Je ne crois pas qu'il soit bien sain, ni juste, de faire le moindre reproche ou de mêler Monsieur Aït-Menguellet à de quelconques élucubrations de politique-manigance !Nous avons tous applaudi Bouteflika quand il représentait l'espoir. Quel être humain, doué d'un tant soit peu de sagesse, n'applaudirait pas l'espoir quand il se profile à l'horizon de tant d'années sombres, même si cet espoir avait pour point de départ la triche et les irrégularités habituelles ? Comment ne pas applaudir quelqu'un qui, du jour au lendemain, casse des tabous à l'inertie démesurée en osant s'exprimer en Français (La lougha-el- adjnabiya à abattre) à la télé ? Comment ne pas applaudir quelqu'un qui se rend à l'enterrement de Hassan-II et qui serre la main du premier ministre Israélien avant de se rapprocher du cercueil du roi pour participer de ses bras et de son épaule à sa levée ? Comment ne pas applaudir quelqu'un qui semble s'acharner corps et âme pour redorer le blason d'une Algérie engluée dans les méandres d'un terrorisme aveugle ? S'il fallait ré-applaudir ce Boutéflika là, je le ferais bien volontiers, mais applaudir un violeur de constitution, un bâtisseur de Mosquées à 3 milliards de dollars, un irresponsable qui pardonne aux assassins, non ! Lounis avait applaudi le Boutef de l'espoir mais je doute qu'il applaudisse le Boutef du viol. C'est aussi simple que cela.Aït-Menguellet a su, mieux que quiconque, décrire les contours des malaises (multiples) d'une Algérie prise en otage par un pouvoir maffieux. Même si son expression n'est accessible qu'aux seuls Kabylophones, ses messages transpirent une universalité qui n'a rien à envier à celle de Kant. Lisez donc l'œuvre de Kant (pour ceux qui ne comprennent pas le Kabyle) et vous saurez appréhender, à leur juste mesure, les messages de maître Lounis : "Skoudh thtsamnam yissi choukagh thssâam ighissi thagkoray-anwan !" (Tant que vous continuez à croire en moi (Dieu) c'est que vous avez une tumeur dans vos cerveaux) énonçait-il dans « Avehri ». Cet énoncé à lui seul vaut tous les combats du monde contre ces fous d'Allah et ces arabo-baathistes que le pouvoir fabrique depuis 1962 pour mener combat contre une Algérie de progrès en imposant une surenchère de dévotion stupide afin d'en avilir le peuple. La dernière image révoltante est celle de ce petit enfant de deux ou trois ans que l’on exhibe avec fierté (leilat el-kadr oblige) devant Boutef pour lui faire réciter quelques passages du Coran. A-t-on le droit de sacrifier toute cette innocence pour faire plaisir à ces mutants en leur faisant croire qu’en cette nuit sacrée miracle a eu lieu, aux pieds du maître, par la bouche de cet enfant angélique ? Miracle aura effectivement eu lieu s’il s’agissait de faire résoudre l’équation de Schrödinger à un enfant de cet âge. Mais bon, passons ! Car de toutes façons « lahoum edinouhoum, oua liya eddini » !Lounis Aït-Menguellet appartient à cette race d'humains dont le message dépasse les combats ponctuels des hommes. Son œuvre représente un poids universel dont les générations futures s'inspireront, à n'en point douter, pour construire un monde bien meilleur que celui que nous leur léguons. Des tonnes de commentaires ne sauraient rivaliser avec un seul de ses textes poétiques. On peut toujours écrire sur Aït-Menguellet et se permettre de petites légèretés de critiques mais la trace de ces écrits ne représente guère que ce que peut représenter la marque de petites lucioles égarées sous un ciel d'été et ses myriades d’étoiles. Et il serait grand temps d’introduire certains poèmes de ce génie vivant dans nos écoles si l’on veut réellement sortir l’éducation de la torpeur dans laquelle elle est plongée afin d’extraire au plus vite nos enfants des abimes de certains programmes aliénants.Nul besoin pour lui d'aller chanter à la Mecque, quand il se permet de crier haut et fort depuis près de 30 ans "Akouniyakhdhaa rabi (que Dieu vous maudisse!) à l'adresse de nos dirigeants, à leur tête le FLN! Les avoir applaudi ne fait que renforcer son aura d'homme lucide, de visionnaire bien en avance sur son temps, à l'inverse de ceux qui nous dirigent depuis 1962. D’aucuns semblent avoir oublié le prix payé par ce grand monsieur pour ses positions courageuses, quand une justice aux ordres avait osé le mettre en prison comme un vulgaire voyou. Cette même justice qui étouffe l’expression jusqu’aux limites de l’indécence et du ridicule en emprisonnant Benchicou et en condamnant Dilem pour de simples croquis humoristiques, tout en relâchant des assassins notoires.Reprocher à Menguellet ses applaudissements, c’est reprocher à Benchicou son expression naïve mais sincère « Mon général !» s’adressant à l’institution que nous avions tous considéré comme l’ultime bouée de sauvetage d’une Algérie livrée aux barbaries de multiples bêtes immondes que ce pouvoir a enfanté et qu’il continue d’alimenter sans relâche tout en les dressant contre le vrai génie du terroir.Avancer l’idée que Aït-Menguellet aurait été élevé au statut de prophète s’il avait été happé par la mort avant cet instant maudit des applaudissements, c’est chercher à tout prix à en faire un Martyr, ce que lui même refuse et que nous refusons tous aussi, d’ailleurs ! Nous le préférons vivant, avec ou sans applaudissements ! Il y a eu assez de prophètes comme ça ! Assez de Martyrs aussi ! L’Algérie se doit d’être remise aux siens par cette bande de voyous aux commandes sans qu’une seule goutte de sang ne coule jamais plus sur cette terre ! Quant à évoquer Khalida Toumi dans un texte dédié à une légende vivante, c'est vouloir donner de l'importance à un pet de lapin en faisant croire qu'il peut empester toute une montagne. Monsieur Menguellet est un monument de la dimension d’une montagne, une de ces montagnes qui font notre fierté d’Algériens! Khalida n'est qu'un pet de lapin, le lapin du pouvoir. Elle sera vite oubliée et chassée aussitôt qu'un autre clan aura pris le relais, pendant que notre Lounis sera encore là (nous l’espérons bien) pour délivrer, en martelant de sa voix sereine et apaisante, d'autres messages au kérosène et continuer son œuvre intemporelle d'éveil des consciences, pour le grand bonheur de ses admirateurs aux quatre coins du pays et d’ailleurs.Continuez à nous enchanter Monsieur Menguellet ! Continuez à nous faire rêver d’un monde meilleur, et laissez les autres, sans vous en préoccuper outre mesure, "adhsandouyan aman, aâf-yiman-enssan" !

Kacem Madani