Maroc: le roi engage son pays vers une monarchie constitutionnelle
"Entre le discours royal du 9 mars, dans lequel il avait promis des changements, et aujourd'hui, trois mois se sont écoulés sans qu'il y ait le moindre acte politique important", a déclaré à l'AFP le politologue Pierre Vermeren.
Le roi du Maroc Mohammed VI doit présenter vendredi soir une réforme de la constitution très attendue qui réduit certains de ses pouvoirs politiques et religieux et qui sera soumise à référendum en juillet.
Ce nouveau projet de réforme, dont l'AFP a obtenu une version en arabe, propose notamment un renforcement des pouvoirs du Premier ministre qui deviendra "le président du gouvernement", à l'instar du chef du gouvernement espagnol.
Il élargit le champ de compétences du Parlement, tout en préservant au souverain d'importantes prérogatives politiques.
Son statut de Commandeur des Croyants est ainsi préservé et en fait la seule autorité religieuse du royaume.
Le 9 mars, Mohammed VI, 47 ans, avait promis des réformes politiques pour répondre aux attentes des jeunes manifestants du Mouvement du 20 février.
Le nouveau projet constitutionnel prévoit de garantir l'indépendance de la justice vis-à-vis des pouvoirs législatif et judiciaire, et permet au "Premier ministre de nommer aux fonctions civiles et dans les administrations publiques, dans les fonctions supérieures et les institutions, ainsi que les entreprises publiques" (article 91).
Ces pouvoirs de nomination, qui concernent les hauts fonctionnaires civils de l'Etat, sont exercés par le roi Mohammed VI en vertu de l'actuelle constitution marocaine.
Les domaines de compétence du parlement sont également élargis dans le nouveau projet de la constitution. Ils comprennent notamment "l'amnistie générale" (article 71 du nouveau projet), qui est jusqu'à présent du seul ressort du monarque.
En matière religieuse, le projet de réforme constitutionnelle prévoit également la suppression de la disposition qui considère le caractère " sacré " de la personne du roi.
Elle a été remplacée dans l'article 46 du nouveau projet par l'expression: "L'intégrité de la personne du roi ne peut être violée".
Cette nouvelle expression est "différente par rapport à la première. Car le terme +sacré+, surtout en arabe, a une forte connotation religieuse", a indiqué à l'AFP le politologue Mohamed Darif.
"Cette nouvelle formule ne cherche pas à donner une dimension religieuse à la personne du roi mais elle met plutôt en exergue ses responsabilités politiques", ajoute M. Darif.
La nouvelle constitution doit également confirmer que l'Islam reste la religion de l'Etat et que la liberté de culte est garantie.
Le roi reste aussi le chef des armées et dispose du pouvoir d'accréditer les ambassadeurs et les diplomates.
Vendredi, la presse annonçait l'intervention du souverain: "Trois mois après son discours +historique+, le roi Mohammed VI s'adresse une nouvelle fois aux Marocains", titre "Au Fait", le quotidien francophone le plus lu au Maroc.
Le journal arabophone Al Massae (indépendant, plus de 100.000 exemplaires vendus par jour) insiste sur le fait que la "nouvelle constitution préserve le caractère islamique de l'Etat et protège la langue arabe".
L'intervention du roi de vendredi est d'autant plus attendue que l'impatience a grandi depuis son discours du 9 mars, souligne un expert.
"Entre le discours royal du 9 mars, dans lequel il avait promis des changements, et aujourd'hui, trois mois se sont écoulés sans qu'il y ait le moindre acte politique important", a déclaré à l'AFP le politologue Pierre Vermeren.
La nouvelle loi fondamentale doit par ailleurs désigner le berbère comme langue officielle à côté de l'arabe dans ce royaume de 32 millions d'habitants.
Une grande partie de la population marocaine s'exprime dans l'un des trois dialectes de la langue amazighe, qui est défendue par la grande majorité de la société civile.
AFP
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