Elles nous regardent ...Le sais-tu ?
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Prête-moi un peu de ta mémoire
Que je rallume quelques étoiles
Et que je me souvienne de leur nom.
Le nom de nos ultimes orgueils...
Et s'il scintille une lumière dans tes souvenirs
Et que chavire en toi un rayon de fierté,
Sache que ce sont elles...
Ce sont elles qui narguent ce ciel gris
Qui persiste sur nos têtes
En cierges incongrus brûlés dans nos désespoirs;
Ce ne sont qu'elles qui illuminent de leur légendes
Nos vieilles nuits sans aurores...
Prête-moi un peu de ta mémoire
Que je rallume quelques étoiles :
Djamila, Louisette, rappelle-toi...
Et que j'éclaire, tatouée sur ma chair amnésique
La balafre de la Casbah :
Hassiba, tremble ma peau !
Et d'une lune sur nos montagnes,
Tu entendras avec moi, au nom d'Ourida,
Se lever encore quelques fleurs sauvages...
Et surtout prend un peu de ma mémoire
Que je cesse de faire pleurer le ciel
A l'idée que nos enfants nous libèrent,
Et que j'oublie un peu leur nom :
Katia, Amal, Nour-El-Houda...
Vierges immolées
Pour éclairer leurs frères
Dans la nuit des hommes au sabre vert...
Katia, Amal, Nour-El-Houda...
Alger, ta race incessante de félines égorgées...
Combien nous faudrait-il d'offrandes
Et de mères démoniaques
Pour te délivrer de tes cerbères
Et te rendre à tes amants ?
Elles nous regardent,
Souviens-toi,
Elles nous regardent, le sais-tu ?
Là, de ce sol assoiffé,
Ce sont elles,
Chaque fois qu’un bégonia, à l’improviste
Viens décorer ma sereine baie d’Alger
A chaque verte fleur sous-marine
Qui se pose sur le corail orangé d’El Kala
Ce sont elles,
A chaque rose insolente qui se forme sur le sable
Pour divertir le Hoggar de sa solitude
Ou qu’un gai hortensia étourdi
S’égare sur les pistes rocailleuses d’Ain-Sefra...
Ce sont elles !
Les sirènes de ma terre,
Fauves indomptables,
Ce sont elles qui nous embrassent
Par ces tendres baisers déposés sur leur terre
Pour nous rappeler que de ce sol martyrisé
Au plus fort moment du désespoir
Quand la mort et l’avenir ne faisaient plus qu’un
Il a toujours surgi des plantes rebelles
Dont elles furent des espèce immortelles
Et qui firent refleurir la liberté.
Alors dans mes aubes perdues d’El-Harrach,
Quand je surprends un brin de pâquerettes
Percer les murs de ma prison,
Ce sont elles, je le sais
Ce sont les sirènes de ma terre
Qui me chuchotent au cœur
Qu’au plus fort du calvaire,
Au plus noir de la nuit,
Il faut croire aux petits soleils
Qui éclosent toujours, me jurent-elles
D'une galette noire
Ou d'un serment oublié
Et je vivrai.
Je vivrai d'un beau regard noir
Sur cette photo lézardée...
Je vivrai des siècles et des millénaires
A apprendre à survivre
Et je survivrai.
Je survivrai la nuit
Pour toi,
Par les filets de lumière
Que les sirènes de ma terre,
De leur corps ont plantés,
Souveraines,
Au cœur de la nuit.
M.B.
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merci
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