2015, le TGV marocain sera le premier dans le monde arabe. Mais pas le premier TGV africain contrairement à ce qu'a voulu faire croire les agences de presse. Il est le deuxième après le TGV sud-africain qui roule depuis août dernier. Première critique : aucun appel d'offres n'a été lancé pour ce grand projet. Tout est fait entre Marocains et Français. Qu'importe ! Un contrat a été signé avec la société Alstom qui a vendu 14 rames au Maroc pour un montant de 400 millions d’euro. Le gouvernement marocain a prévu un investissement de 33 milliards dirhams (environ 3 milliards d’euros) pour développer ce projet. Neuf cent vingt millions d’euros seront débloqués par la France sous forme de prêt. Le reste du financement sera couvert par des pays "amis" tels que l’Arabie Saoudite, les Emirats arabes unis ou encore le Koweit. Des monarchies qui avaient déjà couvert l'achat par le Maroc de ses avions américains F 16. Là encore, c'est plutôt l'industrie de l'armement américain qui fait des affaires par le truchement des financements du Golfe.

Les officiels français ont par ailleurs loué les réformes lancées par le roi. Le président français Nicolas Sarkozy avait le premier salué le18 juin "les évolutions institutionnelles majeures annoncées" par le roi Mohammed VI. "Le roi Mohammed VI propose aux Marocains d'adopter démocratiquement, par référendum, des réformes qui constitueront des avancées capitales" pour "les libertés publiques", "les droits individuels" ainsi que "le renforcement de l'Etat de droit ou la prise en compte de la diversité culturelle du Maroc", a fait savoir le président français.

Mais, avouons que les Français ne s'embarrassent pas de principes pour soutenir certains régimes qui offrent des débouchées économiques au patronat français. Il y a d'abord le précédent Ben Ali, le président tunisien chassé du pouvoir que toute la classe politique française louait et fécilicitait pour ses avancées. Que ce soit Dominique Strauss-Kahn quand il était à la tête du FMI ou Sarkozy au début de son quinquennat, tous les hommes politiques avaient fermé les yeux sur la prédation économique et l'autoritarisme de l'ancien régime. Le tout pour permettre aux entreprises françaises d'y exercer sans souci. Il y a par ailleurs le soutien affiché à Ali Bongo, fils de l'ancien président Omar Bongo du Gabon, lors de la présidentielle. Une immixion dans les affaires de ce pays pour placer un homme acquis comme son père à la France. Sans parler du Tchad, le Sénégal, la Côte d'Ivoire et plein de petits dont les pouvoirs totalitaires ont été soutenus par la France durant ces dernières décennies.

Bref, la France en Afrique est une histoire qui continue.

Relations économiques au vert

Il n'y a pas que les retraités française qui trouvent leur bonheur au Maroc. Les entreprises françaises également sont très présentes au Maroc avec des accès à l'investissement très facile. Quelque 750 filiales françaises sont implantées dans le pays.Certains parleraient même d'une préférence française des Marocains pour l'entreprise française. Et la construction de cette nouvelle ligne à grande vitesse figure parmi les chantiers d’envergures entrepris par le royaume depuis quelques années avec la France. Ces travaux symbolisent l’excellence des relations qu’entretiennent la France et le Maroc. L’usine Renault de Tanger, dont la production est sans doute le premier symbole de ses relations. Cette usine qui démarrera début 2012 aura au départ une capacité de production annuelle de 170 000 véhicules. A terme, elle passera à 400 000 véhicules/an.

A ce propos, la France est le premier partenaire commercial du Maroc. En 2010, les investissements directs français dans le Royaume ont atteint 1,8 milliard d’euros. Un montant qui classe le Maroc au deuxième rang des pays bénéficiaires des investissements français, la Chine étant en première position.

Tombereau de critiques

S'il est évident que ce projet de TGV réjouit les plus hautes autorités marocaines, il ne fait pas en revanche l’unanimité au sein de la population. Pour beaucoup, le Maroc a autre chose à faire que de déployer son énergie et son argent dans la construction d’un TGV, dont l’utilité est remise en cause. L’homme d’affaires Karim Tari a déclaré qu’"il n’est pas du tout prouvé que le Maroc ait besoin d’un tel projet." D’autant plus que son prix a été surenchéri. L’économiste Fouad Abdelmouni s’est dit "indigné" et a précisé que "ce TGV est un scandale dans les conditions actuelles au Maroc." Il a précisé que "le TGV qui est passé sans appel d'offres, sans justification sociale ni économique, est vécu comme une situation de surexploitation et de corruption". Les chantiers auxquels le Maroc doit réellement s’attaquer avant de s’occuper du TGV sont, selon l’opinion publique, l’analphabétisme, qui touche un tiers de la population, le pouvoir d’achat jugé trop faible, le chômage ou encore la pauvreté. D’ailleurs l’immense majorité de la population ne pourra pas s’offrir un billet de TGV, même subventionné.

"Un racket économique"

Dans une lettre ouverte destinée à Nicolas Sarkozy, le blogueur marocain Larbi ne mâche pas ses mots à son encontre. En voici un extrait : "Vous ferez le déplacement au Maroc pour inaugurer les travaux du TGV marocain et c’est de ce "presque crime économique" que je vous écris ces lignes. Quant aux questions de démocratie, du mouvement 20 février, les Marocains ont appris à compter sur eux-mêmes et ce n’est certainement pas un président français qui les aidera en quelque chose. (...) Le problème Monsieur Sarkozy, c’est qu’une fois rentré chez vous, nous on s’est retrouvé avec une commande énorme dans son montant, disproportionnée dans son objet sans que personne ne sache comment la financer ni pourquoi on s’est retrouvé face à un engagement aussi lourd."

Selon certains sources, ce contrat aurait été attribué à la France en 2007 par forcing de Nicolas Sarkozy, afin de compenser la perte de la vente d’avions Rafale. Le Maroc avait préféré acheter les F16 des Américains, ce qui aurait rendu furieux Nicolas Sarkozy. LE TGV est une espèce de lot de compensation pour le président français qu'il a bien fallu calmer. D’ailleurs, l’Allemagne n’a pas apprécié l’exclusivité du contrat au profit de la France. Elle avait posé son véto pour empêcher le prêt de la Banque européenne d’investissements en raison de l’absence d’appel d’offres qui aurait permis aux entreprises allemandes de concourir. Peu importe, désormais les travaux ont officiellement commencé et rien ne semble stopper le - scandaleux - élan financier dans lequel s’est lancé le roi Mohammed VI...

Nicolas Sarkozy a par ailleurs demandé à ce que le Maroc bénéficie du programme d'aide qu'a débloqué le G8 à Deauville pour les pays en voie de transition économique, tels que l'Egypte, la Jordanie ou la Tunisie. On avait parlé de 80 milliards de dollars, cependant cette enveloppe se résumerait réellement qu'à 5 milliards de dollars.

Pays du Golfe et Turquie

Le Maghreb est devenue l'arrière-cour d'influence et de luttes pour les puissances financières. D'abord les pays du Golfe. Le Maroc avait fait acte de candidature à ce syndicat des monarchies en mai dernier. C'était en plein tourbillon du printemps arabe. L'adhésion est de fait acquise au conseil de coopération du Golfe qui voyait du mauvaise oeil l'influence que pourrait avoir l'Iran sur le mouvement de révolte arabe. Pas seulement plusieurs projets ont été financés par ces pays au Maroc, le tout avec en arrière plan, l'aval des pays européens qui entretiennent de bonnes relations avec le Conseil de coopération du Golfe. Il y a par ailleurs la turquie dont le premier ministre Tayyep Erdogan est devenu le chouchou de la rive sud de la Méditerranée.

Islamiste BCBG, le premier ministre turc soigne sa mise et sa stature de défenseur du "printemps arabe". Que cela fut à Tunis, à Tripoli ou au Caire, Erdogan a été salué par les foules et les élites. Ses critiques acerbes contre Israël et surtout la cristallisation des relations entre les deux pays après l’assassinat en mai 2010 des humanitaires turcs au large de Gaza, semblent plairent à la rue arabe. Pas seulement, le premier ministre a été l’un des premiers dans la région a critiqué vertement la répression en Syrie. Ses positions tranchées sur la question des libertés est en décalage par rapport aux pays du Golfe qui ne brillent pas par un fonctionnement démocratique. Ce qui fait toute la différence. Enfin, les pays de la rive sud de la Méditerranée sont un excellent débouché économique pour les entreprises exportatrices turques.

Le leaderschip est relancé et les cartes sont redistribuées après la disparition de hosni Moubarak qui était l'interlocuteur de l'UE et des Américains dans la région.

Sofiane Ayache et agences

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Commentaires (10) | Réagir ?

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Menem Abou Adam

Malheureusement, j'allais dire comme d'habitude, cet article est bourré de dénigrements et de suggestions malhonnêtes... C'est souvent le cas dès qu'il s'agit du Maroc... Et cette fois, le sieur Sofiane Ayachi (et agences!!! - sic) pousse la perfidie a son bout quand il ecrit: " (...) D'abord les pays du Golfe. Le Maroc avait fait acte de candidature à ce syndicat des monarchies en mai dernier. "

Cette assertion est archi-fausse et le sieur Sofiane Ayachi le sait ou devrait le savoir... Le Maroc n'a jamais fait "acte de candidature". Le Maroc a été invité à rejoindre le CCG... Et la première chose qu'il a fait au lendemain de cette invitation, était de rappeler le plus officiellement du monde que le Royaume maghrebin demeure attaché à la construction du Grand Maghreb qu'il considère comme l'espace geographique, historique, social, politique et naturel auquel il appartient.

Et si ce "journaliste" ne le sait pas, je dirais que c'est grave... Il aurait dû lire plus attentivement les dépêches de "ses agences"...

Malheureusement, j'ose affirmer qu'il ne le sait que trop bien... Mais, bon il n'a pas pu résister a la tentation de remettre une couche sur le vernis mensonger à travers lequel certains "journalistes" algériens et marocains, ne cessent de mentir et de se mentir.

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lhoussaine bouali

C'est pour quand le TGV Rabat -Alger ?

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omar attourki

Très bonne question, elle aura une suite favorable, in'cha'allah

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