Chroniques algéroises (3)
Je suffoquais, je crachais mes « Rym » sur les trottoirs abîmés, mais j’étais toujours en mouvement, sacré cœur !
Sacré-Cœur, j’y étais enfin, j’arrivais à la librairie de Vincent, la librairie des beaux-arts, une foule hétéro gène l’accès. Des sécurisés militaires répétant « Houkouma, houkouma », « Gouvernement, gouvernement » pour expliquer leur agressivité, des badauds remplissant des bouteilles… à la fontaine, des journalistes couvrant l’événement.
L’événement : La librairie, une des rares à Alger où l’on peut encore se permettre une érection salutaire devant les couvertures de la collection S.A.S, devait fermer, triste nouvelle. Le bailleur avait unilatéralement décidé (Sur vives suggestions de la ministre de la censure) d’augmenter le loyer du bouquiniste, oh, trois fois rien, dix fois plus !
Debout là, ma tubulure remuant encore (S.A.S oblige), me frayant un chemin, j’accédais enfin à l’intérieur, salué par les portraits de Kateb, de Mekbel et de Djaout, des piles de manuscrits à droite, des pamphlets de gauche, des nues, trois sculptures et une tasse à moitié remplie de café, servie depuis déjà l’avant veille, mais buvable selon l’Algérois moyen.
J’avais tenté de me foutre en l’air, déchiré par le départ de « je ne sais même plus son prénom », j’avais échappé de peu à une autopsie à vif, à une décapitation, je tenais bon, mais là, je craquais.
Les journaleux photographes zoomant en arrière, prenaient des clichés équivoques, les récalcitrants de la « lame gilette » s’étouffaient dans leur fetwa et les barbouzes à moitié ivres ne savaient plus s’ils devaient rire ou interpeller.
Ils ont chargé sans sommation, j’ai couru vers l’issue de secours, l’issue –comme le gérant- était condamnée, j’ai rusé par les sanitaires, une mince ouverture, avec vue sur baie, permettait de s’échapper, le lavabo fuyait et moi aussi…
Salah
Commentaires (1) | Réagir ?
la reference à felicie avec le lavabo, j'ai adoré!