Toronto, le dernier dribble de Bouteflika
A 73 ans, il n’a rien perdu de son talent, celui-là pour lequel il a été choisi par les généraux en 1999, des généraux qui, en brillants esprits, avaient estimé que « l’Algérie avait besoin d’un diplomate habile, familier des grands de ce monde et des hémicycles internationaux afin de dynamiser la diplomatie en butte à l’hostilité et à la désinformation », comme le note Nezzar dans son livre.
Un marchand de paroles ? Un tartarin ? Et après ? C’est même pour cette insigne qualité qu’il a été choisi par les chefs militaires. « Il sait dribbler », aurait dit le général Médiène au docteur Youcef Khatib, candidat à la présidentielle de 1999.
A 73 ans donc, il n’a rien perdu de ses talents, par lesquelles il a su fasciner les militaires, tous plus ou moins handicapés de la langue » et installer la fable du diplomate exceptionnel dans les esprits, exploiter pour lui la grandeur de l’Algérie postrévolutionnaire en se plaçant habilement au centre d’une révolution qui, avec le prestige du GPRA et la guerre de libération, produisait sa propre célébrité, accrochant son nom à « l’Algérie, Mecque des révolutionnaires » et au « dialogue Nord-Sud » comme un jeune en rollers s’accrocherait à un camion pour en bénéficier de la puissance motrice, lit-on dans Notre ami Bouteflika.
A 73 ans, il sait encore dribbler, comme le disait le général Médiène.
Il vient de le démontrer à Toronto, au sommet du G8.
Plaidant pour l'implication de l'Afrique dans la gouvernance mondiale et à l'élargissement du G20 aux pays africains, et cherchant à démontrer que le continent est mûr pour cela, Bouteflika, sans rougir, a rappelé que «la majorité des gouvernements en Afrique sont issus d'élections pluralistes et transparentes et l'Union africaine rejette fermement l'accès au pouvoir par des voies non constitutionnelles».
On ignore de quels gouvernements il parlait. De l’Algérie ? Bouteflika venait de se classer en troisième position dans le Top 10 des dictateurs les mieux élus dans le monde. En se faisant réélire pour un troisième mandat – après avoir trituré la Constitution de 1996 - avec un score de 90,24 %, le chef de l’Etat algérien s’était, en effet, classé brillamment en 3è position dans ce palmarès prestigieux, juste derrière Teodoro Obiang Nguema Mbasogo, l’inamovible maître de la Guinée Equatoriale qui s’était donné 97,1 % des suffrages et Noursoultan Nazarbaïev, le seigneur du Kazakhstan, crédité de 91% des voix. Un simple amendement, adopté par un parlement croupion, préalablement gratifié d’une augmentation des indemnités de ses députés et sénateurs, avait modifié l’article 74 qui limitait le nombre des mandats présidentiels à deux et offrait loisir au président de se présenter autant de fois qu’il le désire. C’est cela ce que Bouteflika appelle être « issus d'élections pluralistes et transparentes ».
Et de quelle Afrique parle-t-il, où «la majorité des gouvernements en Afrique sont issus d'élections pluralistes et transparentes » ? Celle de Kadhafi, autocrate depuis 40 ans sans jamais être élu par qui que ce soit en Libye ? Celle de Teodoro Obiang Nguema Mbasogo, le despote de la Guinée Equatoriale qui s’était donné 97,1 % ? Celle de Bouteflika, « réélu » pour un troisième mandat auquel il n’avait pas droit ? Celle de Bongo père, au pouvoir depuis 1961 avant d’être emporté par la mort ? Ou celle des despotes chevronnés comme Moubarak (élu à 89 %), de Robert Mugabe du Zimbabwe (85,5%), Omar Hassan el-Béchir du Soudan (86,5%), ou celle de Zine el-Abidine Ben Ali, Tunisie: 89,62% ?
Les rares jeunes pays africains qui s’engagent dans la voie difficile de la démocratisation, sont minoritaires et ne se reconnaissent pas dans le discours de Bouteflika.
Puis, dans une feinte admirable qui a laissé pantois ses interlocuteurs, Bouteflika a ajouté : «L'Afrique est au niveau des standards universels en matière de démocratie, d'élections, des droits de l'homme et de lutte contre la corruption»
Ce fut du pur Zidane !
L’homme qui a stoppé l’élan novateur de la société algérienne, décapité l’embryon d’ouverture démocratique en Algérie, réduit la société au silence, violé la Constitution, aligné l’Algérie sur les dictatures arabes et fait le lit d’une kleptocratie, un pouvoir de malfrats, qui dirige aujourd’hui un Etat perverti, vide le pays de sa richesse et se livre aujourd’hui une guerre de gangs, cet homme parle du haut d’une tribune, de « standards universels en matière de démocratie, d'élections, des droits de l'homme et de lutte contre la corruption » !
Il le déclare, sans rougir, alors que retentissent à Alger, ces scandales impliquant des « hommes du président », histoires d’argent sale, alors que des responsables de l’Etat, tous « amis du président », sont gravement mis en cause dans des affaires de détournement de milliards d'euros blanchis dans l'immobilier dans les quartiers chics d'Alger, Paris et Barcelone. Il en parle, sans rougir, alors que le chef de la police, Ali Tounsi, est abattu dans son bureau dans ce qui ressemble à une lutte de clans, que Sonatrach, la tirelire du pays, principale source de revenus en devises, la plus grande entreprise algérienne, 120 000 salariés, 12e compagnie au monde avec un chiffre d’affaires de 80,8 milliards de dollars en 2008, un monopole public qui gère les hydrocarbures et le gaz dans le pays. Sonatrach au cœur du plus gros scandale de corruption qu’ait connu l’Algérie, avec un PDG et 10 cadres dirigeants inculpés par la justice pour divers affaires présumées de corruption et qui, tous, accusent le ministre de l'Énergie, proche du président Bouteflika.
Il parle, avec brio, de « standards universels en matière de démocratie, d'élections, des droits de l'homme et de lutte contre la corruption » alors que des enquêtes visent, à Paris, des chefs d’Etat africains suspectés de détournement de fonds !
Mais tout cela n’empêche pas Bouteflika d’affirmer que si l’Afrique n’a pas progressé encore plus vite c’est parce qu’elle n’a pas reçu tout l’appui promis par ses partenaires du G8. Pas question de parler donc de corruption !
Non, à 73 ans, il n’a rien perdu de son talent, celui-là pour lequel il a été choisi par les généraux en 1999…
Sauf qu’à Toronto, le dribbleur a trouvé à qui parler.
Selon les procès-verbaux des réunions préparatoires, le Canada, pays hôte, a déjà annoncé qu’il ne prévoyait pas de nouvelle aide à l’Afrique avant d’être sûr que les milliards de dollars déjà déboursés ont été bien utilisés.
« Bien utilisés » ?
Voilà qui renvoie le dribbleur au vestiaire.
Manière de signifier que Bouteflika n’est pas habilité à parler au nom de l’avenir, que nul n’ignore que l’Algérie n’est plus qu’un Etat bananier, une autocratie moyenâgeuse, dominée par la rapine et la trique, soumis au règne de la corruption et de la répression, c’est-à-dire aux marqueurs universels de la gestion mafieuse de la chose publique, soumis au régime de l’état d’urgence, où les rassemblements et les manifestations sont interdits, où les journalistes vont en prison, où des journaux indociles sont liquidés, des livres déplaisants brûlés, des écrivains pourchassés, des syndicalistes matraqués…
C’était le dernier dribble…
L.M.
Commentaires (45) | Réagir ?
LES CHAOUIS NE POURRONT PLUS LE COUVRIR PLUS QUE CA LE PRESIDENT BOUTEFLIKA MEME S'ILS SONT LES GRANDS CHEFS DE L'A. N. P EN ALGERIE MR ANTAR. ABDELAZIZ BOUTEFLIKA A ETE LACHES PAR SES MEILLEURS HOMMES DE CONFIANCES Mr NORDINE YAZID ZERHOUNI, Mr CHAKIB KHELIL, Mr HAMID TEMMAR ECT... ET PLEIN D'AUTRES SCANDALE DE L'IMPUISSANCE DE MrBOUTEFLIKA A GERER LE PAYS ENCORE...... LES GENEREAUX CHAOUIS SONT TRES FACHES PAR LA MODIFICATIONS DE LA CONSTITUTION, LE TROISIEME MANDAT DE Mr ABDELAZIZ BOUTEFLIKA, LE SCANDALE SONATRACH, L'AFFAIRE RAFIK KHALIFA, L'ECHEC DE LA DIPLOMATIE BOUTEFLIKA POUR LA NON REPENTANCE DE LA FRANCE ENVERS L'ALGERIE, LES PROBLEMES DE LA REGIONS QUI CHAUFFENT EN KABYLIE, LE CHOMAGE ET LA RUINE DE LA JEUNESSE ALGERIENNE.
ATTENTION ALGERIENS, ALGERIENNE LE GENERALE DE GAULLE DISAIT AUTREFOIS APRES L'INDEPENDANCE DE L'ALGERIE, TOT OU TARD LES ALGERIENS REVIENDRONT CHEZ LES FRANCAIS, CAR LES ARABES NE SAVENT PAS GOUVERNER..........
c 'est vraiment la haine du président qui ressort de votre analyse... dommage que ça ne sert pas l'intérêt de notre cher pays.
Je n'ai aucune sympathie ni aucune accointance avec ce président et son environnement.