Anissa Boumediene : rappel de quelques vérités oubliées !
Il est souvent difficile de saisir comment un journaliste organise les questions de ses interviews, mais l’entretien accordé par Madame Boumediene à Tsa est organisé de telle façon qu’il est impossible de ne pas à se laisser gagner par l’empressement d’apporter quelques objections à une série de contre-vérités présentées sous forme de péremptions non-échangeables et non-négociables !
Comme toutes les sommités boumediénistes qui l’ont précédée, Madame Boumediene ne faillit pas à la règle qui veut que tout ce beau monde des années de dictature cherche par toutes sortes de digressions syntaxiques à s’innocenter de la faillite qu’ils ont eux-mêmes initiée et accompagnée de 1965 à 1979 !
De prime abord, Mme Boumediene annonce la couleur, sous forme de désobligeance chronique envers tout ce qui rime avec Kabyle et Kabylie. Dans son viseur le journal Tamurt, le GPK et Ferhat Mehenni qu’elle accuse d’avoir proféré d’odieuses calomnies à l’encontre de son président de mari, en prétendant qu’il "possédait une fortune qu’on ne peut estimer" et qu’il avait "au moins deux comptes à l’étranger dont un dans une banque juive à New-York" avant de postuler que "le président Boumediene n’a jamais possédé de maison, ni de terrain, que ce soit en Algérie ou ailleurs". Ces biens ne seraient donc que de la pure intox calomnieuse attribuée à des "journaleux" comploteurs pour salir la mémoire du dictateur !
De toute évidence, Madame Boumediene semble avoir bien retenu et assimilé le regard sous lequel le dictateur et ses valets entrevoyaient le Kabyle et la Kabylie : un indigène et un territoire inférieurs qu’il est impératif d’assujettir, par les armes et le matraquage idéologique, au nom de la grandeur de la oumma ! Dans cette quête obsessionnelle de réduction de la composante kabyle, dont on assimile chaque individu frileux au moule arabo-islamiste, à un ennemi juré, juste bon à vilipender, les offenses ont pris les allures de règles syntaxiques, à travers lesquelles un journaliste Kabyle ne peut être rien d’autre qu’un journaleux irrespectueux, un journal kabyle, un torchon, un intellectuel Kabyle, un "intelectelleux", un citoyen Kabyle, un "3ansouri", un politicien Kabyle, un politicard, ennemi de la nation, un non-croyant, un fils de Satan à "radjmi" à volonté, à défaut de réussir à le soumettre de force et par l’épée ! etc. En résumé, tout comme son défunt mari, Mme Anissa Boumediene porte à la Kabylie et ses habitants (n’ayons pas peur des mots !) autant de considération, voire moins, que le commun des mortels porte à un tas de m… !
Quant aux biens de ce bas monde, Boumediene en avait-il vraiment besoin, puisque l’Algérie toute entière lui appartenait ? Ne l’avait-il pas envahie et conquise par les chars et la mitraille ? Nonobstant ce fait historique qui a marqué la mémoire collective d’une empreinte indélébile, selon Anissa, Boumediene, était l’exemple même de probité ! Parlez-moi de probité, quand on lance ses chars à la conquête d’un pays en y massacrant ceux qui venaient juste d’en chasser les roumis ! Parlez-moi de probité quand on déterre les cadavres de nos héros pour les enfermer dans les caves de la gendarmerie ! Parlez-moi de probité quand, pour justifier et blanchir toutes sortes de détournements au sommet, on postule "achkoun ya khdem f’la3ssal ou ma idoukch" ? À propos de cette invitation gustative lancée à ses pairs, Madame Boumediene en réfute le sens logique que tout algérien lambda lui avait attribué, mais elle ne s’épanche pas sur quelconques explications de texte sinon celles qui consistent à l’englober dans le lot de critiques malsaines et malveillantes proférées par les éternels ennemis de la nation ! Ceux qui n’ont eu comme unique objectif dans leur vie minable de "mouchawichines" celui de mettre, et s’obstinent encore à glisser, en guise d’insulte à sa mémoire, des bâtons dans les roues…des blindés de Boumediene !
Madame, tout comme Belaïd Abdesselam s’obstine à le faire, c’est bien trop facile de se dédouaner, d’innocenter les siens, et de se positionner en victime, par de simples envolées syntaxiques et de contre-réactions offensives ! Mais les images d’un Boumediene farouche, asocial, égocentrique, sont encore trop fraîches dans nos mémoires pour espérer nous vendre l’invendable ! À cet égard, au dicton français "Bonne renommée vaut mieux que ceinture dorée" que vous énoncez pour mieux vous disculper (Ah si les mots suffisaient pour tout réaliser, comme il a chanté lui), il n’est pas difficile de vous donner la réplique, en faisant juste appel aux proverbes du terroir, car il transpire de vos déclarations, exclusivement à décharge de votre dictateur de mari, un air de "drabni oua bka, ou sebek, l’elkadhi, chetka" que vous fredonnez à l’endroit de millions de Kabyles que votre défunt mari ne portait pas dans son cœur. Les Kabyles et la Kabylie ne sont pas à l’origine du mépris réciproque qui s’est installé entre nous et votre mari ! Il en est, avec Ben Bella, le premier responsable ! Si votre mari était un grand homme, Madame, il aurait dans la lignée de Kennedy et son célèbre "ich bine ein berliner", appelé à un grand rassemblement à Bejaia, Tizi- Ouzou ou Bouira pour exprimer de tout son soûl et avec les tripes "Nekkini dhakvaïli" ! Et croyez-moi, Madame, c’eut été le cas, nous aurions été de nombreux Kabyles, devenus orphelins au lendemain de la Guerre, à le considérer comme notre propre père ! Au lieu de cela, il a envoyé ses troupes pour surveiller nos allées et venues sur nos routes. Mettez-vous à la place d’un adolescent qui, enfant a vécu les traumatismes de l’armée française, découvre des barrages de l’armée de son pays, notamment celui dressé en permanence entre Assif Nath Aïssi et Tizi-Ouzou, avec des militaires encore plus féroces que ceux des roumis ! N’y a-t-il pas pour un adolescent qui découvre ces faces de soldats patibulaires plantés là pour le surveiller, de quoi maudire tous les saints et tous les diables qui ont contribué à l’indépendance du pays ? Bien évidemment, de votre citadelle et du trajet qui mène au cinéma Dounyazed, rien de tout cela ne dérangeait votre vie dorée et votre regard lumineux sur nous, les indigènes récalcitrants, affreux, sales et méchants !
Désolé d’avoir à vous le dire Madame, mais ce "nekkini dhakvaïli" prononcé par votre mari vous aurait propulsée à un statut bien plus glorieux que celui qui consiste à défendre l’indéfendable dictateur Boumediène ! Cette simple phrase naïve et inoffensive vous aurait conféré statut de maman pour tout orphelin de mère, et dieu sait qu’il y en a eu chez nous comme partout ailleurs en Algérie ! Oui j’en suis désolé, pour vous, d’autant que des déclarations comme "le président Boumediene était un homme fier avec un vif sentiment de sa dignité et de son honneur" reflètent une perception personnelle et une vision en totale opposition et à contre-sens de ce que nous citoyens lambda avons retenu de ces années vécues sous le joug de l’ombrageux colonel des frontières !
Quelle fierté peut-on tirer du fait d’avoir envahi un pays dont le peuple avait été affaibli par 7 années de guerre, de carnages, de sang, de pleurs et de souffrances ?
Quelle dignité peut bien couler dans les veines d’un tyran qui confisque jusqu’aux dépouilles de nos héros ?
De quel genre d’honneur peut bien se targuer un despote qui a passé son existence à vouloir effacer toute trace de nos génies du terroir pour les remplacer par moults incompétents importés d’Egypte et d’Arabie afin de greffer en nous des boutures contre-natures ? Deux exemples suffisent pour démontrer la haine qu’avait développé Boumediene envers le terroir dont pourtant, on dit qu’il en était issu !?
- Slimane Azem, interdit d’antenne dès les années 1960 par le simple fait de glorifier et de chanter "thaqvaïlith" ! Une "thaqvaïlith" dont les tons et les timbres ne cadraient pas avec la gamme et les sons perceptibles par des tympans formatés par la prestigieuse el-Azhar (semble-t-il) à du "t’berbir" mecquois !
- Kateb Yacine, lui qui s’était donné comme objectif, de culbuter la matière grise du p’tit peuple en lui apprenant à réfléchir au lieu de tout réciter par cœur, et auquel Boumediene avait conseillé, via son ministre du Travail, Mohamed Saïd Mazouzi, d’arrêter de s’exprimer, car selon lui, Kateb savait écrire, mais ne savait pas parler ! Ainsi décréta le dictateur ! Boumediene n’avait pas digéré la prestation de Kateb face à un Taleb-Ibrahimi décontenancé par la verve de notre Kebblouti qui lui assène en direct à la télé : Vous n’êtes pas légitimes !
Ce qualificatif à lui seul suffit à balayer toutes ces valeurs que vous attribuez, à tort pour les citoyens lambda que nous sommes, à votre despote de mari. Car, à travers quelle image, quelle forme, quel contour peut-on bien se représenter la fierté, l’honneur et la dignité quand on baigne dans une illégitimité absolue ?
Quant au fait que "le président Boumediene me disait toujours qu’il quitterait le pouvoir à 50 ans", encore une blague de veuve de tyran, désenchantée par le fait d’en être réduite à ne mener sa vie qu’à... Paris. Elle qui était promise à régner sur mille et une servantes et arpenter mille et un palais qui s’étalent d’El-Mouradia à Tipaza !
Car il suffit de se rappeler de la Charte nationale de juillet et des élections de décembre 1976, pour se convaincre du fait que Boumediene n’avait comme unique objectif que celui d’asseoir un semblant de légitimité sur la base de constantes nationales arabité/islamité qui n’ont rien de national. Boumediene était un obsédé du pouvoir ! Et à ce titre, il est improbable que l’idée même de laisser un jour sa place à quelqu’un d’autre, dût-il s’appeler Aek El-Mali, ne lui ait jamais effleuré l’esprit ! Par ailleurs, la "constitution" de 1976 avait été modelée pour tout contenir, y compris n’importe quoi, mais, à ma connaissance, il n’y est nulle part question de transmission de pouvoir, ni par désignation directe du tyran, encore moins par quelconque succession démocratique, car dans la caboche de Boumediene, il avait conquis le pouvoir pour ne plus le lâcher ! Si Allah lui avait prêté longue vie, Boumediene aurait cumulé, 52 ans de présidence, une décennie d’âge en moins que Mugabe, mais deux décennies de plus au pouvoir, et nous ne serions pas là à nous poser la question d’un 5ème mandat pour Bouteflika, mais celui d’un 11ème pour Boukherouba !
Pour revenir au GPK et Ferhat Mehenni que vous accusez de calomnies, il est utile de vous rappeler que Ferhat et le GPK n’ont pas la moindre goutte de sang sur les mains et qu’ils opèrent sur des terrains pacifiques, en pacifistes convaincus, à l’image des Kurdes (des Kurdes trahis par l’Occident qui vient de les offrir en pâture à Erdogan) et des Catalans ! De combien de morts, de combien de crimes, de combien de veuves, de combien d’orphelins, votre mari est-il responsable ? Vous arrive-t-il de vous poser ces questions Anissa-ti ? Je suppose que non, peut-on espérer d’un crocodile qu’il se soucie du sang et des dommages qu’il cause à ses proies ? Eh oui Madame, on ne peut associer l’armée de l'extérieur, dirigée par votre défunt mari qu’à des crocodiles en quête de proies faciles. Et ce "crocodillon" d’Aek-El-Mali scotché au koursi n’est que le dernier survivant de cette race d’imposteurs qui, par les crocs et les chars, ont annexé le pays des hommes libres pour les forcer à se prosterner devant des déités factices pendant que vous convolez en dignes noceurs avec la Vie et ses délices à… Paris, la capitale du bien-être et des plaisirs non factices !
Allons donc, que peuvent bien peser d’insignifiantes calomnies verbales, étalées sur un journal, comparées aux monstruosités, par votre mari, perpétrées !?
Madame, le mépris dont sont victimes nos tribus d’Algérie, en premier lieu la Kabylie a pour première source la haine viscérale que Boumediène vouait aux autochtones du terroir ! Nous avions tous en cœur, au lendemain de ces journées de joie et de folie qui ont suivi le départ des roumis, de voir se construire une Algérie de fraternité, dans laquelle Kabyles, Arabes, Mozabites, Chaouis, se mélangeraient, de corps, de sang et d’esprit ! Mais c’était sans compter sur cette armée de l'extérieur que dirigeait votre défunt mari ! Une armée venue confisquer nos rêves et nos espoirs et nous désenchanter en nous frappant d’un sceau de tyrannie pour nous précipiter dans un état de léthargie dont on ne se relèvera jamais !
Nous sommes nombreux, Madame, à ne pas nous réjouir de l’éclatement du pays, lequel se profile inexorablement à l’horizon du destin de l’Algérie ! Car, pour nous, universalistes convaincus, et certainement utopistes aussi, toute frontière érigée entre les hommes est indigne de ces millénaires d’avancées que l’on exhibe pour preuve de maturité ! Mais Madame, au nom de quelle sagesse, de quelle avancée, des hommes comme votre défunt mari, ou le putschiste invétéré qui l’a remplacé, peuvent-ils ainsi se permettre d’opprimer et de priver de liberté des peuples entiers ?
Vous le constaterez donc par vous-même Madame, par ces simples lignes de témoignages désintéressés, pendant que vos inquiétudes et vos emportements se focalisent sur votre propre renommée, que vous dissociez de quelconque ceinture dorée, nous pleurons déjà le pays rêvé et envisagé par tous au lendemain de l’indépendance, mais que des absolutistes comme ce Aek-el Mali et ce Boumediene que vous adorez (au sens propre comme au figuré) ont transformé en géhenne avant l’heure, et dans laquelle se meurent et se consument dans une procession sans fin, nos vies rêvées et nos espoirs brodés aux lendemains du départ des roumis !
Madame, si ces quelques lignes parviennent jusqu’à vous, j’espère que vous leur attribuerez bien plus des contours goguenards et bon enfant que ceux d’une quelconque volonté de vous blesser où vous nuire ! Car il ne coule dans nos veines… de Kabyles, comme dans toutes les autres composantes du terroir, à majorité (écrasante) amazighe, qu’estime et affection, les uns envers les autres ! Des sentiments que Houari Boumediene, le putschiste, s’est acharné à nous vider de leur essence authentique pour la remplacer par des constantes nationales importées d’ailleurs ! Madame, toute bouture contre-nature est condamnée à pourrir et disparaître. À cet égard, s’acharner encore, en l’an de grâce 2017, à ne pas reconnaitre les âneries des clans qui se sont succédé au pouvoir, c’est ne pas accorder la moindre importance à nos générations futures ! Car, pour vous, pour moi ou pour l’autre, qu’on le veuille ou non "tab djnan’na" ! Ouella mazal ma tabch, krib i’tib ! Réfléchissez Madame ! au lieu de nous jeter la pierre, comme le faisait, de façon farouche et barbare, votre défunt mari !
Bi-kouli ihtiram !
Kacem Madani
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merci
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