Yémen : La révolution des paradoxes
Trois travailleurs humanitaires français, dont une femme, sont portés disparus dans le sud est du Yémen. Le pays sombre dans le chaos et le président accuse l’opposition de mener le pays à une guerre civile.
À peine un an après l’éradication de la rébellion Houthie au Nord du pays, qui a provoqué la mort d’environ 6000 personnes, le Yémen se retrouve, à nouveau, dans l’œil du cyclone. Des milliers de manifestants maintiennent depuis la fin du mois de février la pression, et réclament le départ du président Ali Abdullah Saleh, qui gouverne depuis plus de 32 ans.
Les révolutions tunisienne et égyptienne inspirent le reste du monde arabe. Le changement pacifique se propage d’un pays à un autre. Et le peuple yéménite veut, désormais, prendre les choses en main et balayer les figurants de la dictature qui ont réussi, au cours des trois dernières décennies, à instaurer la peur et la soumission.
Pareillement à d’autres révolutions arabes, tout a commencé, au Yémen également, sur Internet. Des appels à des manifestations et des messages de soutien et d’encouragement à un soulèvement populaire ont envahi les réseaux sociaux au début du mois de février. La rage et le ras-le-bol massif ont complété le menu. À savoir que l’état des Droits de l’Homme dans le pays est très alarmant (selon HRW). La torture et les condamnations sans procès sont toujours appliquées. Ajoutant à cela la situation socio-économique très précaire dans laquelle baigne la majorité de la population (environ 21 millions d’habitants).
Semblable à la place « Tahrir » du Caire, la place du « Changement » dans la capitale Sanaa est devenue l’épicentre et le carrefour du mouvement contestataire, mené principalement par des jeunes groupes militants et des organisations estudiantines. C’est là que les manifestants tiennent leurs réunions quotidiennes, tracent leurs plans et griffonnent leurs pancartes et leurs banderoles. C’est aussi là qu’ils se sont opposés à la provocation des pro-Abdullah Saleh et à la répression de la police qui, en réagissant violemment a tué plus de 52 personnes par tirs, le vendredi 18 mars dernier. Un massacre qui a, encore plus, dramatisé la situation et suscité des réactions de toutes parts, poussant ainsi certains dirigeants politiques et des militaires à rejoindre l’opposition et à soutenir les jeunes contestataires.
Le lendemain du massacre, des dizaines d'officiers ont annoncé leur ralliement en masse à la contestation contre le président et des chars ont été déployés à des endroits stratégiques de Sanaa. Les ambassadeurs du Yémen en Arabie Saoudite et au Koweït ont aussi décidé de se joindre au mouvement de contestation.
"J'annonce mon soutien à la révolution des jeunes et au changement au Yémen", a déclaré l'ambassadeur en Arabie Saoudite, Mohammad Ali al-Ahwal. L'ambassadeur yéménite au Koweït, Khaled Rajeh Cheikh, a annoncé pour sa part dans un communiqué qu'en raison "des pratiques sanglantes à l'égard des protestataires", il se joignait "à la révolte des jeunes" et soutenait leurs revendications.
En outre, le principal chef tribal, cheikh Sadek al-Ahmar, a demandé au président Saleh de se retirer, joignant sa voix à celles de dignitaires traditionnels et religieux, dont le rôle est déterminant dans le pays.
Le président Ali Abdullah Saleh ne trouve aucun moyen pour apaiser la pression populaire. Il décrète, contre le gré de la majorité des députés, l’Etat d’urgence (164 ont voté pour, dans un parlement comptant 301 députés), accusant les groupes d’opposition de mener le pays à une guerre civile. De son coté, le secrétaire américain à la Défense, Robert Gates, avait souligné que l'instabilité au Yémen pouvait entraîner un relâchement de la lutte contre Al-Qaïda dans un pays considéré comme un des plus importants foyers des activistes islamistes.
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