Attentat de Cherchell : mémoire tactique

Attentat de Cherchell : mémoire tactique

“Le gouvernement algérien condamne avec force cet acte odieux et présente ses sincères condoléances au gouvernement nigérian, aux Nations unies ainsi qu’aux familles des victimes.” Le communiqué était diffusé par l’agence de presse officielle, vendredi à 19 heures, quelques heures après l’attentat d’Abuja.

La promptitude avec laquelle notre gouvernement a, opportunément, proclamé sa “consternation” devant “le lâche attentat” d’Abuja contraste avec la nonchalance qui le caractérise quand il s’agit de réagir aux dégâts que nous inflige le terrorisme local. Ce fut au Haut-Commandement de l’ANP de rendre hommage à la mémoire des martyrs de l’attentat et de réitérer “sa détermination à mettre hors d'état de nuire ces bandes criminelles et assurer la paix et la quiétude dans l'ensemble du pays”. Tout au long de la matinée, et en guise de suites médiatiques à l’horrible attentat, l’agence officielle s’était consacrée à la répercussion des révisions à la baisse du bilan macabre reconstitué par la presse auprès de sources médicales. C’est à croire que, lorsqu’il s’agit de formuler ou de rappeler la position officielle face à la poursuite de l’offensive terroriste islamiste, l’État reste sans voix.

Troublante attitude d’un pouvoir politique qui s’est toujours montré compatissant avec les victimes du terrorisme international, mais apparaît comme ligoté par on ne sait quelle entrave quand il s’agit d’exprimer son sentiment devant les crimes du terrorisme qui sévit contre le pays ! Mais pour regrettable qu’elle soit, cette impuissance politique est la nécessaire conséquence de l’empressement réconciliateur autour d’un islamisme par nature belliqueux. Les responsables se seraient bousculés, s’il s’était agi de monter chanter la “réconciliation nationale” ; ils sont frappés de mutisme collectif quand il faut enregistrer l’affront et relever le défi. Pourquoi l’islamisme renoncerait-il alors à transformer sa victoire politique en prise de pouvoir effectif ?

Car, enfin, c’est la politique de l’État qui, en voulant “réconcilier” les terroristes comme simples protagonistes d’une brouille de société, en a fait une catégorie légitime pour être partie prenante du contrat social. La conséquence en est qu’aujourd’hui, dès qu’un tueur veut reprendre sa place dans “la république”, son statut de terroriste n’a plus le caractère infamant d’avant l’ère de la “réconciliation nationale”. Il est même créateur de droits que les paisibles citoyens n’ont pas. Il ne faut pas s’étonner que cet état de chose suscite des vocations.

On a voulu faire oublier les crimes du terrorisme pour les besoins d’un compromis tactique, voici le pouvoir contraint de s’aveugler devant la réalité d’une guerre qui lui rappelle que le compromis est unilatéral et que, de ce fait, il n’a pas eu lieu.

À force de maltraiter la mémoire, la mémoire nous joue des tours. L’attentat contre l’Académie de Cherchell est, à ce sujet, significatif. Il rappelle les procédés par lesquels le pouvoir, usant de tactique, maintient le pays dans d’aventureuses confusions historiques et politiques : il a visé le mess d’une prestigieuse institution de défense nationale qui renferme, aussi, une bibliothèque récemment baptisée au nom de Mohammedi-Saïd, certes officier de l’ALN, mais membre fondateur du… FIS.

Mustapha Hammouche

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Commentaires (2) | Réagir ?

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FERHAT AIT ALI

Et moi qui pensait que le gouvernement Algerien etait payé pour combattre et reduire le Terrorisme, j'en suis pour mes frais, il le condamne sans en definir les auteurs et soutiens ideologiques, au prix que cela coute, c'est plutot maigre comme service, moi je ne condamne pas cet acte, je condamne ses auteurs, commanditaires, souteneurs et protecteurs, mais surtout ceux qui nous empechent par le crime et l'esbroufe de se debarraser definitivement des Terroristes, qui en fin de compte les servent en faisant oublier l'autre forme de terrorisme, celle de l'incompetence et de la forfaiture faites pouvoir.

à un bas niveau de decision il n y a que des victimes algériennes d'une spirale dans laquelle elle evoluent et agissent sans en avoir les commandes, et à un haut niveau des deux parties, il n y a que des criminels qui se fichent comme d'une guigne du reste des enfants du peuple, la vie du gosse kamikaze, ne vaut pas plus pour l'émir hirsute et monstrueux, que celle du jeune officier pour le général obèse, obséquieux, incompetent et predateur, les deux vivent du sang du peuple, même s'il y a plusieurs silhouettes de vampires ils ont tous le même régime alimentaire.

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khelaf hellal

Apparemment c'est une guerre de leadership que se livrent les deux parties en conflit, elles n'arrivent pas encore à s'entendre sur le partage du pouvoir et la cohabitation pacifique. Une bibliothèque de la prestigieuse école militaire de Cherchell baptisée au nom de Mohammedi Said, ça veut tout dire. Entre les deux, le malheureux quidam de la rue ne sait plus à quel saint se vouer, il se demande si quelque part ce n'est pas une sorte de comédie tragique qui se déroule devant ses yeux et ou les deux parties belligérantes visent le même objectif tout en assumant chacune son rôle et ses pertes sans avoir à les déplorer ni présenter ses condoléances. Un jeu de massacre à double sens ou chaque partie veut amener l'autre à la reconnaitre et vice-versa pour la fusion d’intérêts et le partage du même but, chacune des deux parties a en fait le coeur qui bat la chamade dès qu'il s'agit de s'unir pour accaparer du pouvoir.