Nous, femmes tunisiennes, deux mois après Ben Ali...
Dans cette contribution, Asma KOUKI, militante du Parti Socialiste de Gauche Tunisien, rappelle Les deux gouvernements formés après la chute de Ben Ali ne répondaient pas aux revendications et aux attentes des femmes tunisiennes et que les revendications des femmes de la Tunisie d’après Ben Ali ne se limitent pas à la protection des acquis mais à conquérir de nouveaux droits et libertés. Notamment l’Egalité réelle entre les hommes et les femmes et la séparation de l’Etat de la Religion ce qui est considéré comme la seule garantie pour ne pas sombrer dans l’obscurantisme et de ce fait un retour en arrière.
Avant de parler de la Révolution du 14 janvier, j’aimerais bien rappeler les évènements du bassin minier et du Redeyef en janvier 2008 dans lesquels les femme ont était partie prenante dans les manifestations (Elles ont été à l’origine des principales grandes manifestations de masse et des sit-in, mais pas seulement : pour réprimer le mouvement, Ben Ali a raflé et emprisonné de nombreux meneurs laissant derrière eux des épouses, des filles et des mères qui ont su soutenir leurs hommes en militant pour leur libération. Ces dernières ont conduit des initiatives sociales. Elles ont assuré au quotidien la cohésion et la solidarité dans la population et au sein des familles, ce qui a permis au mouvement de se développer et de tenir, malgré la répression violente.
N’oublions pas le militantisme des étudiantes de la faculté de la Manouba revendiquant un logement universitaire et une amélioration des conditions dans les facs et les foyers universitaires. D’ailleurs ce mouvement a été réprimé une nouvelle fois par Ben Ali. De nombreux étudiants se sont vus jetés en prison. Le dernier des étudiants prisonniers a été libéré il n’y a que peu de temps après la Révolution Tunisienne.
Par conséquent la femme tunisienne a toujours été présente dans les mouvements sociaux et notamment après le 17 décembre 2010. Nous les avons vues dans les manifestations de Sidi-Bouzid, de Kassrine et de Tella à côté des hommes revendiquant la liberté et la fin d’un régime de corruption et de tyrannie de Ben Ali et de son clan. Ce dernier a essayé de présenter sa femme au monde occidental comme le modèle de la femme tunisienne. D’ailleurs la question des droits des Femmes a été son seul et unique argument pour montrer qu’il était soit disant « un démocrate ». Sachant que c’est Bourgiba et avant lui Tahar Hadad qui ont beaucoup fait pour l’amélioration de la condition de la femme.
Le 14 janvier 2011 nous avons vu les femmes devant le Ministère de l’Intérieur scandant le fameux slogan « Ben Ali dégage » ! Avant cela, elles étaient avec leurs camarades syndicalistes devant le siège de l’UGTT proférant les mêmes protestations. Mais malheureusement elles étaient parmi les premières victimes des répressions policières, qui se traduisent par des viols, des maltraitances, des tirs à balle réelle au sein de manifestations mais également dans les quartiers résidentiels.
Mais les résultats n’étaient pas à la hauteur des espérances et des sacrifices :
Quelles sont les revendications des femmes tunisiennes aujourd’hui et spécialement les femmes du parti socialiste de gauche tunisien (PSGT)
Les deux gouvernements formés après la chute de Ben Ali ne répondaient pas aux revendications et aux attentes des femmes tunisiennes. Elles n’ont eu que trois postes dans le gouvernement ; celui du traditionnel Ministère de la Famille, en plus du Ministère de la Santé et un Secrétariat d’Etat. Ce qui montre que la question de parité est loin d’être réglée. Un long chemin reste à parcourir.
Les revendications des femmes de la Tunisie d’après Ben Ali ne se limitent pas à la protection des acquis mais à conquérir de nouveaux droits et libertés. Notamment l’Egalité réelle entre les hommes et les femmes et la séparation de l’Etat de la Religion ce qui est considéré comme la seule garantie pour ne pas sombrer dans l’obscurantisme et de ce fait un retour en arrière. D’autre part, elles ont appelé le 29 janvier à une marche pour la Liberté et l’Egalité qu’a été contrée par un groupe d’individus (des intégristes et des bondis). Cette bande a agressé physiquement et verbalement avec des slogans rétrogrades les manifestantes en les appelant « à revenir dans leurs cuisines ».
Rappelant aussi que dans cinq villes (Béja, Sousse, Jendouba, Kairouan et dernièrement à Tunis) des groupes d’intégristes ont attaqué les maisons closes, violemment malmené les femmes, exigeant la suppression des maisons closes qu’ils considèrent comme « immorales et contraires aux préceptes de l’islam » et en scandant «non aux lieux de prostitution dans un pays musulman». Ils en ont même muré quelques unes.
Le 12 février une manifestation pour la laïcité et le respect des confessions a été de même contrecarrée par une contre-manif demandant l’établissement d’un Etat religieux. Ceci montre le lien étroit entre les revendications féministes et les aspirations du peuple Tunisien, ainsi que l’attachement indissociable entre laïcité et démocratie.
Certes que la situation de la femme tunisienne est un peu avancée par rapport au monde arabo-musulman grâce à la promulgation en 1956, juste après l'indépendance, du code du statut personnel, il était quasiment révolutionnaire et avant-gardiste en comparaison avec la situation dans les autre pays de la région : interdiction de la polygamie, droit au divorce, droit à l'avortement (à partir de 1961, avant la France, la Suisse et plein de pays), le droit de vote mais la Tunisie traverse depuis la destitution du dictateur Ben Ali, une période de changement et des transformation dans l’ensemble de sa structuration administrative, politique et juridique. Pour cela, le PSG appelle à la vigilance face aux mouvements religieux ou à idéologies totalitaires et sectaires concernant leur positionnement par rapport à la situation de la femme tunisienne et ses acquis.
Le PSG par ses militants et ses militantes est conscient de l’importance de cette étape charnière et réclame la séparation du religieux et du politique ainsi que l’inscription dans la constitution des vrais lois garantissant à la femme tunisienne, dans tous les domaines, des droits égaux à ceux de l’homme ainsi que la parité et l’égalité professionnelle et salariale totale.
Le PSG insiste sur le renforcement de la participation des femmes à la vie politique et au processus de prise des décisions en Tunisie dans cette période de reconstituions parce qu’une société ne saurait se développer et se moderniser réellement si les femmes ne sont pas partie active dans le processus démocratique et parce que on désassocie pas au sien du parti le combat pour la liberté, la laïcité de celui des droits des femmes.
Asma Kouki
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