Algérie - France : ami-ami ou business-business ? 3. La percée de l'Italie et de la Chine
Malgré cela, il faut reconnaître que les relations économiques entre l’Algérie et la France, malgré des discours de bonnes intentions, sont loin des attentes entre les deux pays se limitant essentiellement des hydrocarbures pour la partie algérienne, les services notamment bancaires, l’agroalimentaire, les produits pharmaceutiques et les produits issus de l’industrie automobile pour la partie française, alors que les potentialités sont énormes. Il y a effectivement des aspects politiques qui freinent ces échanges. Il appartient aux historiens algériens et français d’en faire l’écriture objective et je salue les importants travaux d’un algérien Mohamed HARBI et un français Benjamin STORA. Mais il faut être conscient que les nouvelles relations internationales ne se fondent plus essentiellement sur des relations personnalisées entre chefs d’Etat mais sur des réseaux et organisations décentralisés à travers l’implication des entreprises et de la société civile qui peuvent favoriser la coopération, le dialogue des cultures, l’émigration ciment de l’inter culturalité pouvant être un vecteur dynamisant. Certes les échanges commerciaux sont en hausse mais demeurent figés dans leurs structures. Malgré une bonne évolution, ces échanges sont dérisoires comparées aux exportations et importations des deux pays. La France dans bon nombre d’affaires en Algérie est devancé par l’Italie et la Chine qui prennent des parts de marché de plus en plus en plus importants. C’est que dans la pratique de affaires il n’y a pas de fraternité, de sentiments et l’Algérie doit privilégier uniquement ses intérêts, comme c’est le cas de la France, les opérateurs qu’ils soient arabes, algériens chinois, français ou américains étant mus par la logique du profit maximum et ils iront là, où sous réserves des contraintes socio-politiques et socio-économiques, ils peuvent réaliser ce profit maximum.
Les mesures du gouvernement des 49/51% freinent t-elles cette coopération ?
Du fait des interactions entre le politique et l’économique en Algérie, bien qu’avec l’internationalisation des flux réels et financiers portés par les firmes transnationales, l’analyse en termes d’Etats Nations devant être atténuée, la portée de l’extension ou de la limitation de l’investissement étranger ne saurait se comprendre sans analyser les rivalités entre les USA, l’Europe avec un rôle particulier pour la France pour des raisons historiques, la Russie et la Chine de plus en plus présente en Algérie. Le rôle dynamisant ou bloquant des acteurs internes et externes dialectiquement lié ne saurait être occulté. Pourtant, je me limiterai à l’analyse économique. Outre que pour toute soumission des investisseurs étrangers, la préférence nationale a été portée de 15 à 25% selon le nouveau code des marchés signifiant que même si le cout est 25% plus cher pour la réalisation de tout projet, la priorité sera donnée à l’entreprise algérienne, pour le commerce. La loi de finances complémentaire 2009 avalisée par celles de 2010/2011 prévoit pour le commerce 30% au maximum pour les étrangers et 70% pour les nationaux. Pour l’agriculture la nouvelle loi foncière 2010 restreint presque toute activé pour les étrangers. Concernant l’encadrement de l’investissement étranger dans les services, BTPH et industries y compris les hydrocarbures, le privé étranger doit avoir au maximum 49% et le local 51%. Par ailleurs, l’Etat algérien a introduit des changements entendant faire prévaloir le droit de préemption et que «toute transaction qui ne respecte pas les dispositions légales ne sera pas avalisée par les pouvoirs publics et sera déclarée nulle et sans effet »invoquant l’article 62 de la loi de finances complémentaire de 2009 qui stipule que «l'Etat ainsi que les entreprises publiques économiques disposent d'un droit de préemption sur toutes les cessions de participations des actionnaires étrangers ou au profit d'actionnaires étrangers». Le texte législatif stipule que l’effet rétroactif de la règle 51% et de 49% est susceptible d’être généralisée pour les opérateurs étrangers ayant investi en Algérie avant 2009. En vertu des dispositions de la loi de finances complémentaire 2010, toute augmentation ou modification de la structure de capital, et tout accroissement du nombre d’actionnaires de la part des entreprises étrangères détenant plus de 51 % des actions, seront contraintes de recevoir un ou plusieurs actionnaires des entreprises nationales à raison de 51% du capital. D’autres dispositions sont également prévues comme l’introduction dans les cahiers des charges des appels d'offres internationaux d’un engagement de l'entreprise étrangère soumissionnaire, que pour obtenir des contrats publics, les groupes étrangers devront dans l’avenir s’engager à investir en Algérie dans le cadre d’un partenariat avec une entreprise locale, les cahiers des charges des appels d’offres internationaux devant prévoir l’obligation, pour les soumissionnaires étrangers, d’investir dans le cadre d’un partenariat, dans le même domaine d’activité, avec une entreprise de droit algérien, dont le capital est détenu majoritairement par des nationaux résidents, à ne pas pratiquer la corruption et à se conformer aux lois algériennes en vigueur. La vente des participations des étrangers dans les sociétés algériennes rentrant dans le cade du droit de préemption au profit de l’Etat, introduit dans la loi de finances complémentaire 2009, la cession de participations détenues par des étrangers ou au profit d’étrangers en Algérie sera subordonnée à la délivrance d'une attestation délivrée par le authentifiée par le notaire. En cas de délivrance de l'attestation, l'Etat conserve le droit d'exercice du droit de préemption tel que prévu par le code d'enregistrement en cas d'insuffisance du prix. Comme il ya lieu de signaler qu’en cas de cession se pose le problème de l’application des dispositions de la loi de finances 2009 qui stipule un taux d’imposition à 20% du taux de l’IRG applicable aux plus values de cession de la partie étrangère (article 47 Loi de finances 2009), ainsi qu’un contrôle plus rigoureux des transferts de capitaux à travers la nouvelle réglementation des changes.
Lors du Conseil des Ministres du 25 aout 2010, ces mesures ont été étendues aux banques étrangères complétant l'ordonnance n° 03-11 du 26 Août 2003, relative à la monnaie et au crédit. A ce titre, la Banque d'Algérie est habilitée notamment à demander aux banques et établissements financiers étrangers, toute information requise pour l'établissement de la balance des paiements du pays et de sa position financière, cela concernant particulièrement les mouvements de capitaux réalisés vers l'extérieur et à limiter les opérations réalisée. Les nouvelles dispositions prévoient d’intensifier la lutte contre toute fraude ou malversation dans les opérations réalisées par les banques et établissements financiers étrangers, notamment en ajoutant le délit de corruption aux motifs de prohibition de l'exercice de la fonction bancaire, mandatant l'Institution monétaire à promulguer des règles de bonne conduite et de déontologie applicables aux banques et établissements financiers. En vue de renforcer la transparence dans les activités bancaires, l'Etat algérien détiendra une action spécifique dans le capital des banques et établissements financiers à capitaux privés, grâce à laquelle il sera représenté dans leurs organes sociaux sans droit de vote. Il ya confirmation de l'application aux banques et établissements financiers de la législation nationale en matière d'investissements étrangers. Ainsi il est prévu que toute future ouverture de banque ou d'établissement financier par un investisseur étranger sera conditionnée par la détention de 51% du capital par des actionnaires nationaux et en cas de cession d'une banque ou d'un établissement financier dont le capital est étranger, l'Etat jouit d'un droit de préemption ; enfin toute cession d'actions d'une banque ou d'un établissement financier devra être préalablement autorisée par la Banque d'Algérie. Par ailleurs, certainement suite au rapport de la banque d’Algérie (2009), concernant le taux de profitabilité des banques étrangères a été d'environ 28% pour l’année 2008 (récupération du capital avancé d'environ trois années) encore que ce taux a été ramené 2009 à une moyenne de 24% alors que pour le cas de l'Europe le taux de profitabilité bancaire est d'environ 12% et pour la Tunisie et le Maroc, il est de 15%., les nouvelles dispositions contenues dans la loi de finances complémentaire 2010 annoncent que hors secteur des hydrocarbures, des activités peuvent être soumis à une taxe forfaitaire assise sur les marges exceptionnelles d’un taux qui varie de 30% à 80, élargissant ainsi les dispositions qui étaient appliquées au niveau du secteur des hydrocarbures.
3- Comment améliorer cette coopération ?
L’Algérie sous réserve de la levée des contraintes mentionnées précédemment supposant de profondes réformes micro économiques et institutionnelles, liant réformes et démocratie, une visibilité et cohérence dans la politique socio- économique évitant l’instabilité juridique perpétuelle qui décourage tout investisseur dans le moyen et long terme, expliquant la dominance du commerce et de la sphère informelle qui contrôle plus de 40% de la masse monétaire en circulation et 65% des segments de produits de première nécessité, a toutes les potentialité pour passer d’une économie de rente à une économie hors hydrocarbures, principal défi entre 2011/2020 et devenir un pays pivot au sein de l’espace euro-méditerranéen et arabo-africain passant d’ailleurs par la nécessaire intégration économique maghrébine à laquelle je suis profondément attachée. L’attractivité du marché algérien découle des avantages comparatifs suivants : la proximité géographique des marchés potentiels d’Europe ; d’Afrique et du Moyen Orient ; la taille du marché intérieur estimée à environ 36 millions de consommateurs ; des richesses naturelles importantes (pétrole, gaz), ainsi que d’autres ressources minérales non négligeables, peu ou pas exploitées, notamment le phosphate, le fer et l’or ; des ressources humaines en grande partie jeunes, qualifiées et abondantes. Elle a un stock de la dette inférieur à 4 milliards de dollars, des réserves de change d’environ 157 milliards de dollars et un programme d’investissement 2010/2014 de 286 milliards de dollars et enfin les liens historiques et culturels traditionnels qui unissent l’Algérie et la France. En cette ère de mondialisation avec les grands espaces et les effets de la crise d’octobre 2008 qui aura pour conséquence une importante reconfiguration géostratégique et économique entre 2015/2020, il est dans l’intérêt de tous les pays du Maghreb d’accélérer l’intégration économique, si l’on veut attirer des investisseurs potentiels intéressés non par des micro-espaces mais par un marché de plus de 100 millions d’habitants pour le Maghreb, de 500 millions pour l’espace euro-méditerranéen et 1,5 milliard d’âmes horizon 2020 pour le continent africain. D’ailleurs l’avenir de l’Europe et du Maghreb est en Afrique(1). Dépassionnons les relations entre l’Algérie et la France grâce à un partenariat équilibré et solidaire pour une prospérité partagée loin de tout esprit de domination. L’histoire commune bien que mouvementée nous impose d’entreprendre ensemble.
A. Mebtoul
(1) Contribution du professeur Abderrahmane Mebtoul «le Maghreb dans son environnement régional et international : la coopération Europe/Maghreb face aux mutations géostratégiques mondiales» Institut Français des Relations Internationales (IFRI) Paris France 28 avril 2011(60 pages)
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Commentaires (6) | Réagir ?
Je suis d’accord, l’Algérie est pour les Algériens mais qui sont les Algériens. C’est une grande question des Arabes oui des Berbères aussi et des Romains, d’accord des Turcs oui des Touareg mais qui veut le bien et qui fait du bien pour son pays ? ça c’est la plus grande question 75% des Algériens ne valent pas grand-chose et le résultat est l’Algérie.
La relation France-Agerie c'est ni gagnant gagnant ni rien. La France décide sur ce qu'elle doit prendre en Algérie et combien.