Burqa et discrimination en France: Point de vue d’un maghrébin laïque
Décidément, il y a des sujets de société qui semblent revenir à la mode de façon bizarrement récurrente. Pourquoi continue-t-on d’ainsi empoisonner le débat public par ces thèmes de société(s) d’un autre âge ?
La polémique actuelle sur la burqa représente une diversion grotesque qui contourne les débats de fond sur des questions fondamentales, intimement liées à ces socles religieux qui traversent des siècles sans prendre une ride, et qui narguent l’intelligence de l’homme depuis des siècles. Pourquoi s’entête-t-on à verser dans une passion démesurée sur la chose Islamique alors que l’on ne semble plus s’enquiquiner outre mesure des préceptes Bouddhistes, Chrétiens ou juifs pour lesquels la collectivité dans son ensemble prend des distances apaisantes ?
Mais puisque le débat semble relancé, une fois de plus, rajoutons-y un peu de grain à moudre. Même si je n’adhère pas souvent aux discours de Sarkozy, je ne peux que lui reconnaitre d’avoir trouvé les mots justes concernant le voile intégral : «la burqa n'est pas la bienvenue sur le territoire de la République française».Point final! Le maghrébin laïque que je suis se permet d’aller encore plus loin en décrétant que «la burqa n’est pas la bienvenue sur tout l’espace terrestre des continents de la planète». Cette bâche disgracieuse représente le symbole par excellence d’une volonté d’aliénation sans appel de la femme, que les musulmans ont, de tous temps, considéré et considèrent toujours, non seulement comme un être inferieur mais comme un objet soumis aux extravagances saugrenues et machistes de l’homme. Comment diable peut-on encore se permettre de perdre autant de temps et d’énergie pour légiférer sur de tels signes d’assimilation abjectes de la femme après tant de combats dignes menés par nos mères depuis des décennies pour arracher leurs droits et se situer en position d’égale de l’homme ?
N’est ce pas une insulte primitive à l’endroit des femmes qui luttent à Kaboul, Téhéran ou Alger que l’on s’attarde ainsi sur le port ou non de la burqa à Paris ?
Si ce vêtement importé de Kaboul est toléré en France, ne doit-on pas exiger de ces Grands « Naalatollah », aux noms de la réciprocité et des libertés individuelles, que l’on permette aux femmes «occidentales » de déambuler dans les rues de Téhéran en tenue modernes, voire en mini-jupes ?
Et à propos de liberté, au moment où je rédige ces quelques lignes, selon une dépêche qui vient de tomber sur mon écran, le Grand Ayatollah libanais Mohammed Hussein Fadlallah appelle Nicolas Sarkozy à reconsidérer sa position sur la burqa. S’en suit une déclaration dans laquelle il énonce une évidence qui n’a rien à envier aux fondements de la constitution américaine : « La liberté est l'un des sujets sacrés pour les êtres humains, mais la liberté doit venir de la volonté de la personne, pas des lois qui sont imposées par des personnes". A vous entendre Monsieur le Grand-Grand-Grand Ayatollah, vous consentiriez donc bien volontiers à ce que ce même libre choix soit offert aux femmes de Téhéran de Kaboul ou d’Ispahan ? Quelle hypocrisie !
La liberté individuelle est une belle chose, Monsieur l’Ayatollah, mais elle n’a de sens collectif que si elle s’arrête impérativement là où commence celle des autres. Et la liberté des autres commence par le respect que l’on doit au mode de vie du pays qui nous accueille aux quatre coins de la planète. La décence et le respect voudraient que l’on n’empiète pas sur des us et coutumes d’un pays hôte au nom de prétendus préceptes religieux importés et bien souvent dépassés.
Quant à la lutte contre la discrimination dont Sarkozy voudrait faire une des priorités du gouvernement, l’image d’Épinal classique «il faudra savoir donner plus à ceux qui ont moins sans user de critères ethniques, contraires à nos principes fondamentaux, mais bien sur des critères sociaux» qu’il en fait n’a rien à envier non plus à l’évidence que notre Ayatollah nous présente comme un fondement original sorti tout droit de ses neurones barbouillés par un rythme d’ablutions intellectuelles bien rodé.
Même si, force est d’admettre la noblesse d’une tâche aussi complexe que la lutte contre la discrimination, ce fléau qui empoisonne la vie des immigrants de France depuis si longtemps, l’on ne peut prétendre le faire disparaitre par de simples phrases bienveillantes. J’attends de voir la recette miracle de ce combat dont il est inutile de rappeler toutes les facettes insidieuses. J’espère néanmoins que Monsieur Sarkozy n’ignore pas que l’une des causes de l’ampleur des phénomènes religieux, et notamment Islamiques, en France ces dernières années, est le repli sur soi de l’immigrant de France, particulièrement le maghrébin. Repli que le Français moyen de souche ne fait qu’encourager au quotidien par des attitudes intolérables de délit de facies qui ne s’estompent guère au cours du temps. Comment ne pas se replier sur soi quand un jeune se fait refouler des discothèques à longueur d’année au seul motif que sa couleur de peau ne correspond pas à celle d’une tête blonde ? Si on estime a 30.000 le nombre d’adeptes salafistes en France qui imposent le port de la burqa, combien de nos jeunes subissent ces humiliations dont la société s’accommode avec un naturel déconcertant ? Faites donc le décompte ! Et comment justifier, au moment ou un grand pays comme l’Amérique porte aux commandes un Afro-Américain, l’on continue dans un Grand pays comme la France à pratiquer ce genre de ségrégation indigne ?
Quand à ces vociférateurs de tous bords, avec à leur têtes les responsables du CFCM, qui ne représentent qu’eux mêmes d’ailleurs, au lieu de se réfugier chaque fois dans des histoires de stigmatisation de l’Islam en cherchant tout le temps à déplacer le centre de gravité de cette stigmatisation, ils feraient mieux de travailler à ce que nos jeunes beurs épousent le moule d’une société moderne. Le jeune maghrébin, comme tous les autres jeunes de la planète, de Paris, de Sydney ou d’Alger, n’aspire qu’à une vie décente débarrassée de croyances saugrenues. Mais si d’un côté, cette société moderne les refoule, ils ne peuvent que s’engouffrer dans la première brèche qui s’ouvre à eux.
Et à ce propos, la relance d’une commission d’enquête profonde sur le délit de facies, qui continue de faire rage aux quatre coins de la France, contribuerait à une bien-meilleure marche de l’histoire de l’humanité qu’une commission chargée de tirer au clair le pourquoi du comment de la burqa. Je terminerai par une phrase de Nazim Hikmet qui disait que «la pire des prisons n’est pas celle où l’on se retrouve derrière des barreaux mais celle dont les barreaux se retrouvent dans nos cerveaux». A vous de trouver le moyen d’extraire les barreaux de certaines têtes tout en évitant d’en enfoncer dans d’autres. Et, de mon point de vue, chaque fois qu’un jeune beur subit un délit de facies, notamment à l’entrée de discothèques, c’est un barreau de plus qu’on lui enfonce dans le crane. Ne vous étonnez donc plus de le voir suivre et de croire en d’autres discours trompeurs qui ne correspondent pas au schéma de la république et, corollaire incontournable, de voir proliférer le nombre de burqa qui déambulent sur la plus belle avenue du monde.
Kacem Madani
Commentaires (60) | Réagir ?
Un très bon et amusant article de l'écrivaine Pierrete Fleutiaux, paru dan Le Monde du 05/07 09:
a dignité de l’homme exige qu’il porte la burqa, par Pierrette Fleutiaux
“Si j’étais un homme pieux, voici ce que je proposerais. La femme est un être faible, soumis à toutes les tentations, nous le savons depuis la nuit des temps. Elle est concupiscente, tout entière la proie de pulsions condamnables. Son corps aspire à celui de l’homme, la société doit maîtriser ce corps, dès son plus jeune âge. La burqa peut sembler une réponse appropriée. Contraindre les mouvements de la femme, la ramener à la modestie, encadrer les désirs sauvages qui lui sont naturels, qui troublent son esprit et corrompent la société, relève du devoir de l’homme respectueux de l’ordre divin.
Cependant, peut-être avons-nous fait erreur non pas dans l’interprétation de la loi divine, mais dans les moyens de la mieux appliquer. En effet, les yeux de la femme, même derrière un grillage, même dans la fente du niqab, restent libres. La vision périphérique en est certes limitée, mais la perversité naturelle de la femme lui fera trouver le moyen de contourner ce léger handicap. La femme en burqa continue de voir. On imagine quelles turpitudes alors peuvent agiter son esprit. Cachée sous son voile intégral, la femme peut encore se livrer à la débauche mentale.
Une solution serait de l’aveugler totalement, par le moyen d’un bandeau ou tout autre moyen non cruel mais efficace. Cette solution est à écarter : la femme ne pourrait plus en effet accomplir les tâches auxquelles la destine sa condition subalterne : nourrir l’homme et ses fils, conduire les fils de l’homme à l’école, et faire toutes choses qui dégagent l’homme des tâches matérielles, facilitent l’exercice de son vouloir et son étude des textes sacrés.
Je soumets ici une modeste proposition à mes frères. Que les hommes portent la burqa, qu’ils s’approprient ce vêtement que dévoie trop facilement la femme. L’homme est beau, l’homme est la création première de Dieu, la femme le désire indécemment. Ne lui donnant pas la liberté de convoiter, ne tentons pas sa faible nature.
Voyez l’homme derrière lequel marche la femme en burqa. Même voilée, justement parce que voilée, elle a toute licence de contempler les bras que montrent les chemisettes d’été, les pieds dans les sandales, les fesses agiles et les jambes qui se devinent sous les pantalons, les poitrines mâles et les visages nobles. L’homme croit avoir mis la femme à l’abri de tout danger dans sa prison portative de la burqa. En réalité, il lui accorde une liberté scandaleuse.
L’homme en burqa brisera net l’élan pervers de la femme. Ces yeux brillants, qui transpercent le voile le plus épais, se heurteront à un mur. Ainsi privée dans la journée, elle n’en sera dans sa maison que plus portée à répondre aux besoins sexuels légitimes de son époux.
Que la femme aille dans la rue dans les atours aguicheurs qu’elle ne manquera pas de se choisir. Son regard s’épuisera sur les autres femmes, elle y verra comme dans un miroir sa propre indécence, sa futilité même la détournera de toute compétition malsaine avec l’homme. Quant à cette exposition de la féminité, elle ne saurait nuire à l’homme. Il s’y verra conforté dans son incontestable supériorité. Il saura, dans les autres burqas, reconnaître les hommes pieux et respectueux de la loi, et ainsi renforcera nécessairement la belle et indispensable communauté masculine.
ORDRE DIVIN
Repoussons cette croyance absurde qu’il faudrait voiler les femmes pour que les hommes ne soient pas portés à désirer celles d’autrui. Une telle croyance est mécréante : elle accrédite l’idée que l’homme a été créé libidineux, violeur par nature et faible devant ses désirs. Et que, devant toute femme passant sous ses yeux, s’éveille aussitôt en lui la pulsion de lui sauter sur le râble pour consommer l’oeuvre de chair. L’homme a en lui la force de l’âme et le respect naturel de l’ordre divin. L’homme n’a rien à craindre des misérables appâts de la femme.
Enfin, reconnaissons qu’il y a grand danger à abandonner les fils de l’homme aux soins de la femme. Son faible entendement ne peut que leur nuire. A l’homme de prendre en charge l’homme dans le nourrisson, à lui de le langer, le nourrir, le soigner. Une fois sa tâche reproductive accomplie, que la femme dirige ses agissements erratiques vers l’extérieur, qu’elle s’en aille piailler dans les assemblées publiques, mais que ses miasmes ne corrompent plus le foyer sacré de l’homme. La dignité de l’homme exige qu’il porte la burqa. La burqa est faite pour l’homme. ”
On n'a pas le droit d'entrer dans une banque avec un châpeau, une cagoule, un casque moto. Peut-on le faire alors sous pretexte de liberté (dont on neparle que s'il s'agit du respect de la sienne) ?