France-immigration : Le Sénat adopte le texte sur l'immigration avec des tests ADN
PARIS - Le gouvernement français s'est félicité aujourd'hui de l'adoption par le Sénat du projet de loi sur "la maîtrise de l'immigration" autorisant notamment le recours aux tests ADN mais la gauche ne désarme pas contre un texte jugé contraire à l'esprit de la République. Les critiques sont d'autant plus vives que les sénateurs ont validé une autre mesure combattue par les défenseurs des droits de l'homme : l'interdiction d'accès aux centres d'hébergement d'urgence pour les sans-papiers. Martin Hirsch, Haut commissaire aux solidarités actives, a déclaré que cette disposition "n'est pas acceptable", précisant qu'il espérait trouver un consensus avec le ministre de l'Immigration avant le vote définitif de la loi. "On va se concerter pour trouver autre chose qu'un système qui serait discriminatoire", a-t-il dit sur Europe 1.
Le Parti socialiste a annoncé qu'il demanderait le retrait de l'article sur les tests ADN devant la commission mixte paritaire et qu'il l'attaquerait devant le Conseil constitutionnel s'il était définitivement voté.
Dans un communiqué, le PS estime que cet article a été "condamné politiquement à droite comme à gauche, moralement, notamment par les églises, socialement par tous ceux qui se mobilisent dans la société française."
Jeudi, le Comité consultatif national d'éthique a estimé dans un avis très critique que l'article sur les test ADN était "en contradiction avec l'esprit de la loi."
Le gouvernement ayant demandé l'urgence, une commission mixte paritaire (CMP) sera convoquée le 16 octobre au Sénat. La CMP, où la droite est majoritaire, devrait parvenir à un accord sur un texte commun aux deux assemblées qui sera soumis le 23 octobre aux députés et sénateurs pour son adoption définitive.
A en croire un sondage CSA publié vendredi dans Le Parisien, les Français sont partagés sur les tests ADN pour vérifier la filiation des candidats au regroupement familial, 47% jugeant qu'il s'agit d'une bonne chose et 45% étant d'un avis contraire.
Le ministre de l'Immigration, Brice Hortefeux, a estimé pour sa part être parvenu à une "version utile, constructive, protectrice" de l'article sur la possibilité de tests ADN.
"IL Y A DE LA HAINE"
"Il y a un certain nombre de garanties, un certain nombre de garde-fous qui ont été adoptés, ce qui permet d'aboutir à un texte équilibré", a-t-il dit sur France Info.
Le ministre a confirmé implicitement que cette mesure ne s'appliquerait pas d'emblée à l'Algérie, au Maroc et à la Tunisie.
Selon la dernière version du texte, qui vise à mieux encadrer le dispositif, les tests ADN devraient être approuvés par un juge français. Ils ne concerneraient en outre que la filiation avec la mère, seraient gratuits et ne seraient employés que pendant une période probatoire, jusqu'en 2010.
Dans un éditorial, le journal Le Monde daté du 6 octobre estime que les sénateurs, après les députés "ont fini d'esquisser le visage le plus inquiétant de la France" et qu'il y a "de la haine dans cette course à l'ADN."
"S'il advenait que ce texte soit maintenu au sortir de la commission mixte paritaire prévue le 16 octobre, alors il faudrait acter que notre pays a fait litière de son histoire et de sa géographie au détriment des étrangers", écrit-il.
L'ancien Premier ministre socialiste Laurent Fabius a estimé pour sa part que le gouvernement voulait à tout prix faire passer cette nouvelle loi pour masquer ses difficultés économiques et sociales.
"Ce qu'a voulu le gouvernement (...) c'est qu'on pose comme principe - moi je mets les pieds dans le plat - qu'au fond l'immigrant c'est un délinquant potentiel", a-t-il dit.
Laurent Fabius a jugé "absurde" la disposition privant les étrangers en situation irrégulière d'hébergement d'urgence.
"C'est le produit de toute une série de lois, quatre en quatre ans. Ce qui prouve que ce que recherche la droite, ce n'est pas de traiter la question, c'est d'utiliser ça comme une espèce de bouton qu'on gratte", a-t-il dit sur LCI.
L'association Terre d'Asile regrette l'adoption d'un amendement "instaurant la possibilité d'un référentiel ethno-racial". Mais elle approuve d'autres dispositions votées par le Sénat, comme de porter à 48 heures le délai de recours pour les étrangers ayant fait l'objet d'un refus d'entrée sur le territoire ou la restauration du délai de recours d'un mois pour les demandeurs d'asile rejetés de leur demande.
Reuters
Commentaires (2) | Réagir ?
J'espère dans le cas où nos Zimigris sont concernés par ces tests ADHaine, que notre cher gouvernement obligent aussi un test d'ADN pour les Français. Je vois bien Monsieur Ould Abbas comme ministre de l'ADN. Je suis sûr qu'il s'entendra très bien avec Brice.
Expulsions: le témoignage du malaise dans les préfectures
Par Henri Sérojtano (Journaliste) 12H10 05/10/2007
Objectifs hors d'atteinte, pressions, obstacles administratifs... le ras-le-bol monte jusque dans les préfectures.
"Ca devient du harcèlement moral. " Ce cadre de préfecture, dans un département rural, ne mâche pas ses mots. Pour tenir les objectifs -Brice Hortefeux a fixé à 25000 le nombre d'étrangers en situation irrégulière à expulser avant la fin de l'année- il faut nourrir une machine administrative et judiciaire d'une complexité inouïe. Les préfets mettent la pression sur les troupes. A tous les étages. Il faut aller chercher les immigrés en situation irrégulière dans les coins les plus reculés. Pour un résultat final peu probant. Après les policiers, les gendarmes et les magistrats, les agents des préfectures expriment leur nausée.
Voici son témoignage:
Nous sommes en situation de harcèlement moral. Cela fait en gros cinq ans que cela dure (depuis l'arrivée de Nicolas Sarkozy Place Beauvau, ndlr). Dans notre petit département, le taux d'immigrés dans la population est inférieur à la moyenne nationale. Nos objectifs sont peu élevés par rapport aux grandes villes. Pourtant, même chez nous, tout le monde craque au bureau des étrangers.
Pourquoi? Procéder à l'expulsion des étrangers est dur humainement. Surtout quand il s'agit de démunis -soit la quasi-totalité d'entre eux. Il y a aussi les convictions personnelles de chacun en la matière.
Il y a surtout le sentiment de perdre son temps. Avant tout, le bureau des étrangers s'occupe de l'accueil des étrangers, du renouvellement des titres de séjour, des étudiants, des travailleurs qui viennent régulièrement, de donner des papiers aux conjoints de Français après leur mariage... Bref, participer à l'intégration des étrangers sur notre sol.
Garanties juridiques très fortes
Aujourd'hui, les procédures d'expulsion mangent notre agenda. Pour un résultat souvent nul.
Pratiquement la moitié de nos procédures échouent. D'un point de vue purement administratif et objectif -sans même se placer au niveau de la morale-, ce système est complètement absurde dans son fonctionnement. Et au final contre-productif.
On nous fixe des obligations de résultats chiffrées sans nous donner les moyens d'y parvenir.
Tout simplement parce que l'étranger en situation irrégulière bénéficie de garanties juridiques très fortes. Des garanties auxquelles le gouvernement n'a pas voulu s'attaquer. Au moment de son interpellation, le clandestin enclenche une machine administrative très lourde.
Première étape: la préfecture produit un arrêté de reconduite à la frontière. A partir de ce moment, selon la loi, l'étranger ne peut rester en rétention administrative que 48 heures. Impossible avec ce délai de lui trouver un billet d'avion comme un laissez-passer de son consulat. Donc on demande un prolongement de la rétention. Celle-ci ne peut se faire que dans un centre de rétention administrative (CRA). Il n'y en a pas chez nous. Le premier est à 250 kilomètres.
Mais avant de trouver une place en CRA, il faut obtenir cette prolongation du juge des libertés et de la détention, le JLD. C'est là que ça se corse. Souvent, le JLD, pour une raison ou une autre, casse notre procédure. Ils trouvent tous les prétextes: l'interprète n'a pas signé les bons papiers, la personne interpellée n'a pas pu téléphoner, etc.
Si la procédure est cassée à cette étape, tout le travail de la police ou de la gendarmerie -qui gardent les clandestins jour et nuit- est réduit à néant.
Le procureur peut faire appel de la décision du juge, mais il n'a que quatre heures pour le faire. Quatre heures, c'est très court, et il faut prouver que la personne représente une menace à l'ordre public. Le procureur doit démontrer que le rétenu risque de s'échapper dans la nature si on le relâche. La cour d'appel peut quand même parvenir à annuler l'ordonnance du JLD. Entraînant une prolongation de quinze jours de la détention.
Inégalités selon la nationalité
Tout n'est pas fini. Il faut trouver une place en centre de rétention administrative à la personne en cours d'expulsion. Souvent, il n'y a plus de place. Nous sommes alors obligés de relâcher tout le monde. Donc nous passons une grande partie du temps à tenter de décrocher des places en centre de rétention administrative, parfois à l'autre bout du pays. Concrètement, cela représente des dizaines de coups de fil, de fax, de bordereaux à remplir. Des heures de travail.
Souvent, l'individu doit aussi comparaître devant des instances éloignées géographiquement (tribunal administratif, cour d'appel, etc.). Sans compter le passage obligatoire au consulat, en région parisienne mais aussi parfois dans le sud du pays. Le consulat de Turquie se trouve ainsi à? Marseille. Pas très pratique si la personne a été interpellée dans le Nord?
C'est ainsi que de nombreux détenus sont trimballés en fourgon de police ou de gendarmerie pendant quinze jours et font le tour de France. Le temps d'attendre que les juridictions statuent.
Certains arrivent au bout de la procédure et arrivent à Roissy. On connaît l'histoire: certains refusent d'embarquer. C'est un délit. Ce qu'on sait moins, c'est que les tribunaux compétents -ceux de Roissy- sont débordés. Et refusent de condamner. La plupart du temps, les réfractaires sont donc relâchés.
Le plus dur: tous les expulsables ne subissent pas le même sort selon leur nationalité. Prenons les Russes. Leur ambassade leurs refusent systématiquement tout laissez-passer pour retourner au pays. C'est comme ça. Du coup, quand les gendarmes ou les policiers en arrêtent, ils les relâchent.
On rencontre le même genre de "problème" avec l'ambassade chinoise. C'est très difficile d'obtenir des papiers pour pouvoir expulser quelqu'un vers Pékin. On a aussi rencontré le problème avec certains Etats africains. Comme la Côte d'Ivoire, quand les relations avec la France étaient particulièrement tendues. La non-remise de laissez-passer devient alors une arme diplomatique. Une mesure de représailles. Les Turcs en jouent de plus en plus, avec l'opposition de la France à l'entrée dans l'UE, la reconnaissance du génocide arménien, etc.
On se retrouve donc avec une population de "ni-ni": ni régularisables, ni expulsables. Une situation grotesque. Et qui va en s'aggravant. Dans le silence le plus total. Car ce genre d'informations circule vite chez les candidats au départ fuyant la misère. On le sait, c'est devenu un argument promotionnel pour les passeurs: "Partez en France, ils vous garderont... "
La France peut faire pression sur certains pays pour obtenir davantage de laissez-passer, mais pas sur des Etats stratégiques comme la Russie ou la Chine. En revanche si vous êtes d'Afrique sub-saharienne...
Même à 25000 par an, il faudrait vingt ans
Tout cela représente une énorme galère. Pour pas grand-chose. Il y a probablement 400000 ou 500000 sans-papiers en France. Même si on en expulse 25000 par an, il faudrait attendre vingt ans. D'ailleurs pour cette année on est encore loin de l'objectif? Début octobre, nous en sommes à 13000 éloignements d'étrangers en situation irrégulière.
Mais même 25000 expulsions par an résoudraient-elles le problème, compte-tenu des arrivées? Probablement pas. Cet objectif chiffré ne tient pas la route. On sait bien que le principal moteur de l'immigration, c'est la misère et l'absence de libertés dans nombre de pays.
On sent le même ras-le-bol chez les policiers et les gendarmes. Comme nous, les expulsions leur prennent un temps considérable. Comme nous ils ont l'impression, pendant ce temps, de ne pas "faire leur boulot". On nous demande sans arrêt de couper dans nos budgets, et on fout de l'argent par les fenêtres. Imaginez toutes ces heures payées pour des procédures souvent vouées à l'échec? Nous avons le sentiment de servir de vues politiciennes à court-terme. C'est déprimant.