Taoufik Ben Brik, du fond de sa prison : "Je meurs"
Sale journée pour le directeur du pénitencier de Siliana ! Aujourd’hui mercredi16 décembre, c’est le jour de visite de la famille Ben Brik. Partis à quatre comme d’habitude dans la nouvelle Clio de son frère Fethi, nous n’avions pas grand espoir de le rencontrer d’autant que ses avocats avaient déposé une plainte contre le directeur de la prison pour non respect de la loi et des droits des prisonniers.
La plainte a été bien sûr jetée à « la poubelle du Ministère de la Justice et des Droits de l’Homme »...Sic !
Cette fois-ci tante Khaoulia a remplacé son frère Fathi. Tante Khaoulia, c’est la tante maternelle de Taoufik, âgée de plus de 80 ans. Elle a insisté pour se joindre à notre groupe pour voir son neveu... pour la dernière fois peut être ! Fathi a donc dû lui céder sa place. Elle est venue du bled. Elle a égorgé pour l’occasion un mouton afin que Saida, la sœur de Taoufik puisse préparer son bon couscous pour son frère emprisonné. Pauvre Tante Khaoulia ! Ni ses prières, ni ses pleurs n’y feront rien. Nenni ! Tu ne le verras point et peut être bien …plus jamais.
La route est dangereuse et glissante à cause de la pluie. Des pics, des pentes, des virages et encore des virages, des camions et toujours des camions... La verdure, les oliveraies, et les prairies qui s’étendaient devant nous caressent nos yeux et nous font un peu oublier l’angoisse de ne pas être autorisés à rencontrer Taoufik comme la dernière fois. Toujours, le même manège ridicule de la police qui nous escorte, nous contrôle et nous épie sans la moindre décence.
Nous voilà face au goulag. Nous avons laissé nos sacs et portables dans la voiture sous la surveillance de Tante Khaoulia afin d’éviter leurs ordres déplacés. L’homme à la perruque ocre jaune n’est pas venu à notre rencontre. L’agent qui le remplace, épaulé par un autre qui se présentera comme étant le sous-directeur, nous impose ses conditions : « Vous ne parlerez point de LUI. Vous ne l’évoquerez point sinon la visite sera interrompue et vous ne serez plus autorisé à le revoir ». Lui ? C’est Ben Ali le Grand, bien sûr !
La porte du parloir s’ouvre devant nous enfin. Nous courons pour voir Taoufik. Il portait son vieux bonnet de laine vert militaire et avait enfilé trois pulls. Derrière les murs de ce goulag, les os de Taoufik doivent être meurtris par le froid. Visiblement très affaibli, le visage enflée, bleuté, il tenait à peine debout, parlait très peu, on l’entendait à peine, il hochait plutôt la tête. Il a demandé des nouvelles des enfants, leurs résultats scolaires et puis si on ne manquait de rien.
SacréTaoufik, toujours soucieux des autres au point d’oublier la maladie qui te ronge !
Derrière nous, un agent ne cessait de regarder sa montre. Un autre en face, lisait sur nos lèvres, un troisième épiait nos moindres gestes. Les tâches étaient bien divisées pour garantir une visite sous la plus haute surveillance. A peine dix minutes et l’on entend crier :« visite est terminée » ! A peine Taoufik clame sa dernière et unique phrase complète: « Je meurs », On nous jette dehors en claquant la porte de fer derrière nous.
Nous reprenons le chemin du retour. Il fait déjà très noir. La route est sans lumière. Tante Khaoulia, chapelet à la main priait : Vie et Liberté pour Ben Brik, Vie et Liberté pour Taoufik, Vie et Liberté pour Ben Brik, Vie et Liberté pour Taoufik, Vie et Liberté pour Ben Brik, Vie et Liberté pour Taoufik Vie et Liberté pour Ben Brik, Vie et Liberté pour Taoufik, Vie et Liberté pour Ben Brik, Vie et Liberté pour Taoufik, Vie et Liberté pour Ben Brik, Vie et Liberté pour Taoufik....
AZZA ZARRAD
La femme de Taoufik Ben BRIK
Commentaires (10) | Réagir ?
Monsieur, c'est les autres qui sont dehors qui meurent a petit feu chaque jour qu'il se regarde dans le miroir et il voit en lui le lâche qui se couche volontier. Demander vie et liberté a ceux qui sont enfermés et incarcérés dehors. mes respects monsieur, quand il y a un brave parmi 10 millions de lâches, la terre continue a tourner et la vie avec. Quand on met un combattant en prison c'est les autres qui se sentent mourir et enfermer dehors parcequ'ils ont moins d'air a respirer. mes meilleures sallutations et mes sincéres condoleances a nous tous qui sont dehors muselés enfermés enchainés par la peur. merci monsieur de nous rappeller que nous sommes les laches donc les morts.
hommes de toutes les races le malheur n'est pas fatal il vous appartient de vivre comme on assemble les roses, manger est criminel tant qu'un homme a faim sur terre, respirer est vol tant qu'on enchaine et tue, mais il n, y a pas de roses dans un jardin sans amour