Les tirailleurs français de l’équipe d’Algérie
C’est un cas unique dans l’histoire du football. Vingt des vingt-trois joueurs de l’équipe nationale d’Algérie sont nés en France. Sur l’autre rive de la Méditerranée, ils ont un nom, on les appelle les binationaux. A défaut d’un retour définitif comme pouvaient le penser des générations de travailleurs immigrés algériens, leurs enfants leur offrent un retour aux sources pendant cette Coupe du monde. Être derrière ce pays qu’ils ont quitté et être fier de ses origines. Un sentiment à contre-courant au moment où la France s’enferme dans un débat sur sa propre identité.
Ainsi Rabah, père de la star des Fennecs Karim Ziani. Il est choyé à chacune de ses sorties. On l’a rencontré il y a quelques jours dans un restaurant de Belleville. Tout sourire, le tenancier kabyle ne peut se retenir bien longtemps, il fond sur Rabah. L’accolade est chaleureuse. Les mots aussi. «Je vous assure que si Karim vient chez moi, je lui déroule le tapis rouge de Belleville jusqu’à Bab-el-Oued.» Un amour immodéré qui rend heureux Rabah, devenu un incontournable personnage de la communauté algérienne à Paris: «Je suis fier de Karim, dès l’âge de 7 mois, je l’ai emmené en Algérie. Pour moi, les choses ont toujours été claires. Karim jouerait pour les Verts.»
Avant d’en arriver à cette folle statistique footballistique, il a fallu que certains hommes de l’ombre s’activent en dehors du terrain. Distingué, regard pétillant, Karim Yebda sait ce que doit son frère Hassan, champion du monde des –17 ans avec la France en 2001 et désormais milieu des Fennecs, à Rabah Ziani. Il lui a téléphoné avant le départ pour l’Afrique du Sud: «Rabah, c’est votre équipe, vous l’avez construite. Vous avez réussi.» Dix ans que le patriarche Ziani traverse la France à la recherche de talents d’origine algérienne. Une affaire d’argent? Certainement pas, on ne mélange pas le maillot et les billets verts, pour ces derniers, il faut plutôt aller voir du côté des transferts.
Changement de loi
Rabah cultive le patriotisme. Ce sentiment national fort, celui des années 1980 où les joueurs immigrés payaient eux-mêmes leur billet d’avion pour aller défendre le drapeau. Une autre époque en somme. «J’ai mis beaucoup d’énergie dans cette tâche. Je suis allé voir les joueurs et leur entourage et j’ai proposé l’Algérie. Beaucoup étaient sceptiques, car l’équipe nationale n’était pas au firmament, elle était tout simplement redevenue anonyme. Il était difficile de les convaincre. Et puis, certains n’aspiraient qu’à une chose: l’équipe de France», confie-t-il. Pas faux. Benzema ou Nasri, la crème des beurs, rejoignent les Bleus en 2008, le second ne voulant même pas rencontrer Rabah Ziani.
Les autres, certes moins brillants, mais élevés dans les meilleurs centres de formation français, ont profité d’un changement de la loi Fifa sur les nationalités sportives. Le 3 juin 2009, à Nassau (Bahamas) et sur proposition de la Fédération algérienne, l’organisation internationale amende l’article 18 de son règlement d’application des statuts. Un joueur disposant de la double nationalité peut maintenant changer d’équipe nationale sans limite d’âge, s’il n’a été sélectionné qu’en catégories jeunes. Avant, il devait se décider avant un fatidique 21e anniversaire. La décision est prise par 112 voix contre 82. Mohamed Raouaoura, l’habile président de la FAF, a rallié à sa cause nombre de dignitaires asiatiques, sud-américains et africains. Mais l’effet d’aubaine profite d’abord au sélectionneur algérien Rabah Saâdane, qui peut puiser allégrement dans le réservoir français pour étoffer son groupe. Hassen Yebda (Benfica, 25 ans), Habib Bellaïd (Francfort, 24 ans), Djamel Abdoun (FC Nantes, 23 ans) ou Carl Medjani (AC Ajaccio, 24 ans), fleuron des catégories jeunes françaises, changent d’hymne national et abandonnent le coq tricolore.
Par le passé, le couple algéro-français avait vécu un psychodrame footballistique. Au plus fort de la guerre civile, les meilleurs talents d’origine algérienne avaient quitté la France en 1958 pour rejoindre l’équipe du FLN (Front de libération nationale), à la veille d’une participation acquise au Mondial suédois. Parmi eux, le Monégasque Mustapha Zitouni et le Stéphanois Rachid Mekhloufi, des joueurs au talent immense, qui n’ont presque rien à envier à Kopa et Fontaine. Cinquante ans plus tard, l’histoire bégaie une seconde fois, dans un contexte plus pacifiste. La diaspora franco-algérienne est, aujourd’hui, un exemple de commerce équitable entre les deux pays. Ces jeunes à l’identité partagée et parfois tiraillée viennent de réaliser un exploit insensé: qualifier le «bled» au Mondial 24 ans après sa dernière participation et renforcer le sentiment de cohésion nationale. Pas une mince affaire pour un pays encore marqué par une guerre civile de dix ans qui fait plus de 150.000 morts.
Opportunisme ou sentiment identitaire?
Le 18 novembre 2009 restera une date charnière dans l’histoire de l’Algérie. Ce jour-là en match d’appui à Khartoum (Soudan), dans une ambiance à couteaux tirés, l’Algérie venait à bout de son frère ennemi, l’Egypte (1-0). Pas un simple match de football. A l’instar de celle du FLN, combattante, cette équipe l’a été. La figure de l’ennemi a changé: il ne s’agissait plus de dénoncer la France. C’était surtout une manière de mettre à mal le phare du monde arabe: l’arrogante Egypte. Le pays est pris de frénésie. Les joueurs, accueillis comme des héros. Alger la Blanche devient noire de monde. Le bus des joueurs va mettre plus de six heures pour parcourir les quatre kilomètres qui séparent l’aéroport du palais présidentiel. Conscient du pouvoir de séduction de cette équipe, et son impact sur le moral du pays meurtri par les conflits, Abdelaziz Bouteflika lâche les chevaux et les pétrodollars. Il signe un chèque en blanc au président de la fédération algérienne de football, Mohamed Raouaoura. Pour la qualif au mondial, chaque joueur a reçu une prime de 200.000€, plus des avantages en nature (voiture, maison…). Au Mondial, s’ils sortent de leur groupe, les Fennecs recevront 150.000€ d’office, chacun.
L’Algérie est de retour. Derrière ce come-back fracassant, quelles sont les motivations qui poussent les joueurs dans ce projet? Pur opportunisme ou véritable phénomène identitaire? La question mérite d’être posée. Approché par le passé, Carl Medjani avait préfère attendre. L’Algérie qualifiée, le dilemme n’a plus lieu d’être: «J’ai défendu les couleurs de la France avec les moins de 17 ans. Mais aujourd’hui, je suis prêt à laisser mon sang sur le terrain.» Rationnel, Karim Yebda analyse cette particularité: «On est fier de cette double appartenance. L’Algérie représente nos origines, la France nous a vu grandir. A l’époque, les catégories jeunes algériennes ne représentaient pas une alternative crédible. Aujourd’hui encore, il reste du travail. En revanche, l’équipe A, celle que mon frère vient de rejoindre, est clairement une alternative crédible. Mais au fond, on a vraiment deux pays. Avec ce Mondial, on prendra deux fois plus de plaisir.»
La composition de cette équipe ne fait pas l’unanimité. Une voix détonne. Rabah Madjer, marque déposée pour le football depuis sa célèbre talonnade sous les couleurs du FC Porto face au Bayern en finale de la Coupe d’Europe des Champions. Une référence absolue pour les Algériens. «Je ne partage pas du tout ce choix. Mais je le respecte. En Algérie, nous avons des talents. Il faut les mettre en avant et arrêter de les marginaliser. La seule CAN remportée par l’Algérie (en 1990, ndlr), l’a été avec des joueurs du cru…Quant à ceux qui sont passés par les catégories jeunes de l’équipe de France et qui aujourd’hui vont jouer le Mondial avec l’Algérie, j’estime c’est en quelque sorte de l’opportunisme», nous explique-t-il. Faisant certainement référence à certains joueurs, qui n’ont fait la demande du passeport algérien qu’à quelques semaines de l’évènement, comme Bellaïd. Mais il faudra s’y faire, l’Algérie est désormais une nation arc-en-ciel, surfant sur la diversité… hexagonale. Raïs M’bolhi en est peut-être l’exemple le plus frappant. Français de vécu, il est aussi le fruit d’une union algéro-congolaise. Rabah Saâdane et Mohamed Raouaoura ont brisé un mythe. Ils ont fait confiance aux professionnels évoluant en Europe. Comme un clin d’œil de l’histoire et un retour sur un investissement pour l’Algérie.
Cette évolution devrait désormais être un recours naturel. «Nous avons fait le choix des joueurs professionnels évoluant en Europe. Nous les considérons comme des Algériens à part entière, confie Mohamed Raouraoua. Nous sommes intéressés par tous ceux qui souhaitent rejoindre la sélection. Les Sofiane Feghouli, Ishak Belfodil (deux excellentes jeunes pousses de L1, ndlr) sont les bienvenus.» La France pourrait, quant à elle, assister à une fuite continue des talents. Nadir Belhadj, le feu follet qui sert de latéral gauche aux Fennecs, la justifie simplement: «J’ai fait très vite le choix de l’Algérie. Je n’avais pas envie de me retrouver comme certains qu’on appelle une fois ou deux et puis plus rien. Souvenez-vous de Bafé Gomis, c’était le tube de l’été il y a deux ans. Aujourd’hui, Domenech ne le convoque plus. Et demain, il est possible qu’il ne joue plus aucune compétition internationale. Parfois, tu as l’impression qu’on prend des mecs juste pour qu’ils ne puissent plus honorer la sélection d’origine.» Une défiance que les choix de Raymond Domenech pour ce Mondial n’ont fait qu’accentuer. Car au-delà de l’engouement autour des Fennecs, la non sélection de Benzema ou Nasri et l’absence de joueurs maghrébins en équipe de France n’est pas passée inaperçue. Dans bien des magasins, le maillot vert algérien a remplacé le bleu floqué Zidane en tête des charts. La tunique est en rupture de stock sur tout le territoire, c’est le deuxième maillot le plus vendu par Puma après celui de l’Italie.
International des moins de 19 ans avec les Bleuets, le môme Ryad Boudebouz vient d’opter pour les Verts: «L’Algérie, c’est mon choix. Avec l’équipe de France, c’est trop compliqué.» Une manière comme une autre de signifier qu’il n’a pas envie de compter pour du «Beur» en France. Le mythe de Zidane a lui, bel et bien vécu.
Nabil Djellit
Spécialiste du foot algérien, Nabil Djellit était en charge de la page Maghreb dans le quotidien Aujourd’hui Sport. Il collabore à France Football et à France Soir, et officie sur Ma Chaîne Sport pendant le Mondial.
Source de cet article : http://mondial2010.slate.fr/article/2309/les-tirailleurs-francais-de-lequipe-dalgerie/
Commentaires (42) | Réagir ?
Ça recommence le débat sur la vraie raison qui a ramené nos émigrés ou binationaux comme vous le voulez à venir défendre leur pays du moins en football. Et les autres dans les autres domaines sont-ils venus?Allons-nous les insulter s'ils décident un jour de quitter leurs centres de recherches, leurs bureaux d'ingénieurs, leurs cliniques, leurs hôpitaux... à l'étranger?SVP, arrêtez ce genre débats stérile qui ne démontre que de la fierté déplacée comme je ne cesse de le dire à travers mes commentaires dans site. Sommes-nous condamnés à rester médiocre avec le produit local, al intadj al mahalli en football'Eh bien dites-moi qui est ce grand joueur local que Saadane a oublié d'emmener avec lui au mondial'Djabou: il marque dans 3 ou 4 matchs, ils dribble 3 fois et vous le voyez capable de percer les défenses anglaises et américains ou même slovènes? Hadj Aissa n'a jamais été sérieux dans son travail, ce n'est pas sa coiffure qui va lui dicter de marquer des buts, ce n'est pas parce que les arabes al achiqqaa le surnomme Baggio Al Arab que c'en est forcément un. Saadane l'a eu dans son club à Sétif, est -ce que Saadane se serait passé d'un aussi grand joueur s'il a jugé qu'il lui sera utile? Et puis qui d'autres? Lamouchia? En n'acceptant pas le banc, il démontre qu'il ne connait rien aux règles du football, car sinon les inventeurs du foot auraient préféré des équipes à 11 uniquement et pas de remplaçants. Qui d'autres allez-y chiche! Il y a ce CHAOUCHI dont j'ai prédit entre amis que ce sera lui qui nous qualifierait au mondial face à l'Égypte si SAADANE le prenait, je l'avais prédit le jour du match de coupe d'Afrique entre la JSK et l'étoile du Sahel à TIZI quand il a fait un arrêt décisif digne des grands gardiens, mais hélas CHAOUCHI au lieu de rester dans son club qui l'a révélé pour apprendre la sagesse des gardiens et travailler encore plus, il a pris tout le monde de haut et change de club ou il trouve des gens qui aiment la perturbation dans le travail, regardez combien de joueurs de Sétif ont quitté l'équipe nationale è cause de l'indiscipline. Et voyez comment a été son comportement face à l'Égypte en demi-finales de coupe d'Afrique et son comportement vis-à-vis de SAADANE lorsque le premier a su qu'il allait être le gardien numéro 2 de l'équipe, il a agit comme s'il s'agissait d'un club de quartier en disant je suis en forme alors qu'il était blessé. Je crois que la chose qui manque à l'encadrement de l'équipe nationale est la présence d'un psychologue ŝpécialisé en football, comme ça l'entraîneur connaîtra à l'avance ceux qui sont fragiles psychologiquement de ceux qui sont prêts. Et puis vient le débat sur les naturalisés. Savez-vous que cette idée trottait déjà dans la tête de Madjer bien avant et je suis d'accord avec lui, puisque nos clubs ne forment pas des joueurs capables de qualifier notre équipe nationale même pas en coupe d'Afrique, et puis à l'ère de la mondialisation, nous sommes pas meilleurs que les allemands, les français, hollandais et bien d'autres qui nous ont précédés dans ce domaine et regardez les résultats, mieux que nous en tous les cas, alors que l'Italie qui refuse cette idée se trouve reléguée à refaire ses classes. Je suis écoeuré d'entendre un ex-jouer de l"équipe nationale parler de ces nouveaux joueurs qui ont su garder notre honneur en l'espace de quelques mois en faisant replacer l'Algérie dans le Gotha mondial du football, alors que lui et ses camarades, eux pour le vrai ils venaient dans l, espoir de dénicher un contrat sur le dos de l'équipe nationale, regardez le cas Boutabout qui joue à Blida d'ailleurs car il n'est jamais arrivé à se faire une place même pas en 3ème division française. Je dirai à ce joueur qui s'est exprimé sur football. fr ceci:Eh d'ou sors-tu enfin toi Arrache? Je croyais que ton passage à l'équipe nationale a été médiocre, et que tu devrais cravacher beaucoup dans ton club d'abord pour espérer un retour à l'EN. Maintenant tu t'attaques à Saadane à travers le fait qu'il n'a pas fait jouer MANSOURI. Eh bien disons-le tout de suite, Mansouri n'a pas sa place en équipe nationale, il l'a perdue comme tu l'avais perdue toi aussi. Je croyais que le temps de la légitimité historique est révolue, il fallait écouter certains entraîneurs à qui je rends hommage tels que ZEKRI, l'entraîneur de Sétif qui avait bien dit à temps que MANSOURI, SAIFI devraient partir au même moment que Zaoui, Raho et les autres, même LAMOUCHIA n'a plus sa place, tu doutes de la nationalité de YEBDA, eh bien saches que ce garçon même mieux que toi son pays natal, il a visité plusieurs fois sa Kabylie natale, ainsi que Hamdani, Meriem, mais toi on a jamais entendu de toi visiter ton pays, tu venais rien que pour espérer décrocher un bon contrat sur le dos de l'équipe nationale du temps des mauvais dirigeants auxquels vous donnez vos primes de matchs et d'autres cadeaux rien que pour que vous fassiez partie de l'équipe nationale. Eh bien il faut s'en prendre à ses dirigeants qui n'ont rien fait pour faire venir YEBDA et tous les autres car ils n'avaient pas la stature de RAOURAOUA à qui il faut rendre hommage pour avoir fait tout et convaincu beaucoup de monde pour changer les lois afin que nos compatriotes puissent venir jouer pour leurs pays d'origine. Quoi que les choix tactiques de saadane en coupe du monde restent discutables mais sur le plan joueurs, je lui tire chapeau car il a mis fin à cette légitimité historique que certains joueurs se croient détenir. Il faut être pragmatique Monsieur Saadane, merci pour avoir dit cette fois-ci y en a plus de place pour les sentiments du genre :fin de carrière donc on doit participer au moins à un match, si ton copain Mansouri avait participé on aurait pris des raclées face aux anglais et USA. Et puis il faut lire les commentaires de l'entraîneur d'Arsenal pour avoir une idée sur la hauteur de YEBDA, vas voir les statistiques de celui qui a réussi à bloquer TERRY ET GERRARD avec LAHCEN biensûr. En fin si tu cultives de la haine pour Saadane il faudra t'en prendre à toi-même en réalité car t'as pas ta place toi aussi.
Pauvre Algérie, on fait semblant de t'aimer pour vendre. De 1993 à 2000 personne voulait de toi, sauf tes fidèles enfants.
Meme un mbouli est algérien... Ben voyons. Tous des opportunistes Tfoouuuualikoum