L’Algérie serait-elle membre de l’Organisation mondiale du commerce en 2012 ?

L’Algérie serait-elle membre de l’Organisation mondiale du commerce en 2012 ?

Le ministre algérien du Commerce vient d’affirmer le 9 juin que l’Algérie serait membre de l’OMC pour bientôt ayant déjà participé à 10 ronds de négociations et répondu à 1640 questions. Mais sur les 96 autres questions restantes, 13 stratégiques restant en suspens. Pour rappel depuis 2009 l’Algérie a vu une réorientation de sa politique socioéconomique qui va à contrecourant des principes régissant l’OMC. Comme les scandales de corruption à répétition, la généralisation du Credoc et un nouveau code des marchés publics donnant la préférence nationale à 25% aux opérateurs locaux, l’encadrement de l’investissement étranger avec les 49/51%, la demande de révision de l’Accord d’association avec l’Union européenne pour les tarifs douaniers, l’intensification de la dépense publique via la demande sociale pour la paix sociale et non le couple savoir/entreprises, avec le retour au tout Etat, mais une instabilité juridique et le manque de visibilité dans la politique socio-économique, la dominance de la sphère informelle et un système financier est totalement déconnecté du système financier international.

Face à un tissu productif tant public que privé peu enclin au management stratégique et vivant de la rente du transfert des hydrocarbures, quels sont les enjeux de l’adhésion de l’Algérie à l’OMC ?

1. Les accords avec l'OMC, qui s'inscrivent dans un espace mondial concernant uniquement le volet économique, reprennent les grandes lignes de l'Accord qui lie l'Algérie depuis le 1er septembre 2005 à l'Europe, ancré dans le processus de Barcelone, qui s'inscrit dans un espace régional mais en incluant des volets politiques et culturels. Ces accords qui précèdent ont des incidences stratégiques sur le devenir tant de l'économie que de la société : interdiction du recours à la "dualité des prix" pour les ressources naturelles ; élimination générale des restrictions quantitatives au commerce (à l'import et à l'export) ; normes de qualité pour protéger la santé tant des hommes que des animaux (règles sanitaires et phytosanitaires) ; obligation d'observer les règles de protection de l'environnement dans l'usage de l'énergie pétrolières ; mesures concernant la liberté des mouvements de capitaux (transfert de profits), la propriété intellectuelle dont la protection est une condition essentielle de l'investissement direct étranger et du développement de la sphère réelle nationale afin de lutter contre le piratage et, donc, l'intégration de la sphère informelle. D'une manière générale, l'adhésion de l'Algérie à l'OMC lui imposera l'ouverture des frontières et la spécialisation accrue suscitée par la mondialisation. Les accords avec l'Union européenne et ceux de l'OMC prévoient de développer les échanges en mettant en place les conditions de la libéralisation progressive des échanges de biens, de services et de capitaux. Il s'ensuit que l'Algérie devra procéder au démantèlement des droits de douanes et taxes pour les produits industriels et manufacturés sur une période de transition ; les relations de partenariat entre les deux parties seront basées sur l'initiative privée; tous les monopoles d'Etat à caractère commercial sont ajustés progressivement de manière à garantir que pour la fin de la cinquième année après l'entrée en vigueur de l'accord, il n'existe plus de discrimination en ce qui concerne les conditions d'approvisionnement et de commercialisation des marchandises entre les ressortissants des Etats membres. Ces accords devraient donc faire passer les industries algériennes du statut d'industries protégées à des industries totalement ouvertes à la concurrence internationale avec la suppression totale des obstacles tarifaires et non tarifaires, posant d'énormes défis aux entreprises industrielles algériennes.

2. L'Algérie se doit d'être attentive à la nouvelle stratégie énergétique qui semble se dessiner au niveau mondial. Elle doit donc tenir compte de l'ensemble des paramètres et variables qui traceront la future carte énergétique du monde, dont le gaz non conventionnel, les énergies renouvelables, du devenir du nucléaire qui bouleversent l’échiquier mondial depuis la catastrophe nucléaire au Japon, carte qui aura un impact certain surtout que le prix futur du cours des hydrocarbures , sera fondamentalement déterminé par la future politique énergétique des USA, de l’Europe et accessoirement de la Chine Donc si l'entrée de l'Algérie dans le cadre de l'OMC ne peut avoir que peu d'impact sur le marché du pétrole, il en va autrement des produits pétroliers qui vont être soumis à la concurrence internationale. Ainsi la dualité des prix - mesure par laquelle un gouvernement maintient des prix internes a des niveaux plus bas que ceux qui auraient été déterminés par les forces du marché et les restrictions à l'exportation - ne peut plus être de mise dans un contexte de libéralisation des échanges commerciaux. Un des éléments d'achoppement des négociations, outre l'importance de la sphère informelle (Etat de droit) et la faiblesse des réformes allant vers l'économie de marché concurrentielle loin de tout monopole, qu'il soit public ou privé, est la dualité du prix du gaz pour des unités destinées à l'exportation, qui fausserait la concurrence internationale, l'argument du ministère de l'Energie postulant que ce prix couvre le prix de revient n'ayant pas convaincu à ce jour notamment les USA et l'Europe. Car en cas d'adhésion, les produits pétroliers, principalement les carburants, ne pourront plus bénéficier de prix brut à l'amont inférieur aux prix internationaux. L'accord insiste sur l'ouverture à la concurrence du marché des services énergétiques qui concernent toutes les activités, de l'exploration jusqu'à la mise à la disposition du produit au consommateur en passant par la production et le transport. L’environnement considéré comme un bien collectif est un domaine privilégié de coopération, l'objectif étant la préservation des équilibres écologiques, exigeant de mettre en place des normes de qualité de plus en plus strictes, l'Algérie devant s'engager à mettre progressivement en œuvre les différentes recommandations des chartes sur l'énergie et l'environnement.

3. L’adhésion ou pas à l’OMC dépendra grandement des rapports de forces internes (donc politiques) et surtout d’une réelle volonté clarification de la trajectoire future d’une libéralisation maitrisée de l’économie algérienne pour une efficacité économique couplée avec une profonde justice sociale évitant cette concentration excessive du revenu national au profit d’une minorité rentière et donc une lutte efficace contre la corruption qui pend une proportion dangereuse , ceci étant non une question de lois déjà nombreuses mais de pratiques sociales renvoyant à l’urgence d’une gouvernance rénovée. Evoquer uniquement la situation mono exportatrice ne tient pas la route, les principaux pays de l’OPEP étant déjà membre de l’OMC. L’ensemble de ces contraintes, imposées tant par les accords d'association que de l'OMC pourront-elles arrimer l'économie algérienne à l'économie mondiale et jouer le rôle d'un important facteur d'entraînement du développement économique et du progrès social? C'est que la nouvelle politique économique algérienne devra mieux articuler le jeu du marché et l'action de l'Etat fondamental en tant que régulateur dans son rôle d'encadrement macroéconomique et macrosocial, au sein d'un espace équilibré et solidaire, le défi étant l'arrivée massive sur le marché du travail de millions de jeunes dans les deux prochaines décennies. La question qui se pose alors est celle de la possibilité de modifier le régime de croissance pour atteindre un double objectif, aujourd'hui apparemment contradictoire. D'une part, créer les emplois nécessaires, d'autre part, améliorer la compétitivité internationale tout en distribuant davantage de revenus, notamment par le canal de la productivité des facteurs. C'est que la structure productive actuelle rend la croissance volatile et soumise aux chocs externes, la ressource financière, l'importance des réserves de change n'étant pas synonyme de développement. La position extérieure de l'Algérie reste dominée par la faiblesse inhérente à sa spécialisation dans les hydrocarbures, (production et exportations hors hydrocarbures à moins de 2%) n'ayant pas de prise sur ses propres comptes extérieurs, qui ne dépendent que des cours du pétrole/gaz et du taux de change du dollar, le PIB par habitant évoluant de manière chaotique. Disposant d'une richesse naturelle éphémère, l'Algérie doit à la fois préserver cette ressource pour les générations futures et progressivement trouver des sources de revenus différents. Il s'ensuit que les niveaux de croissance nécessaires pour entraîner une amélioration significative de la situation, estimés à 8/9% par an jusqu'en 2015/2020, semblent difficiles à atteindre à court terme. Pourtant, la concrétisation des réformes, étant dans cette interminable transition depuis 1986, (neutralisation des rapports de force autour de la distribution de la rente qui permet une cohésion sociale fictive), par une meilleure gouvernance et visibilité dans la démarche, menée avec détermination et pragmatisme, devrait permettre à l'Algérie, du fait de ses potentialités et de sa situation géographique, de jouer le rôle de pays pivot au niveau de la région passant d’ailleurs par l’intégration maghrébine au sein de l’Afrique du Nord et l’orientation de son appareil économique de cette région vers son espace social naturel qui est l’Afrique.

Professeur Abderrahmane Mebtoul

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Commentaires (3) | Réagir ?

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oziris dzeus

Elle fera partie des pays disparus ou noyés dans verre d'eau.

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Habib Djarmouni

Où il vit ce Mebtoul? L'Algérie aurait des "potentialités de jouer le rôle de pays pivot" au niveau du Maghreb, de l'Afrique. Et pourquoi pas du monde? Le dernier des pays d'Afrique ou presque continue encore de mentir et se voiler la face : demain, sans pétrole, on n'aura rien à bouffer !!! Et l'Algérie qui n'exporte rien veut devenir membre de l'OMC !!! Devenir membre de l'association des commerçants alors qu'on ne fait qu'importer !!! C'est de la folie ! Alors qu'on devrait s'éloigner de cet OMC pour au moins garder notre liberté!

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