Le Yémen à la veille d'une guerre civile
La perspective d'une guerre civile au Yémen se rapproche, les soldats mutinés s'impliquant désormais davantage dans la lutte contre les forces du régime pour le contrôle de la capitale Sanaa.
Mardi, un cessez-le-feu négocié a mis fin à trois jours de combats qui ont fait plusieurs dizaines de morts, mais il ne tiendra pas sans la résolution rapide d'une question-clé : qui va diriger le pays ? Il semble de plus en plus difficile que la crise née il y a sept mois dans la foulée des soulèvements tunisien et égyptien, se résolve de manière pacifique. Elle risque de se régler par de sanglantes batailles de rues opposant des soldats mutins alliés aux combattants tribaux, aux forces loyalistes dirigées par le fils du président Ali Abdullah Saleh, présenté avant l'insurrection comme son successeur potentiel.
Ces forces pro-Saleh ont renforcé leurs positions dans leurs bastions situés au sud de la capitale, apparemment en anticipation de nouveaux combats. Le Yémen semble devoir plonger dans de nouveaux affrontements meurtriers, alors que des centaines de manifestants ont déjà été tués et des milliers d'autres blessés par les forces de sécurité depuis le début du soulèvement en février. Depuis dimanche, les forces pro-Saleh ont tué plus de 80 personnes, essentiellement des manifestants, utilisant des armes anti-aériennes, des grenades autopropulsées et des mortiers. Au moins 23 personnes sont mortes mardi à Sanaa alors que les combats s'intensifiaient et se propageaient dans des zones sensibles de la capitale, avant l'entrée en vigueur d'un cessez-le-feu.
Et mercredi, malgré cette trêve, les forces gouvernementales ont à nouveau ouvert le feu dans un quartier du centre-ville, où des milliers de personnes étaient rassemblées pour participer à un service funéraire en hommage aux manifestants anti-gouvernementaux tués ces derniers jours. Cette nouvelle intervention des forces gouvernementales a fait trois morts et 16 blessés. Toujours à Sanaa, la caserne de la 1ère Division blindée, passée dans le camp de l'opposition en mars dernier, a été pilonnée par les forces gouvernementales, mais on ne faisait pas état victimes dans l'immédiat.
Plusieurs milliers de personnes ont dû quitter Sanaa ces derniers jours pour se réfugier dans des zones rurales plus sûres. De nombreux pickups et des voitures, transportant des familles et leurs biens, ont fui la capitale tôt mardi matin.
Ali Abdullah Saleh, président du Yémen depuis 33 ans et devenu un fidèle allié des Etats-Unis, s'est cramponné au pouvoir malgré les manifestations quasi-quotidiennes, depuis février, de dizaines de milliers de personnes réclamant son départ. A au moins trois reprises, à la dernière minute, il a refusé de donner son aval à un accord, proposé par le Conseil de coopération du Golfe (CCG) et soutenu par Washington, qui l'aurait amené à quitter le pouvoir et, en échange, à bénéficier d'une immunité.
Grièvement blessé dans un attentat visant la présidence, Saleh a quitté le Yémen en juin, se rendant en Arabie Saoudite pour s'y faire soigner. Il n'a pas regagné le Yémen depuis, mais la présence à Sanaa de son fils, Ahmed, et d'autres membres de son clan signifie que le régime continue à lutter pour sa survie. La perspective d'un règlement pacifique s'éloignant, avec le départ brutal de Sanaa, mercredi, du négociateur mandaté par le CCG, la guerre civile totale est devenue un vrai risque.
Le Yémen connaissant de profondes divisions tribales et régionales et a toujours eu un gouvernement central faible.
Le nord du pays et le sud, autrefois indépendant, se sont affrontés en 1994. Le Yémen du Nord en est sorti vainqueur. Une nouvelle guerre civile opposerait cette fois les soldats mutins de la 1ère Division blindée, qui est peut-être l'unité de combat la plus performante du pays, à la Garde républicaine dirigée par Ahmed, le fils de Saleh.
La 1ère Division blindée compte environ 20.000 hommes à Sanaa, tout comme la Garde. Mais cette dernière dit avoir davantage de blindés et un plus grand nombre de roquettes. "Les Gardes républicains sont une force supérieure sur le papier", commente l'expert militaire Hussein Mansour. "Mais cela fait peu de différence sur le terrain", a-t-il ajouté, estimant que le vainqueur sera le camp le plus efficace en matière de guérilla urbaine.
La 1ère Division blindée, dirigée par le général Ali Mohsen Al-Ahmar, s'est ralliée depuis le mois de mars aux milliers de manifestants qui campaient dans le centre de Sanaa, s'engageant à les protéger des forces pro-Saleh.
AP
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