DANS LA BOITE : “Tamazgha” revisitée ou l’avancement de la cause kabyle

DANS LA BOITE : “Tamazgha” revisitée ou l’avancement de la cause kabyle

A l’heure où la question Kabyle est relativement à l’actualité parce que Ferhat Mehenni, président du MAK, plaide l’autonomie de la Kabylie à l’ONU puis déclare, depuis Montréal, la Kabylie autonome, il convient de revisiter le concept de “Tamazgha”, d’en définir les caractéristiques et ainsi établir s’il est encore recevable de lier “Tamazgha” et la cause berbère à la cause kabyle.
Définition
“Tamazgha” est un néologisme utilisé par les militants berbéristes pour désigner le “monde berbère”, c’est-à-dire ce qui constitue selon eux la patrie historique du peuple berbère. Il comprend l’ensemble de cinq pays (Maroc, Algérie, Tunisie, Libye et Mauritanie), et partiellement quatre autres pays (nord du Mali, nord du Niger, une partie de l’ouest de l’Égypte, les territoires espagnols de Melilla, Ceuta et les Îles Canaries). “Tamazgha” a été créé par des militants berbéristes kabyles. Il est l’expression du nationalisme berbère puisqu’il affirme l’existence d’une nation et d’un peuple unis transcendant les sous-groupes berbères et les frontières géopolitiques actuelles.
I- “Tamazgha” et Arcadie, établissement d’un parallèle
L’Arcadie est une région de Grèce qui, dans la poésie bucolique latine et hellénique, était représentée comme le pays du bonheur, le pays idéal. La poésie antique, comme Virgile dans les Bucoliques ou Ovide dans les Fastes, décrivait l’Arcadie comme un lieu primitif et idyllique peuplé de bergers, vivant en harmonie avec la nature. L’Arcadie est restée ce symbole d’un âge d’or, un monde riant où les pastorales constituent le principal divertissement musical. Cette contrée mythique a engendré bien des spéculations. Ceci s’explique d’une part par l’éloignement soit dans l’espace, dans le temps ou tout simplement un éloignement intellectuel. Ces spéculations ont engendré l’ idéalisation.
Le concept de “Tamazgha” si pour un temps était nécessaire pour constituer un groupe cohérent face à la puissance coloniale est je pense aujourd’hui largement dépassé. En effet, revendiquer une appartenance à “Tamazgha” et par là même son « amazighité » laisserait sous entendre que : “Tamazgha” serait un lieu avec une unité tout d’abord, linguistique, puis éventuellement religieuse, et enfin un lieu où la distance entre les individus serait quasi nulle ce afin de permettre la libre circulation des biens, des idées, des personnes. Aujourd’hui force est d’admettre que le concept de “Tamazgha” d’abord pensé afin de faire face à la machine coloniale française est devenu une tentative de résistance à l’ idéologie arabo-musulmane venu remplacer le pouvoir français. Afin de comprendre “Tamazgha”, ilconvient de s’interroger sur l’ unité linguistique. Celle ci existe t-elle en Tamazgha ? Deux réponses s’offrent à nous. Dans l’ affirmative, elle est arabe. Dans la négative, des langues entre en compétition. L’unité religieuse, elle aussi doit être questionné. L’unité est représenté par l’ islam. L’islam est il “amazigh” ?
Quant à la libre circulation... Avez vous tenter de passer la frontière Algérienne pour entrer au Maroc ? Vous vous rendrez compte que cette libre circulation est illusoire. “Tamazgha” n’ existerait elle donc pas ? Tout comme l’ Arcadie, cette terre symbolique. “Tamazgha” n’ existerait elle que dans l’ esprit de ceux et celles en souffrance d’un espace idéalisé, lointain dans le temps, dans l’ espace et dans l’ esprit et où pourrait s’inscrire une culture à laquelle on aurait donné le nom de “amazigh” ?
Sous l’ éclairage du rapprochement de ces deux concepts, découle l’ idée même qu’il serait réaliste aujourd’hui de parler de : kabyles, chaouis, touaregs, chleuhs. Certains pourraient soutenir que ces peuples forment ce qu’on appelle les amazighs ou Imazighen. Alors me vient à l’ idée de définir la notion de peuple. Même langue ?... Je n’ en suis pas si certaine... Cousine sans doute... ! Diriez vous d’un italien qu’il est français ? Ou d’un anglais qu’il est espagnol ? Ils vivent portant dans un espace géographique qui lui justement permet la libre circulation des individus par exemple et qui affiche quelques cohérences ne serait ce que économiques, politiques... Je dis bien quelques. La France est marqueur d’identité, l’Europe ne l’ est pas, trop de diversités ( en 1er linguistique). De même, la Kabylie est marqueur d’identité, Tamazgha ne l’est pas... Aucune cohésion, aucune unité ni linguistique, ni religieuse. La cohésion existante renvoie à l’ arabe et à l’ islam. Or, “Tamazgha” est censée être le pivot de la résistance anti arabe.
II- Nécessité d’une évolution du Berberisme vers la Kabylité
Pour démontrer la nécessité de l’ évolution du Berbérisme vers la Kabylité, nous prendrons l’ exemple de l’ évolution du mouvement de la Négritude vers la Créolité.
Quand en1935, Aimé Césaire, entouré de Léopold Sedar Senghor, Léon Gontran Damas, Guy Tirolien, Birago Diop et René Depestre initient le mouvement que l’ on connait sous le nom de la Négritude, ceux ci ont à l’ esprit la création d’un mouvement anticolonialiste. Ce mouvement influença nombre de personnes proches du Black Nationalism et s’étendant bien au-delà de l’espace francophone. Dans les années 90, Aimé Césaire rencontrait Patrick Chamoiseau, théoricien de la créolité au cours d’un débat sur la question de l’ évolution de la notion d’identité et appartenance culturelle. Il est en ressorti que ce qui est écrit est vrai et recevable pour une époque et qu’au fil du temps, cette vérité alors établi mérite d’être revisité. En effet, tandis que le contexte socio culturel, la réalité linguistique, politique, économique changent, les vérités alors posées posent des concepts désuets et distordues par rapport à des situations nouvelles. Ceci car les enjeux ne sont plus les mêmes. Certes, les travaux de recherche, la pensée restent un capital, un acquis mais doivent évoluer et être revisités afin de servir seulement de tremplin et ouvrir vers de nouvelles perspectives. La négritude garde toutes ses lettres de noblesse, toutefois, les contextes ayant changé, évolué, elle laisse place à la créolité qui répond davantage aux problématiques du moment.
Alors, “Tamazgha”, réponse Berbériste, ne serait elle plus que cette Arcadie Nord Africaine un symbole aux dimensions largement idéalisées ? Lequel symbole a répondu aux problématiques posées à l’ époque de la colonisation française.
Dans l’affirmative et étant accepté que le contexte de la colonisation française ayant disparu, il conviendrait alors de se tourner vers un nouveau champ de recherche et prendre en compte les revendications nouvelles. C’est à ce titre qu’il me semble plus qu’une nécessité de redéfinir les terminologies des revendications culturelle et politique et remplacer berbérisme par kabylité, et “Tamazgha” par Kabylie.
Conclusion
A la lumière de notre analyse et dans une démarche de reconnaissance identitaire à laquelle est liée une avancée de la cause kabyle, il conviendrait de soutenir le bannissement de “Tamazgha” désormais tombé en désuétude.
Le champ de la kabylité reste à être exploré dans toutes ses dimensions : linguistique, socio-culturelle, politique et économique.

Brigitte Jacob Hamitouche

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Commentaires (127) | Réagir ?

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Algérie mon amour

qui a écrit ce article ?? très intéressant bravo !!!!!!

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Jugurtha

Merci, Iflis de nous rappeler ce que le grand Ibn Khaldoun avait écrit des arabes et c'est malheureusment toujours d'actualité, pourtant nous sommes bien au XXIème siècle, mais les arabes sont toujours restés dans leur siècle de hijra.

N'est-ce pas Ibn Khaldoun qui avait dit texto que : OUMA ARABIA OUMA OUAHCHIA.

Iflis les arabes ont le désert que les occidentaux ont fertilisé avec l'extraction du pétrole et les pétro-dollars sont américains.

Les arabes sont dans la tempête, à l'heure où le monde entier construise leur avenir et l'avenir de leurs enfants dans des choses scientifiques et techniques, nous notre pouvoir arabo-baathiste islamiste, veut se faire construire une mosquée par les Allemands et avec l'argent du pétrole, c'est pourquoi les Kabyles cris leur douleur, comme ça été aussi le cas en 1990 lors de la création du parti barbe-Fln dit FIS et à présent, c'est la corruption des esprits par cette nouvelle construction qu'est une énième imposture, puisque le pétrole appartient à tous les Algériens et non aux renégats de notre histoire amazigh.

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