Quand Ahmed Ouyahia met la charrue avant les boeufs
Décidément le pétrole est devenu en Algérie non seulement un malheur créant un environnement peu créatif qui l’a enfermée dans une économie de rente et éternue à chaque fois que le prix du baril et le dollar de son échange baissent mais commence ces trois dernières années à constituer un alibi sérieux pour justifier les échecs et les actions efficaces à entreprendre.
Ainsi si l’on se réfère au plan d’action du gouvernement, le rapport des uns et des autres notamment étrangers : FMI, Banque Mondiale, l’Union européenne, et voilà maintenant que le sénat français s’y met. Pour tout le monde, le déficit budgétaire 2017 est principalement dû à la chute drastique du prix du baril du pétrole, qui lui n’a pas commencé à dégringoler qu’en 2017 mais bien avant.
Le nouveau plan d’action que va présenter Ahmed Ouyahia la semaine prochaine analyse dans sa partie "conjoncture financière du pays" que le déficit commercial qui a terminé avec 26 milliards de dollars en 2016 va certainement affecter les recettes de l’Etat pour aggraver le risque de ne pas pouvoir couvrir les besoins de première nécessité d’ici à la fin de l’année 2017. Il l’a confirmé lors de sa rencontre avec les partis de la coalition que les salaires des fonctionnaires du mois de novembre demeurent fortement compromis si une solution immédiate n’est pas trouvée.
Le déficit budgétaire évalué à près de 11 milliards de dollars ne peut plus, selon le programme, être pris en charge par le Fonds de régulation des recettes (FRR) qui est totalement épuisé depuis "févier 2017". Et tout cela pourquoi ? A cause de la baisse du prix du baril. Or, pour la balance commerciale, on n’a que le pétrole à exporter pour environ 98%. Le reste sur un montant de près 2 milliards de dollars dont la moitié est constitué de produits des hydrocarbures. Le pauvre Algérien se prive des belles dattes qu’il met à`la disposition du marché européen pour une facture ne dépassant pas les 25 millions de dollars, les truffes pour 8 millions et 3 millions pour l’échalote. Par contre, il y a au moins trois sources pour les recettes qui couvrent le train de vie de l’Etat : la fiscalité, les revenus du domaine publics et enfin les ressources monétaires principalement la vente des hydrocarbures.
L’évolution du prix du baril
Le prix du Brent qui se rapproche du Sahara Blend Algérien, si l’on se réfère au site investing.com qui en fait ne donne que le cours quotidien du baril lequel prix n’a pas évolué en deçà des prévisions budgétaires depuis l’amorce de sa chute. L’année 2014, il a terminé avec une "moyenne" de 97,52 $ le baril, 2015 il est redescendu à 54,40 pour finir en 2016 à 46,40 $ le baril. Pour les 9 premiers mois de 2017, voici la tendance
La moyenne est de 52,42 dollars par baril, donc il s’écarte en plus des prévisions budgétaires de 2,42 $ auxquels il faut ajouter dans le cas le plus pessimiste 3 dollars par baril pour les primes de qualité du pétrole algérien qui est léger et contient moins de soufre. Ce surplus qu’on arrondit à 5 dollars par baril va directement "en principe" dans le les caisses du FRR pour soulager le déficit budgétaire.
Conclusion
Donc il faut oublier le pétrole et explorer les autres ressources de financement du budget de l’Etat par prendre des mesures audacieuses même si elles sont impopulaires. Elles sont nombreuses que le programme du gouvernement aborde timidement : la vérité des prix en protégeant les bas salaires, la taxation des hauts salaires et des fortunes, plus de mesures coercitives envers la fraude fiscale, revoir certaines niches fiscales qui n’ont pas atteint leurs objectifs, augmenter les prix de vente des biens de l’Etat surtout ceux à usage commercial, faire un diagnostic sérieux sur les dispositifs qui n’ont pas ramené les effets escomptés comme l’emprunt obligataire, la réinsertion de l’informel dans le circuit économique réel et enfin réduire le train de vie de l’Etat à commencer par le salaire faramineux des hauts cadres.
Lorsque tous ces artifices ne suffisent pas, on peut effectivement envisager d’autres voies. Quand bien même le financement non conventionnel s’avère indispensable, il devra être fait par itérations successives sur des durées bien étudiées en fonction des projets qu’il est appelé à financer. Il doit être orienté vers les investissements productifs et certainement pas pour payer les fonctionnaires.
Rabah Reghis, Consultant et Economiste Pétrolier
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merci
Merci pour cet article